Procès de l'assassinat de Shaïna: qu'est-ce que l'"excuse de minorité" tant décriée?

Procès de l'assassinat de Shaïna: qu'est-ce que l'"excuse de minorité" tant décriée?

Vendredi soir, la cour d'assises des mineurs de l'Oise a condamné un jeune homme de 21 ans à 18 ans de réclusion criminelle pour l'assassinat de Shaïna, une jeune fille de 15 ans poignardée et brûlée vive le 25 octobre 2019. Depuis, cette peine, jugée insuffisante par la famille de la victime, est largement commentée.

Trente ans de réclusion criminelle avaient été requis à l'encontre de l'accusé, ancien petit-ami de la victime, pour un crime qui selon l'avocat général était "prémédité à chaque étape". La cour d'assises des mineurs de l'Oise a prononcé une peine bien inférieure, reconnaissant toutefois la culpabilité de l'accusé qui a toujours nié les faits. Les jurés ont dans leur verdict retenu l'excuse de minorité, point de crispation et de critique.

"L'atténuation de responsabilité pénale du mineur, appelée aussi excuse de minorité, ce n'est pas une excuse sur les faits, c'est un choix de civilisation", martèle Me Elise Arfi, avocate de la défense dans ce dossier.

"Pas une excuse sur les faits"

Depuis le prononcé du verdict, et un tweet pour expliquer le principe de droit, la pénaliste est l'objet de menaces et de harcèlement. En France, la justice des mineurs n'est pas identique à celle qui concerne les majeurs.

"Un enfant ne peut pas être jugé comme une personne majeure le serait car il n'y a pas le même discernement, il n'a pas l'exercice plein et entier de ses droits, il est frappé d'une incapacité donc il est sous la protection de sa famille mais aussi de la société", précise Me Arfi.

Les peines encourues sont donc différentes. Là où un majeur encourt 30 ans de réclusion criminelle pour un assassinat, un mineur risque jusqu'à 20 ans. "L'atténuation de responsabilité du mineur, c'est le principe", rappelle l'avocate.

Un principe garanti par la loi et qui a été rappelé en 2002 par le Conseil constitutionnel. Une cour d'assises peut décider de ne pas tenir compte de cette excuse de minorité pour condamner un accusé, il faut alors que le jury prenne une délibération spéciale en ce sens.

Personnalité de l'auteur et gravité du crime

La levée de l'atténuation de responsabilité pénale du mineur est particulièrement encadrée. "Dans ce cas, la cour doit prendre une décision spéciale, différente du verdict. Cette décision spéciale doit indiquer les raisons pour lesquelles la cour refuse l'application de l'excuse de minorité", est-il précisé sur le site du gouvernement. "La cour doit tenir compte de la gravité des faits et de la personnalité du mineur."

Ces dernières années, le refus de l'excuse de minorité n'a été exprimé qu'à deux reprises: en 1989 et en 2014. Dans le premier cas, il s'agit de Patrick Dils - condamné puis innocenté - pour le meurtre particulièrement sauvage de deux enfants à Montigny-lès-Metz en 1986. C'est la gravité des faits qui avait poussé les jurés à lever l'excuse de minorité.

Dans le second cas, il s'agit du viol et du meurtre d'Agnès Marin en 2011 par Matthieu Moulinas, déjà sous contrôle judiciaire dans une autre affaire de viol. C'est alors la personnalité de l'accusé, jugée particulièrement dangereuse, qui avait joué dans le prononcé de sa peine. Les deux mineurs, à l'époque des faits, avaient été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité.

Un éventuel appel

Dans le cas du meurtre de Shaïna, le jeune homme condamné disposait d'un casier judiciaire vierge. "Il n'y a pas d'échelle dans le crime mais dans ce dossier, il s'agit d'un meurtre par coup de couteau et le tueur a brûlé le cabanon pour effacer ses traces, il n'y a pas de caractère hors norme", plaide Me Arfi, qui assume "servir d'exutoire collectif" sur les réseaux sociaux.

"On ne peut pas dire que ce n'est rien 18 ans de réclusion criminelle", insiste-t-elle, estimant qu'"aucune peine ne sera suffisamment sévère pour une famille qui a perdu son enfant".

"La justice se fout des violences faites aux femmes", a estimé Me Negar Haeri, avocate de la famille de Shaïna. Entre détention provisoire et remises de peine, l'accusé "sort dans huit ans", a-t-elle estimé. Une famille qui se prépare éventuellement à un appel de l'ancien petit-ami, qui a nié jusqu'au dernier jour de son procès avoir tué la jeune adolescente.

Article original publié sur BFMTV.com