Qatar, États-Unis, France... Comment pèsent ces pays dans le conflit entre Israël et le Hamas

La machine diplomatique au défi de la guerre. Passé l'effroi de l'attaque sanglante du Hamas en Israël, la communauté internationale se mobilise désormais autour de la bande de Gaza, enclave palestinienne où se concentrent des défis multiples.

Libération des otages israéliens, protection des civils gazaouis, enrayement de l'escalade régionale: nombreux sont les pays à vouloir peser dans les discussions... tout en préservant leurs intérêts.

Après Joe Biden, Ursula von der Leyen, puis Olaf Scholz ou encore Giorgia Meloni, c'est désormais à Emmanuel Macron de venir jouer sa partition au Moyen-Orient. Le président français est arrivé ce mardi 24 octobre en Israël pour exprimer sa solidarité avec les Israéliens et apporter son soutien à l'État hébreu dans sa guerre contre le Hamas. Il se rendra dans la foulée à Amman, en Jordanie.

En rencontrant à Tel-Aviv des familles de Français disparus au cours de l'attaque du Hamas, il montre aussi que la libération d'otages français -neuf pris en otage ou portés disparus- est la "priorité absolue" de la France.

Les États-Unis, seul poids lourd occidental?

Le chef de l'État entend par ailleurs peser dans le conflit pour "négocier une trêve humanitaire" et "éviter une escalade et une extension du conflit avec l’Iran et le Liban", selon son entourage. Un vœu pieux, tempère auprès de BFMTV.com le spécialiste du Moyen-Orient Sébastien Boussois, pour qui la France n'a plus "aucune influence" dans le conflit israélo-palestinien.

"C'est un voyage qu'Emmanuel Macron devait faire en raison du lourd tribut payé par la France (30 Français ont été tués dans les attaques du Hamas, NDLR) mais qui ne donnera pas grand chose du point de vue stratégique", souligne le chercheur en relations euro-arabes associé à l'Université libre de Bruxelles.

"Dans une logique escalatoire comme celle à laquelle on semble assister, il faut être crédible et dissuasif. Les seuls qui le soient militairement sont les Américains", abonde David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Inquiétudes autour de l'offensive terrestre dans Gaza

Les États-Unis, qui ont déployé en Méditerranée orientale un impressionnant dispositif naval et mis en alerte 2.000 militaires, ont obtenu des succès diplomatiques importants avec l'entrée de l'aide humanitaire dans Gaza via l'Égypte et la libération de deux ressortissants américains pris en otage par le Hamas.

Washington, allié historique d'Israël, entend aussi montrer qu'il peut peser sur le gouvernement de Benjamin Netanyahu. "Le président américain est probalement le seul à être réellement écouté par les Israéliens", souligne David Rigoulet-Roze.

Alors que Tsahal prépare une contre-offensive terrestre contre le Hamas dans la bande de Gaza, la Maison-Blanche a ainsi appelé au "respect du droit humanitaire international", notamment sur "la protection des civils". Joe Biden a aussi conseillé à Israël à ne pas répéter les "erreurs" américaines après les attentats du 11-Septembre.

Le Qatar, médiateur incontournable

Dans le camp arabe, c'est le Qatar qui s'affirme comme la puissance diplomatique incontournable. Fort d'une solide expérience de négociateur dans nombre de dossiers brûlants -retrait américain d'Afghanistan, échange de prisonniers iraniens et américains...- le Qatar est l'un des rares États à servir de médiateur entre le Hamas et les Occidentaux.

La monarchie gazière accueille en effet le bureau politique du Hamas depuis 2012 et son chef de file actuel, Ismaïl Haniyeh, depuis 2019. Ce soutien s'exprime aussi par une aide financière à la bande de Gaza, "coordonnée par Israël par intérêt bien compris pour éviter un effondrement économique de l'enclave", précise David Rigoulet-Roze.

Cultivant une "diplomatie à entrées multiples", selon le chercheur, le Qatar abrite aussi une base militaire américaine -la plus grande du Moyen-Orient- et a noué un partenariat stratégique avec la France.

Aujourd'hui, Doha offre la possibilité aux Occidentaux de négocier avec le Hamas tout en gardant la face. "Il est inconcevable pour les Occidentaux de s'asseoir à la table des terroristes", appuie Sébastien Boussois. Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a ainsi "remercié le gouvernement du Qatar pour son aide très importante" dans la libération des deux otages américaines tandis qu'Emmanuel Macron soulignait "la mobilisation" et "le rôle déterminant" de Doha.

D'autres pays peuvent se prévaloir d'échanger avec les deux parties. "La Turquie d'Erdogan a une proximité idéologique avec le Hamas et entretient par ailleurs une bonne relation avec Israël avec qui elle partage des intérêts communs, notamment dans le conflit au Haut-Karabagh", souligne Sébastien Boussois.

Échec des discussions multilatérales

Si certains pays sont capables d'obtenir des succès diplomatiques sur des points précis, les discussions multilatérales n'ont pas réussi à faire naître des consensus.

À l'ONU, Washington avait mis son veto à une résolution du Conseil de sécurité appelant à une "pause humanitaire", car elle ne mentionnait pas le "droit d'Israël à se défendre".

Le "Sommet pour la Paix", organisé par l'Égypte au Caire samedi n'a pas eu plus de succès. Hormis les appels partagés pour l'entrée de l'aide aux Palestiniens de la bande de Gaza, assiégés par Israël, les représentants occidentaux et arabes n'ont pas réussi à s'entendre sur un texte commun.

Se faisant le porte-parole de nombreux pays arabes, l'Égypte a jugé "incompréhensible l’hésitation" occidentale à "dénoncer" la mort de Palestiniens sous les bombes israéliennes. De leur côté, les Occidentaux auraient voulu entendre une condamnation claire du Hamas de la part des États arabes.

Pas de cessez-le-feu

Dans ce contexte, le "cessez-le-feu humanitaire" à nouveau réclamé lundi par la Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme n'est pas à l'ordre du jour. "Les otages doivent être libérés, ensuite on pourra discuter", a tranché Joe Biden ce lundi depuis Washington.

Pour Sébastien Boussois, "le pays le plus à même de négocier un cessez-le-feu est l'Égypte". Défenseur historique de la cause palestinienne et plus largement du monde arabo-musulman, l'Égypte est aussi un partenaire précieux pour Israël depuis que Le Caire a signé le premier traité de paix israélo-arabe en 1979.

"Pour Israël, l'Égypte est un bon interlocuteur car le régime du général Al-Sissi pourchasse les frères musulmans dont le Hamas est issu", ajoute le chercheur belge.

Reste un dernier sujet, pourtant central, qui n'a pas encore fait l'objet de discussions: le réglement politique de la question palestinienne. Et pour cause, selon Sébastien Boussois: "Il n'y a aucune partie modérée d'un côté comme de l'autre pour négocier quoi que ce soit".

Article original publié sur BFMTV.com