ATP: "Federer est le joueur qui m'a le plus impressionné, amusé, ému", les confessions de Nadal

Trois jours avant de signer un retour très convaincant à la compétition face à Dominic Thiem, à Brisbane, l’ex-n°1 mondial aux 22 titres du Grand Chelem Rafael Nadal nous régalait dans une interview au long cours passionnante accordée à El Pais Semanal, le supplément hebdomadaire et dominical du journal le plus lu en Espagne.

L’Espagnol y abordait tout un tas de sujets, de l’évolution du jeu, qu’il n’apprécie guère - la dimension tactique étant selon lui trop négligée aujourd'hui - à sa conception de ce que doit être un champion. Mais Nadal explique aussi pourquoi, de son point de vue, sa rivalité avec Roger Federer surpasse de loin sa rivalité avec Novak Djokovic.

"Plusieurs facteurs se conjuguent, explique Rafael Nadal. Je ne vais pas vous parler de certains d'entre eux parce que c'est difficile pour moi, ce n'est pas à moi de les commenter. Mais d'un point de vue tennistique, c'est clair. C'est une combinaison de styles très radicale. Federer était la perfection au niveau esthétique, au niveau de l'élégance, au niveau technique. J'ai une très bonne technique, beaucoup de technique, mais la technique n'est pas la même chose que l'esthétique. Ce sont deux choses différentes. Il avait une technique incroyable, il faisait de très belles choses avec une telle élégance, c’était impressionnant. Quand je suis arrivé, il était numéro un mondial, et il avait un adversaire avec des cheveux longs et un physique exubérant. L'élégance contre le guerrier. Il y avait une combinaison de personnalités et de styles. Et cela, combiné au fait que nous avons joué tant de matchs sur les plus grands courts, a fait de notre rivalité quelque chose qui a transcendé plus que n'importe quel autre duel."

Quand Federer se réinvente

Dithyrambique à propos de son ancien rival, que certains commentateurs continuent de considérer comme le plus grand joueur de l’histoire, bien qu’il ait été dépassé et même distancé par Novak Djokovic (24) au record du nombre de titres du Grand Chelem, le Majorquin glorifie le génie helvète.

"D'aussi loin que je me souvienne, c'est le joueur qui m'a le plus impressionné, qui m'a le plus amusé, qui m'a le plus ému. J'ai été plus enthousiaste à l'idée de voir jouer Federer que Djokovic, et en fin de compte, le tennis, c'est de l'émotion, et l'émotion est ce qui vous attire vers lui."

Rafael Nadal, décidément très élogieux, confie son admiration pour la façon dont Roger Federer a fait évoluer son jeu sur le tard pour répondre à une problématique tactique que le "Taureau de Manacor" lui avait toujours imposé et qui semblait insoluble jusqu’alors. Si Nadal restera pour toujours celui qui a remporté le plus de confrontations entre les deux hommes, Federer aura gagné l'ensemble de ses matches face à Nadal en 2017.

Lors de cette fameuse année qui l'a vu réaliser un retour miracle sur le circuit (7 titres, dont 2 en Grand Chelem et 3 en Masters 1000) après six mois d'absence et une rééducation passée en Suisse, Federer a battu, et le plus souvent dominé très nettement, le Majorquin à quatre reprises, dont trois fois en finale d'un tournoi majeur (Open d'Australie, Masters 1000 de Miami, Masters 1000 de Shanghai).

"Lorsqu'il revient en 2017, après sa blessure, il opère un changement très important. Il change sa raquette pour une raquette plus grande, qui frappe plus fort, et il opère également un changement mental. Comme il sait qu'il ne peut plus courir comme avant, il devient un joueur beaucoup plus agressif, et cela me fait beaucoup de mal. Il était meilleur que moi sur dur, mais jusqu'à ce moment-là, je pense que je l'avais battu plus souvent sur dur. Mais il se réinvente et donne une autre tournure à son jeu: l'hyper-agressivité. Ma tactique de punir son revers fonctionne toujours, mais elle n'a pas autant d'effet parce qu'il ne me laisse plus faire: il joue trop vite. Il ne m'a pas laissé insister sur son point faible. C'est un point sur lequel il avait fait une erreur dans sa carrière: il me laissait rejouer des coups sur son revers."

Article original publié sur RMC Sport