"Sa sangle a été coupée net": dans les jardins ou en pleine rue, les vols de chiens se multiplient

Le 29 avril 2022, Nathalie revient d'une balade sur la plage de Plouarzel, dans le Finistère, avec deux chiens. Il y a le sien, Sunny, un chiot Berger miniature de quatre mois, et une petite Jack Russel, qu'elle garde ce jour-là. Sur le parking, un couple l'aborde. En pleine conversation avec la femme, Nathalie ne remarque pas que l'homme s'empare du chien pour le faire monter dans son véhicule, un utilitaire blanc.

"Quand je remonte dans la voiture, je vois que la sangle qui l'attachait a été coupée net", raconte la jeune femme, très émue. "Je comprends tout de suite, mais c'est trop tard, le véhicule est déjà parti. Il a suffi de trente secondes pour qu'on me vole mon chien."

Des vols par "opportunisme"

Victime de "dognapping", dérivé du mot "kidnapping", Sunny est toujours introuvable un an plus tard. Pour aider les autres propriétaires victimes et lutter contre les trafics d'animaux, Nathalie a fondé l'association Waf et développe même une application pour signaler les animaux dérobés.

"Chaque chien volé est le Sunny de quelqu'un", déplore-t-elle. Et des "Sunny", il y en a eu 459 en 2022 en France, contre 378 en 2021, soit une hausse de 21%, a fait savoir à BFMTV l'I-CAD, l'organisme en charge de l'identification des animaux.

Si ces chiffres se basent sur les plaintes déposées auprès de la police et de la gendarmerie, "il reste difficile de quantifier précisément" les vols de chiens en France, estime Pierre Buisson, le président de l'organisme. "Il y a des propriétaires qui ne déposent pas plainte et ceux qui le font pour vol alors que l'animal a fugué", ajoute l'homme, également vétérinaire.

"On est de plus en plus sollicités", constate tout de même une autre Nathalie, responsable de la Brigade de protection animale (BPA), une association majoritairement composée de policiers et gendarmes bénévoles. Dans la majorité des cas, il s'agit de vols par "opportunisme".

"Ils voient un chien seul en forêt, dans une voiture ou attaché devant un commerce, ils saisissent l'occasion, ils le prennent, un peu comme quelqu'un qui laisserait son portable sur la table d'un café", explique-t-elle.

Un trafic qui peut être très lucratif

Mais d'autres, eux, sont bien plus organisés. La policière rappelle que le trafic d’animaux est le troisième trafic derrière celui des armes et des stupéfiants.

Les malfrats ciblent en général de petits canidés, particulièrement à la mode, comme le Spitz, le Chihuahua, le Yorkshire Terrier ou le Bouledogue français, et d'autres, plus imposants, comme le Berger allemand, le Staffordshire Bull Terrier, l'American Bully, l'American Staffordshire Terrier ou le Berger australien, selon les données recensées par l'I-CAD en 2022.

Des chiens parfois revendus immédiatement sur Internet ou "sous le manteau" pour empocher quelques centaines d'euros. Même si "le phénomène reste très marginal", certains ont même des contrats sur leur tête, explique une autre Nathalie, bénévole pour Alerte Disparition Animaux (ADA), un site de recensement pour les animaux perdus, trouvés ou volés.

"Ça peut arriver quand quelqu'un veut un chien en particulier, une race précise, une couleur précise. Ils commandent un chien comme ils commanderaient un téléphone", s'agace-t-elle.

Mais le business le plus lucratif, c'est probablement celui de la reproduction: "Ils volent une chienne qui n'est ni pucée, ni stérilisée, ils la font reproduire et ils vendent les chiots derrière. Il n'y a pas de traçabilité, c'est de l'argent facile", explique l'autre Nathalie de la BPA.

"Les Spitz ou les Pomsky, ça se revend entre 2000 et 3000 euros. Si vous avez dix chiots dans la portée, faites le calcul, c'est le jackpot", s'indigne la bénévole de l'ADA.

Des malfaiteurs parfois violents

De l'avis des spécialistes, ces voleurs de chiens opèrent surtout dans les jardins. "Il ne faut pas laisser son animal sans surveillance, ça va très vite", met en garde la maîtresse de Sunny. Nathalie conseille aux propriétaires de canidés d'éviter les plaques "attention aux chiens" sur les portails, mais aussi les stickers collés sur les véhicules ou les photos sur les réseaux sociaux: "Ça peut attirer les voleurs."

Pour arriver à leurs fins, les malfaiteurs peuvent parfois se révéler violents. "On a des cas de vols en pleine rue, parfois à l'arraché, en courant ou à moto, ou encore en coupant la laisse", relate Nathalie du site ADA. "Il y a aussi des vols où les propriétaires se font agresser."

Au lendemain de Noël, une dame de 87 ans qui promenait son chien, dans le VIe arrondissement de Paris, avait été frappée par une femme qui lui a volé l'animal.

"Il y a une augmentation de la violence dans la société, de manière générale. Forcément, ça se transpose aussi dans les vols de chiens", complète la responsable de la BPA.

La question du préjudice moral

Une fois dérobés, les canidés ne sont que très rarement retrouvés, même s'il existe quelques belles histoires. Comme celle de Bayou, un chien de 6 ans, rendu le 12 avril dernier à son propriétaire, un mois et demi après avoir été volé en pleine promenade dans le quartier de Montmartre à Paris. Le voleur, qui a été interpellé et placé en garde à vue, risque jusqu’à trois ans de prison et 45.000 euros d’amende.

"Mais dans les faits, les voleurs ne sont jamais condamnés à cette peine-là", déplore Nathalie, la maîtresse de Sunny. "Ils doivent se dire que ça vaut le coup, ils ne risquent pas grand-chose."

Quelques jours après le retour de Bayou, une pétition a été lancée par plusieurs associations pour que les animaux volés "ne soient pas considérés comme de simples objets dans les procédures", peut-on lire sur la page.

"Quand vous portez plainte pour un enlèvement de chien, c'est considéré comme un objet, c'est la même procédure que si on vous volait votre téléphone portable", regrette Nathalie de l'ADA. "Le préjudice moral est énorme, mais il n'est pas pris en compte."

Article original publié sur BFMTV.com