Affaire Jégou-Auradou: quelles suites judiciaires attendent les deux rugbymen français en Argentine?
Trois jours après leur interpellation à Buenos Aires en Argentine, les joueurs du XV de France Oscar Jégou et Hugo Auradou sont en cours de transfert ce jeudi 11 juillet vers Mendoza, à 1.100km à l'ouest de la capitale argentine, a annoncé le porte-parole du ministère de la Sécurité de la province de Mendoza.
Dans ce dossier qui agite la communauté française sur place, et qui est particulièrement suivi par le consulat et l'ambassade, les deux rugbymen de 21 et 20 ans doivent y être entendus pour répondre des accusations de viol avec violences.
Une violence "atroce", selon l'avocate de la plaignante
Une jeune femme a porté plainte contre le Rochelais et le Palois après avoir passé la nuit de samedi à dimanche dans leur chambre d'hôtel à la suite d'une soirée avec plusieurs autres joueurs français. Dans un premier temps, le "fiscal", l'équivalent du procureur en France a collecté des informations.
"Dans ce dossier, ce sont surtout les expertises réalisées, les expertises médicales qui peuvent prouver les violences et les relations sexuelles qui vont surtout compter, relèvent Christophe Dubois, avocat français inscrit à l'ordre des avocats de Buenos Aeres, Federico Schumacher et Diego Onorati, avocats argentins.
Selon Me Natacha Romano, l'avocate de la plaignante de 39 ans, fille et sœur d'avocats, "il s'agirait de violence sexuelle particulièrement atroce (...) avec la participation de deux personnes, avec violence, pour les deux". Elle a évoqué à l'AFP des "violences sexuelles avec pénétration", la définition judiciaire du viol.
Selon la procureure générale de Mendoza Daniela Chaler, "la déposition (de la plaignante, NDLR) était assez longue, complète, détaillée et correspondait, pour l'heure, aux conclusions médico-légales". "Les lésions sont compatibles avec le récit de la victime mais pas nécessairement exclusivement issues d'une agression sexuelle", avait ajouté sur la radio LV10 la magistrate qui a demandé le placement en détention provisoire des deux joueurs.
Ces relations sexuelles étaient "consenties", a réaffirmé l'avocat des deux joueurs, Me Rafael Cuneo Libarona, ténor pénaliste de Buenos Aires et frère du ministre argentin de la Justice. "Elle prétend avoir été battue, les caméras (de surveillance de l'hôtel) disent qu'elle ne l'a pas été", a-t-il expliqué à plusieurs médias.
Une détention provisoire en Argentine ou en France?
Les faits s'étant déroulés au Diplomatic Hotel de Mendoza où logeaient joueurs et staff français, l'enquête est pilotée par la procureure de Mendoza, qui doit désormais entendre les deux sportifs selon la juridiction locale puisque l'Argentine est un État fédéral.
Une fois arrivés sur place, les deux joueurs vont donc être entendus par la procureure ou le juge, en présence de leur avocat. "Si les résultats concordent avec les délcarations de la plaignante, il y aura une déclaration de mise en accusation", poursuivent les trois spécialistes interrogés par BFMTV. Comme en France, ils pourraient être donc mis en examen, puis placés en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire dans l'attente de leur procès.
Alors que l'avocate de la plaignante a assuré à l'AFP qu'elle demanderait la détention provisoire en cas de mise en examen, la question du lieu de cette détention peut se poser. D'après deux autres avocats franco-argentins contactés par BFMTV, ils ne pourraient pas être transférés en France car ils doivent rester à la disposition de la justice argentine pour être entendus autant de fois que nécessaire par le juge, subir de nouvelles analyses ou encore être confrontés à la plaignante.
En cas de placement en détention provisoire, leur avocat pourrait effectuer une demande de remise en liberté, en proposant un point de chute sur place, avec des garanties de représentation. Dans ce cas, le juge prendrait une décision, en fonction de son analyse du dossier, notamment sur leur dangerosité potentielle ou le risque de fuite. Les conditions de détention dans les prisons argentines sont réputées comme dures, "il n'y a pas de traitement de faveur ou de défaveur", consentent les avocats argentins.
En Argentine, la détention provisoire ne peut excéder deux ans. Elle est renouvelable une année supplémentaire. Après trois ans, des suspects sont remis en liberté s'ils n'ont pas encore été jugés. Mais pour Christophe Dubois, Federico Schumacher et Diego Onorati, les deux rugbymen, s'ils étaient mis en examen, pourraient être jugés d'ici un an. "Dans cette affaire, il y a peu de témoignages attendus", expliquent les avocats. Et par expérience, les deux avocats argentins savent que c'est une juridiction qui juge rapidement.
Jusqu'à 20 ans de prison
Leur éventuel procès se tiendra en Argentine devant l'équivalent d'une cour criminelle française, composée de magistrats professionnels et non pas de jury populaire. La peine encourue est de 8 à 20 ans de prison. La peine qui pourrait être prononcée sera d'autant plus sévère que les faits ont été commis à deux.
Par ailleurs, l'Argentine juge de plus en plus sévèrement ce que les autorités appellent les "violences de genre", c'est-à-dire les violences envers les femmes. "Il y a une véritable volonté de la justice contre ces violences", expliquent les spécialistes du droit argentin.
Il n'existe pas de convention entre l'Argentine et la France pour l'exécution des peines. Toutefois, si les deux jeunes hommes devaient être condamnés, leur avocat pourrait ensuite demander un aménagement de l'exécution de leur peine, pour passer leur détention en France, sans pour autant pouvoir parler d'extradition. La relation familiale entre cet avocat et le ministère de la Justice pourrait également aider à approuver cet aménagement de peine.