Sénégal: le Parlement entérine le report de la présidentielle, des députés de l'opposition évacués

Le Parlement du Sénégal a entériné dans une grande confusion le projet de loi visant à repousser la présidentielle au 15 décembre 2024, un vote qui plonge mardi le pays dans l'inconnu et fait craindre une ébullition.

La loi a été adoptée dans la nuit de lundi à mardi à la quasi-unanimité, par 105 voix pour et une voix contre, après que les députés de l'opposition qui faisaient obstruction au vote ont été évacués manu militari par la gendarmerie.

"La situation est complètement catastrophique, l'image du Sénégal est ruinée et je ne pense pas que nous nous relèverons de sitôt de cette faillite démocratique, de ce tsunami dans l'état de droit", a réagi après le vote Ayib Daffé, un député de l'opposition.

Le débat qui avait commencé lundi dans la matinée s'est poursuivi jusqu'en pleine nuit dans une ambiance électrique, des parlementaires en venant même aux mains dans l'après-midi.

"Coup d'État constitutionnel"

La tension est montée d'un cran au Sénégal, considéré comme un îlot de stabilité en Afrique de l'Ouest, après l'annonce samedi par le président Sall de reporter la présidentielle prévue le 25 février, quelques heures avant l'ouverture de la campagne.

Cette décision sans précédent, dénoncée avec virulence par ses détracteurs comme un "coup d'État constitutionnel", a provoqué un tollé parmi les candidats qualifiés et dans la société civile, y compris dans les milieux religieux.

Lundi matin, autour du Parlement, les gendarmes ont repoussé avec des gaz lacrymogènes des tentatives sporadiques de rassemblement à l'appel de l'opposition. De petits groupes se sont repliés plus loin en scandant "Macky Sall dictateur !".

L'internet a été coupé lundi, moyen devenu courant d'ailleurs afin d'enrayer les mobilisations et déjà employé par le gouvernement sénégalais en juin 2023, dans un contexte de crise politique.

Avec cette adoption de la loi par le Parlement, la situation dans ce pays qui a régulièrement élu ses présidents et n'a jamais connu de coup d'État, une rareté sur le continent, demeure hautement volatile.

La Communauté des États d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), l'Union africaine, les États-Unis, l'Union européenne, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, partenaires importants du Sénégal, ont exprimé leur inquiétude.

De nombreuses organisations de défense des droits, sénégalaises et internationales, ont réprouvé les restrictions à internet ainsi que la suspension de la licence de la télévision privée Walf TV. Elles ont appelé les autorités à se garder d'un usage excessif de la force, des arrestations arbitraires et des atteintes aux libertés.

Article original publié sur BFMTV.com