Soumission chimique : colorant, goût amer... quelles pistes envisagent les industriels pour lutter contre ce fléau ?

Les industriels pharmaceutiques cherchent des solutions permettant de détecter plus facilement les médicaments utilisés pour la soumission chimique.

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L'agence du médicament a demandé aux laboratoires titulaires d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) de se pencher sur les médicaments à risque de soumission chimique, afin de les rendre plus facilement détectables. (illustration Getty Images)

Avec l'affaire des viols de Mazan, le grand public a découvert avec horreur le concept de "la soumission chimique" : des médicaments détournés de leur usage et utilisés pour agresser ou violer une personne sans qu'elle soit consciente.

Un phénomène qui ne concerne pas que Gisèle Pelicot, figure de proue de ce procès retentissant, mais bien plus de victimes. Selon les résultats de la dernière enquête du Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et d’addictovigilance, les soumissions chimiques détectées ont augmenté de près de 70 % en un an. On compte en effet un total de 1 229 signalements de soumission chimique suspects en 2022, contre 727 en 2021 et 539 en 2020, soit une augmentation de 69 % par rapport à 2021.

Un constat qui fait froid dans le dos, d'autant que les médicaments utilisés sont généralement inodores, incolores et sans goût. Pour lutter au mieux contre ce phénomène, l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) a donné six mois, à compter de ce mois de janvier 2025, aux industriels du médicament pour trouver des solutions permettant aux victimes de mieux repérer l'utilisation de ces drogues.

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"Cela peut consister à rendre le détournement de l’usage de la substance plus difficile ou à alerter les victimes potentielles en modifiant la formule du médicament."

La demande de l'agence du médicament aux laboratoires titulaires d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) concernent notamment les antidépresseurs, les antihistaminiques ou encore les benzodiazépines, ces médicaments à risque de soumission chimique.

Leïla Chaouachi, docteure en pharmacie et experte de l’enquête nationale sur la soumission chimique auprès de l’ANSM, a déclaré à Franceinfo : "Il y a des pistes. On parle de colorants, on peut parler d'amérisants, de gélifiants... Il y a plein de techniques qui peuvent être utilisées. La question, c'est comment s'assurer que ces nouvelles formulations n'altèrent pas la libération du médicament. Il ne faut pas oublier, qu'à la base, les médicaments étaient pensés pour soigner. Il faut trouver la bonne mesure pour réduire le risque au maximum, tout en préservant la qualité de vie des patients."

Avant que ces techniques ne soient testées et commercialisées, la délivrance d'opioïdes ne pourra se faire que sur ordonnances sécurisées, en principe infalsifiables, à partir du 1er mars.

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SI ces recherches devraient aider la détection de soumission chimique et faciliter la prise de conscience des victimes de ce qu'elles subissent, des conseils sont aussi prodigués sur le site de l'association M'endors Pas, fondée par Caroline Darian, fille de Gisèle et Dominique Pélicot, qui a elle aussi été droguée à son insu.

Selon le site, plusieurs signes peuvent alerter les victimes sur une potentielle soumission chimique :

  • Amnésie, somnolence, voire coma

  • Troubles du comportement, troubles somatiques (nausées, vomissements)

  • Perte de mémoire, parfois de façon chronique

  • Perte d'objets ou éléments étranges (vêtements non portés la veille, etc)

  • Sensation d'un goût anormal (boisson ou nourriture)

  • Signes de violences physiques

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Sans être spécifiques, ces signes peuvent être évocateurs d’une soumission chimique a fortiori en présence d’indices laissant suspecter une agression.

"La soumission chimique au sein du foyer est particulièrement préoccupante car elle s’inscrit dans une routine insidieuse et dangereuse, pouvant avoir de graves conséquences sur la santé des victimes. Chutes, coma, accidents de la voie publique mais aussi trouble du sommeil, de la mémoire, perte de poids, syndrome de sevrage et syndrome de stress post-traumatique… sont autant de complications rapportées qui s’ajoutent aux agressions subies"

Leïla Chaouachi, experte de l’enquête nationale sur la soumission chimique auprès de l’ANSM, sur le site de l'association M'endors Pas.

Dans un documentaire diffusé ce mardi 21 janvier à 21 h 10 sur France 2, "Soumission chimique : pour que la honte change de camp", Caroline Darian prête d'ailleurs sa voix et livre son histoire, pour alerter sur cette pratique, qui est selon elle "le secret le mieux gardé des violeurs".