Pourquoi les arbres arborent-ils toujours leurs feuilles vertes au mois de novembre?

En ce début de mois de novembre, les balades dans les parcs ou les forêts n'ont pas vraiment des allures d'automne. De nombreux arbres arborent toujours leurs feuilles vertes, malgré une météo désormais de saison, et les couleurs automnales se font attendre. Dans certaines régions, les feuilles vertes côtoient même la neige tombée ces derniers jours.

"C'est assez impressionnant, il y a même des arbres qui fleurissent", commente auprès de BFMTV.com Thierry Gauquelin, professeur à l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie.

Allongement de la saison de végétation

En temps normal, le jaunissement puis la chute de feuilles a lieu à l'automne, lors des premiers froids, lorsque les arbres se mettent à vivre au ralenti pour survivre face à la réduction de la durée des journées et au manque de soleil. Pour ne pas dépenser d'énergie inutilement, ils sacrifient leurs feuilles.

Pourtant cette année, le processus n'a quasiment pas encore été enclenché. Les arbres semblent ne pas avoir tout à fait réalisé que nous avons changé de saison. En cause: les chaleurs inédites des mois de septembre et d'octobre.

Avec le dérèglement climatique, on observe en effet "un allongement de la saison de végétation lié à l'augmentation des températures", explique Thierry Gauquelin précisant que cela n'est le cas que s'il y a suffisamment d'eau pour que les plantes se développent.

Selon le Giec, ces vagues de chaleur tardives devraient devenir de plus en plus courantes, étirant ainsi la période estivale. Une étude de 2021 montre d'ailleurs que la durée moyenne de l'été aurait déjà progressé de dix-sept jours entre 1952 et 2011, empiétant donc sur les trois autres saisons.

Compenser un été éprouvant

Cet été, à l'inverse, canicules et sécheresse en cause, beaucoup d'arbres étaient déjà parés de teintes jaune et orange et les trottoirs jonchés de feuilles mortes. Le manque d'eau pousse les végétaux à fermer leurs stomates, ces petits pores par lesquels la transpiration s'évacue, stoppant ainsi l'irrigation des feuilles qui finissent par sécher puis tomber.

"Comme la photosynthèse essentielle à la vie de l'arbre et à sa croissance a été bloquée durant cet été anormalement chaud, l'automne que nous subissons permet aux arbres de faire une partie de la photosynthèse manquée cet été", explique Adrien Calu, fondateur de Oui Forêts, une entreprise spécialisée dans les forêts urbaines.

En effet, le vert témoigne de la présence de chlorophylle, pigment qui donne cette couleur aux feuilles et absorbe la lumière dans le processus de la photosynthèse. "Ça compense un peu la perte de croissance qu'on a eu l'été", abonde dans le même sens Thierry Gauquelin.

Des arbres peu préparés à l'hiver

Le spécialiste concède que la situation actuelle peut avoir des aspects positifs. "Les arbres continuent de faire de la photosynthèse ce qui permet de fixer du dioxyde de carbone", gaz en partie responsable du réchauffement climatique qui peut être capter par les arbres, explique-t-il.

Toutefois, avec le retour récent des températures proches des normales saisonnières, les feuilles risquent de tomber d'un coup, ce qui pourrait empêcher le phénomène de résorption.

Lorsque les feuilles sont en transition et deviennent jaunes, elles libèrent des substances et des éléments (comme des sucres ou de l'azote) vers les branches et le tronc de l'arbre. "Là, les arbres n'auront pas le temps d'absorber tout ça alors que c’est essentiel pour l’hiver", déplore Thierry Gauquelin, citant l'exemple de substances anti-gel.

Le cumul des phénomènes fragilise les arbres

"Tout cela perturbe beaucoup les cycles de croissance des plantes", ajoute-t-il.

Comme de nombreux phénomènes, s'ils ne surviennent qu'une seule fois, leurs conséquences néfastes sont limitées. C'est la répétition et le cumul d'années plus chaudes sur les arbres qui peut les fragiliser et les bouleverser sur le long terme leur horloge biologique.

En ce mois d'octobre marqué par des températures inédites, des cerisiers se sont mis à fleurir. "Mais on ne sait pas s'ils refleuriront à nouveau au printemps prochain", s'interroge Thierry Gauquelin.

En outre, la présence de feuilles sur les arbres à mesure que l'hiver approche a d'autres conséquences insoupçonnées. Alors que, selon Météo-France, 80% des tempêtes se produisent de l’automne à l’hiver, les arbres y sont plus vulnérables s'ils n'ont pas encore revêtu leur habit d'hiver et ont conservé leur feuillage.

Sans feuilles, les rafales de vent peuvent s'engouffrer entre les branches nues. À l'inverse, avec des feuilles, la prise au vent est bien plus importante et, par conséquent, le risque de casse ou même de chute de l'arbre est accru.

Article original publié sur BFMTV.com