Stratégies, effectifs, risques... À quoi la riposte terrestre d'Israël à Gaza pourrait-elle ressembler?

Stratégies, effectifs, risques... À quoi la riposte terrestre d'Israël à Gaza pourrait-elle ressembler?

Six jours après les attaques sans précédent du Hamas qui ont frappé le territoire israélien et fait plus de 1.200 morts, les bombardements israéliens sur la bande de Gaza sont incessants. Le Premier ministre, Benjamin Netanyahu l'a promis: il veut "écraser" le mouvement palestinien responsable selon lui d'une "sauvagerie jamais vue depuis la Shoah". L'opération militaire, "Sabre de fer", a été lancée dimanche 8 octobre, l'État hébreu se déclarant officiellement en guerre.

Outre les bombardements visant les infrastructures comme les dépôts de munitions, les commandants et les centres d'opérations du Hamas, se pose maintenant la question d'une incursion terrestre de la part de l'Israël dans la bande de Gaza, la dernière remontant à 2014.

Un ordre d'évacuation du nord du Gaza

Ce vendredi matin, l'Onu a été informée par l'armée israélienne d'un ordre de "relocalisation" de quelque 1,1 million d'habitants du nord de la bande de Gaza vers le sud dans les 24 heures, a indiqué jeudi le porte-parole du secrétaire général de l'organisation, réclamant que cet ordre soit annulé. Un tel déplacement de population en un laps de temps si court, sur une si petite surface, semble difficile à suivre.

Dans un tweet publié en langue arabe quelques minutes plus tard, Avichay Adraee, lieutenant-colonel de Tsahal, a également appelé les habitants de la bande de Gaza à se rendre au sud du cours d'eau Wadi Gaza, les appelant à s'éloigner "des terroristes du Hamas qui vous utilisent comme boucliers humains." L'annonce laisse présager de l'imminence d'une opération militaire au sol. L'ultimatum doit prendre fin dans la nuit de vendredi à samedi, soit une semaine pile après les attaques terroristes du Hamas.

Israël avait besoin de temps

Ce jeudi, un porte-parole militaire avait déclaré que "rien n'avait encore été décidé" mais Israël se prépare tout de même à une telle éventualité. "Nous nous préparons pour les prochaines étapes de la guerre, nous élaborons des plans d'urgence opérationnels multiples", a déclaré le lieutenant-colonel Richard Hecht lors d'une conférence de presse en ligne.

300.000 réservistes ont été mobilisés et des dizaines de milliers de soldats déployés autour de la bande de Gaza, quitte à s'affaiblir au nord où menace le Hezbollah libanais. Du matériel militaire, des chars d'assaut et des blindés ont été amenés à la frontière.

Mais si rien n'a encore été entrepris, c'est d'abord "parce qu'Israël a besoin de temps pour mettre en place ses forces terrestres", explique le général Jérôme Pellistrandi, contactée par BFMTV.com.

"Ils ont besoin d'avoir un rapport de force suffisamment important au moment de déclencher l'offensive."

L'armée israélienne souhaite aussi terminer de sécuriser son propre territoire et "s'assurer qu'il n'y a plus aucune infiltration du Hamas" selon le porte-parole de l'armée.

Affaiblir le Hamas en amont

C'est pourquoi, pendant ce temps de préparation tactique, l'assaut aérien se poursuit. "Leur objectif est de casser au maximum les infrastructures du Hamas, tout ce qui leur permet de se battre, et de maintenir une pression sur eux", détaille Jérôme Pellistrandi.

Les grands immeubles sont particulièrement visés afin d'éviter, dans le futur, que des snipers du Hamas puissent s'y positionner et atteindre les soldats du Tsahal.

Le "siège complet" imposé à la bande de Gaza, privant d'électricité, d'eau et de gaz le mouvement terroriste et les 2.3 millions de Palestiniens vivant sur ces terres, a aussi une visée tactique. Même si l'ONU le considère comme contraire au droit international humanitaire.

Ce siège "consiste à éviter les pertes du côté israélien, à affaiblir le Hamas et à donner le temps à Tsahal de peaufiner ses plans", note Pierre Razoux, directeur académique de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques (FMES), dans une tribune parue dans le journal Le Monde. Mais "un siège ne permet pas de récupérer" les 150 otages, de nationalités diverses, retenus par les terroristes.

Risques de pertes humaines importantes

Autre frein pour Benjamin Netanyahu: l'important risque de pertes humaines, tant pour ces soldats et pour les Gazaouis que pour ces otages qui pourraient être utilisés comme des "boucliers humains".

Les terroristes du Hamas sont "prêts à se sacrifier pour infliger un maximum de pertes à l’armée israélienne", analyse Pierre Razoux. "Les Israéliens devraient engager au moins 180.000 hommes pour espérer prendre le contrôle ponctuel de la bande de Gaza".

L'important réseau souterrain, utilisé par les terroristes du Hamas pour se déplacer, stocker leur matériel de guerre et fabriquer leurs roquettes, risque de compliquer la riposte. De plus, les rues étroites obligeront l'armée à recourir à l'infanterie au lieu de tanks.

"Le risque est qu'ils se fassent kidnapper ou tuer par des snipers", note Amélie Ferey, chercheuse au centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (IFRI), interrogée par France culture.

Et après?

Une intervention militaire dans ce territoire à l'extrême densité - près de 6.000 habitants au km2- risque aussi de faire des milliers de victimes civiles palestiniennes. Selon le dernier bilan des autorités de Gaza ce jeudi, les bombardements israéliens ont fait 1.354 morts et, d'après l'ONU, plus de 338.000 déplacés.

Pendant la guerre de 2014, le renseignement militaire avait conclu qu'une telle incursion terrestre "prendrait cinq ans, se solderait par un bilan humain catastrophique et mettrait en danger les accords de paix avec l’Égypte et les autres pays arabes de la région", rappelle L'Express.

Si l'objectif de l'armée, via cette "guerre asymétrique de haute intensité selon le général Jérôme Pellistrandi, est la "liquidation" du Hamas, au pouvoir depuis 2007, se pose la question de la suite des événements.

"Même si elle y parvient, que faire le jour d’après? Restaurer un contrôle israélien direct sur la bande de Gaza, qui créerait encore davantage de problèmes politiques et sécuritaires? Faire revenir l’Autorité palestinienne sur le dos d’un char israélien?, questionne Hugh Lovatt, spécialiste du Moyen-Orient au Conseil européen pour les relations internationales, auprès de L'Express. "Aucun scénario n’est réaliste."

Article original publié sur BFMTV.com