La riposte d'Israël à l'Iran, inévitable sur le fond mais incertaine sur la forme

Photo transmise par l'armée israélienne d'un avion de chasse, dont la position n'a pas été divulguée, après une mission d'interception, le 14 avril 2024 (-)
Photo transmise par l'armée israélienne d'un avion de chasse, dont la position n'a pas été divulguée, après une mission d'interception, le 14 avril 2024 (-)

L'Iran a mis à exécution sa menace de représailles contre Israël en lançant samedi soir une attaque massive et inédite contre son ennemi régional.

Mais les deux pays ne vont pas en rester là, estiment des analystes qui jugent quasi inévitable une risposte d'Israël contre la République islamique, opération risquée qui pourrait déstabiliser devantage un Moyen-Orient au bord du précipice.

Pourquoi Israël va risposter ?

Alors que l'Iran et Israël avaient l'habitude de s'affronter par tiers interposés, comme le Hezbollah libanais, la République islamique a pour la première fois lancé une attaque directe, à coups de centaines de missiles et de drones, tirés depuis son territoire.

Même si la quasi totalité des tirs ont été stoppés par Israël et ses alliés, cet événement "réécrit les rapports" entre les deux rivaux, dit à l'AFP Stéphane Audrand, consultant en sécurité.

Le 1er avril, une ligne avait déjà été franchie avec une frappe aérienne, attribuée à Israël, contre le consulat de l'ambassade d'Iran à Damas, en Syrie.

L'attaque avait notamment provoqué la mort de sept Gardiens de la révolution, l'arme idéologique de l'Iran, qui avait promis de riposter.

"Traditionnellement, Israël a zéro tolérance si son sol national est frappé par un autre Etat", souligne Stephane Audrand qui estime que Benjamin Netanyahu "ne peut pas ne pas réagir".

"Une réponse israélienne interviendra, sur le sol iranien", affirme également sur X Tamir Hayman, ancien chef du renseignement militaire israélien qui dirige l'Institut d'études sur la sécurité nationale (INSS).

Israël s'en prendra-t-il au nucléaire iranien ?

"Si Israël riposte, ce sera selon les mêmes paramètres : sur des sites militaires, pas sur la partie civile et probablement pas sur la partie économique", avance l'analyste Sima Shine, une ancienne agente du Mossad qui dirige le programme sur l'Iran de l'INSS.

Pour maîtriser le risque d'escalade, "il faudrait que les Israéliens se contentent de frappes sur des sites conventionnels, sur des sites d'où sont partis des missiles, sur des usines de drones", observe Stephane Audrand.

D'ailleurs, l'attaque iranienne semble avoir été calibrée pour éviter "un nombre important et significatif de victimes du côté israélien", estime Menahem Merhavy, spécialiste de l'Iran à l'université hébraïque de Jérusalem.

Les Iraniens ont frappé Israël "d'une manière contrôlée", notamment "pour ne pas subir une réponse aussi substantielle de la part d'Israël qui compromettrait leur programme nucléaire", observe Hasni Abidi, du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, à Genève.

Le programme nucléaire iranien est depuis des années au coeur des tensions entre Téhéran et Israël, qui accuse la République islamique de chercher à acquérir l'arme atomique, ce qu'elle nie.

Avec un Premier ministre israélien jugé imprévisible, qui joue sa survie politique à la tête d'une coalition de droite et d'extrême droite, il y a un "peu ce risque d'emballement sur le nucléaire", juge Stéphane Audrand.

Quels sont les dangers ?

"Si Israël réagit de manière très énergique, il est probable que nous nous trouvions dans une situation d'escalade susceptible de s'étendre", prévient Meir Litvak, directeur du centre d'études iraniennes de l'université de Tel-Aviv.

Mais il n'est pas dans l'intérêt d'Israël d'ouvrir un nouveau front direct avec l'Iran alors que le pays est déjà engagé dans une guerre avec le mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza, souligne-t-il.

D'autant que les responsables israéliens avancent sur une ligne de crête diplomatique, en butte aux critiques de plus en plus véhémentes de capitales étrangères pour la catastrophe humanitaire en cours à Gaza.

Les mêmes chancelleries, Washington en tête, ont serré les rangs depuis samedi face à l'Iran, assurant Israël de leur soutien, tandis que plusieurs pays - Etats-Unis, Jordanie, Grande-Bretagne, France- ont appuyé militairement la défense israélienne, selon l'armée.

Si bien qu'"Israël ne peut pas riposter sans consulter les Américains", juge Sima Shine.

Avant de riposter, "il ne s'agit pas seulement de consulter, mais d'obtenir l'approbation de Washington", assure Tamir Hayman.

"Le temps est de notre côté, nous pouvons penser, planifier et agir intelligemment", écrit-il sur X, estimant que "le succès défensif" obtenu ce week-end permet de ne pas se précipiter.

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