Réchauffement climatique: à cause de la sécheresse, les arbres perdent leurs feuilles en plein été

Des airs d'automne avant l'heure. Vous l'avez peut-être constaté autour de chez vous ces dernières semaines, certaines forêts ressemblent déjà à celles d'un mois d'octobre, parées de teintes jaune et orange. Au sol, les trottoirs sont parfois jonchés de feuilles mortes en plein été.

Jusqu'à 36°C sont attendus ce jeudi du Poitou au Centre, dans le cadre d'une vague de chaleur tardive exceptionnellement intense pour cette période de l'année. Un épisode qui vient s'ajouter à une précédente canicule au mois d'août et à une sécheresse qui dure depuis des mois, voire années. Conséquence, les arbres souffrent.

Un choix de survie

Normalement, comme les humains, les arbres transpirent en émettant l'eau absorbée dans le sol par des petits trous situés sous les feuilles: c'est l'évapotranspiration. Cela permet notamment d'abaisser la température du feuillage.

Cependant, quand l'eau vient à manquer - en raison de l'absence de précipitations et des fortes chaleurs -, cette transpiration est ralentie, voire stoppée. Pour survivre, l'arbre se voit obligé de faire des choix, pour éviter de se dessécher.

"Les fortes températures obligent les plantes à fermer leurs stomates, ces petits pores par lesquels la transpiration – la perte d'eau - s'effectue", explique à BFMTV.com Thierry Gauquelin, professeur à l'Institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie.

Ce mécanisme de défense bloque dans le même temps le processus de photosynthèse de l'arbre, qui lui permet de croître et de se développer.

Dessèchements et brûlures

En temps normal, le jaunissement puis la chute de feuilles automnales s'expliquent par une anticipation des conditions hivernales par les arbres, notamment la réduction de la durée des journées et du manque de soleil. Ils mettent alors en place des mécanismes qui leur permettront de vivre au ralenti et de ne pas dépenser d'énergie inutilement.

Pendant l'été, si l'arbre ferme ses stomates face à la canicule et la sécheresse, les feuilles ne sont plus irriguées, leur température augmentent rapidement et finissent par sécher et tomber.

"Les arbres montrent des dessèchements et des brûlures au niveau des feuilles", explique Thierry Gauquelin, mettant en garde contre l'augmentation des risques d'incendies en conséquence.

Le spécialiste précise également que lorsque le manque d'eau se combine à la chaleur, "les arbres peuvent être victimes d'embolie: des bulles d'air se forment dans les 'tuyaux' qui conduisent la sève, qui n'arrivent plus à irriguer l'arbre, notamment les branches et feuilles les plus hautes".

"Cela peut aller jusqu'à sa mort", complète-t-il.

Manque d'eau

Une étude publiée dans Nature Climate Change l'an dernier montre que, bien plus que les chaleurs, c'est la sécheresse qui explique cette chute précoce des feuilles. "Les températures élevées, pour certaines espèces, ça peut être bénéfique", abonde en ce sens Marc-André Selosse, botaniste et professeur au Muséum national d'Histoire naturelle, expliquant que les plantes font ainsi plus de photosynthèse donc plus de réserves de graines et plus de sucre. Et ainsi gardent leurs feuilles plus longtemps.

Le problème intervient si les chaleurs s'accompagnent d'un manque d'eau. "La sécheresse associée au réchauffement, qui entraîne une limitation de l'eau, peut inversement stimuler une (perte de feuilles) plus précoce", écrivent les auteurs de l'étude.

Ainsi, toutes les espèces ne sont pas égales face au phénomène. Les chênes, qui ont des racines plus profondes, trouvent parfois encore de l'eau, tandis que les tilleuls et les charmes, par exemple, perdent leurs feuilles.

De la même manière, les arbres en zones urbaines sont particulièrement affectés puisque leur accès à l’eau est limité, l'artificialisation des sols ne permettant pas un développement racinaire suffisant et freinant l'iinfiltration de l'eau dans le sol en cas de précipitations.

Répétition du phénomène

"Ceci est bien sûr réversible", affirme Thierry Gauquelin. En cas de sécheresse et de canicule ponctuelles, cet effeuillage précoce reste sans gravité pour l'arbre mais les scientifiques s'inquiètent de leur intensification et de leur multiplication.

"Jusqu’à ces dernières années, on s'inquiétait de la répétition de ces canicules d’une année sur l’autre et d'un effet cumulatif sur les arbres qui vont mal vivre la répétition de ces perturbations. Aujourd'hui, on doit aussi s'inquiéter de la répétition de ces canicules au cours d'une même année entre le début et la fin de l'été", alerte Thierry Gauquelin.

Dans les forêts françaises, les spécialistes observent une accélération des phénomènes de dépérissement sur les arbres adultes due, entre autres, aux sécheresses. L'arbre a de plus en plus de mal à se remettre de ces épisodes, s'affaiblit et devient plus vulnérable. Par exemple, les brûlures subites, agissant comme des coups de soleil sur l'écorce ou les feuilles, créent des plaies et facilitent alors l'arrivée de parasites ou maladies.

Dérèglement climatique

Lorsque les arbres perdent leurs feuilles précocement, en raison du réchauffement climatique, ils diminuent fortement la photosynthèse. Pourtant, ce processus joue un rôle essentiel dans la lutte contre ce même réchauffement climatique puisqu'il permet aux arbres d'absorber du CO2 présents dans l'atmosphère, gaz à effet de serre en partie responsable du dérèglement climatique.

Par la suite, ces arbres fragilisés produisent des feuilles plus petites qu'habituellement, ce qui les rend également moins efficaces pour capter le carbone.

Dans de telles conditions, les arbres perdent également une grande partie de leur capacité de rafraîchissement de l'air ambiant. En été, ils apportent de l'ombre grâce à leurs feuilles et leur transpiration rejette de l'eau dans l'air, tout cela permettant de faire baisser le mercure en période de fortes chaleurs.

Article original publié sur BFMTV.com