Revenus, bio, suicides... Face aux agriculteurs, Macron était là "pour causer" pendant un débat improvisé
Closes miroir qui "n'existent pas", agriculture bio, taux de suicides, bien-être agricole, normes... De nombreux thèmes ont été abordés ce samedi 24 février entre Emmanuel Macron et les agriculteurs du Salon de l'agriculture.
Après un grand débat annulé la veille, le chef de l'État a organisé une table ronde "improvisée". Ce débat avait été abandonné après la colère suscitée chez les syndicats agricoles par l'invitation du collectif écologiste Les Soulèvements de la terre.
"Moi je suis là", a lancé le président aux agriculteurs tandis que l'ouverture du Salon était retardée par des heurts et des manifestations, à l'intérieur et devant le Salon.
"Je veux bien parler à tout le monde, simplement tout le monde siffle [...] On est là pour se causer", a lancé le chef de l'État, entouré de ses ministres Marc Fesneau et Agnès Pannier-Runacher.
Débat "sur le pouce"
Pendant deux heures, accoudé sur une table mange-debout, veste de costume tombée, le président a recueilli les doléances des agriculteurs regroupés autour de lui, chacun portant un signe distinctif de son organisation syndicale: bonnets jaunes, casquettes vertes ou rouges.
Notant les questions sur une feuille de papier, tentant parfois difficilement de répondre entre les éclats de voix et protestations, le président a notamment été interpellé pêle-mêle sur les conséquences de la guerre en Ukraine, le taux de suicide, la simplification administrative, l'écologie vécue comme "punitive" par certains agriculteurs ou encore la rémunération des agriculteurs.
"La maison qui rend fou dans Les Douze Travaux d'Astérix"
"Il y a des excès sur l'Ukraine. Il y a des milliardaires, j'ai été le premier à le dénoncer. Le milliardaire du poulet, qui est-ce qui a été le premier à en parler pour taper dessus à Bruxelles?", a mis en avant le chef de l'Etat, en référence à la suspension des droits de douanes pour les importations d'Ukraine qui ont notamment profité à un industriel.
"C'est la maison qui rend fou dans Les Douze Travaux d'Astérix", l'a interpellé un néo-agriculteur, ancien commercial en informatique, à propos des "huit organismes" auxquels il doit "envoyer des papiers similaires".
"C'est ubuesque, l'installation on doit simplifier", a convenu Emmanuel Macron. "Moi je dis: arrêtons d'emmerder ls Français", a tonné le président.
"J'ai failli passer à la trappe"
Lors d'une séquence particulièrement touchante au début de l'échange, des agriculteurs ont souhaité aborder le thème du suicide. L'un confiant au président avoir lui-même "failli passer à la trappe" au mois d'août.
"On fait beaucoup pour le bien-être animal, mais que fait-on pour le bien-être des agriculteurs", a interpellé une agricultrice.
L'agriculture bio et l'environnement ont également eu leur place dans le débat. Faire '"des mesurettes", ça ne marche pas, a ainsi réagi un agriculteur face à Emmanuel Macron. Les millions de l'État, "c’est un sparadra sur une blessure ouverte", s'agace un autre.
Il réclame une stratégie: "Sur le bio, on n’a pas de vision", dénonce-t-il. "Je m'embête à faire du bio [...] je fais ce que l'État me dit mais je ne sais pas où je vais",déplore-t-il.
"Si on veut faire de l'écologie, il faut la payer", a exhorté un des débatteurs.
"Il faut faire un contrat entre l'État et l'agriculteur qui dit: "Si vous voulez être plus vertueux, on vous aide, on vous paye"", propose-t-il.
Tutoiement et invitation à "garder confiance"
"Je suis en train de vous dire que le boulot est fait sur le terrain, on a repris les copies, on est en train de faire toute la simplification", a-t-il déclaré devant des représentants de trois syndicats, FNSEA, Jeunes agriculteurs et Coordination rurale, notamment.
"Je préfère toujours le dialogue à la confrontation [...] La confrontation, ça ne produit rien", a asséné le chef de l'État. Ajoutant: "Il faut que le salon se passe bien parce que pour vos collègues, c'est parfois des mois, voire des années de boulot. Ils sont montés avec leurs bêtes, avec leur travail pour le montrer".
Cédant au tutoiement au fur et à mesure que l'heure tournait, parlant parfois avec un langage familier et demandant à ce qu'on lui "fasse confiance", Emmanuel Macron a également appelé à un peu d'optimisme.
"La ferme France reste forte"
"La ferme France, elle reste forte, elle produit [...] c'est faux de dire qu'elle est en train de se casser la gueule", a-t-il asséné, exhortant à ne "pas dresser un portrait catastrophiste de notre agriculture".
"Non, c'est moche", répond-il quand un homme arborant d'un t-shirt "Paysans sans président" l'interpelle, avant de lui demander d'enlever ce vêtement. Et de lui serrer la main, une fois chose faite.
"J'ai fait mon job, je vais continuer [...] je compte pas m'arrêter en chemin", a assuré le président d'un ton volontariste pour conclure l'échange.
Cristallisant la colère des agriculteurs, il était arrivé autour de 8h du matin au Salon pour prendre un petit-déjeuner avec plusieurs représentants des syndicats de la profession, après plusieurs semaines de crise agricole.
Mais au même moment, des manifestants, certains munis de sifflets et scandant "Macron démission" ou "rendez-le", se sont précipités dans l'entrée principale où des heurts se sont produits avec le service d'ordre, obligeant les CRS à intervenir pour tenter de ramener le calme.