Patients qui s'échappent, personnel mal formé... Le groupe Emera visé par une quinzaine de plaintes

Vers un nouveau scandale dans les Ehpad français? Près de deux ans après la parution du livre Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet, dans lequel étaient listés les graves manquements et dysfonctionnements au sein des Ehpad du groupe Orpea, c'est désormais au tour du groupe Emera d'être visé par une quinzaine de plaintes pour maltraitances déposées par plusieurs familles.

Interrogées par RMC, plusieurs de ces familles qui ont saisi la justice se disent désemparées face aux manquements: peu de personnel dans les établissements, manque de formation de certains soignants.

"Ils auraient dû le rattraper rapidement"

Parmi les plaignants, la famille Maugée, qui en fin d'année 2022 a été confrontée à un drame. Le 29 septembre, Honoré, pensionnaire de l'Ehpad "Pré du lac" de la commune de Châteauneuf-Grasse, dans le département des Alpes-Maritimes, parvient à fausser compagnie à l'unité isolée où il réside. S'en suivent alors plusieurs jours d'angoisse pour ses proches, qui ne parviennent pas à retrouver sa trace.

"La c'est le jour où il s'en va. Il est filmé par la caméra de l'Ehpad, on le voit partir", constate auprès de BFMTV, images de vidéosurveillance à l'appui, son fils José, qui explique comment le vieil homme a pu échapper aux surveillants.

"Le jour où il s'est échappé, quelqu'un de l'alarme incendie est venu. Il a changé la carte, il est allé déjeuner, il y a eu une alerte qui s'est déclenchée, les portes se sont ouvertes et il s'est échappé. La personne qui devait surveiller ne devait pas être à son poste puisqu'à la vitesse où il marche, ils auraient dû le rattraper rapidement", déplore-t-il.

Le 5 octobre, près de deux semaines plus tard, un corps sans vie est retrouvé dans le quartier Saint-Mathieu à Grasse, soit à environ cinq kilomètres de l'Ehpad. Un travail d'identification a permis de confirmer qu'il s'agissait bien d'Honoré, alors âgé de 83 ans.

Depuis, ses proches ne décolèrent pas, d'autant plus que selon eux, la réaction des gestionnaires d'Emera est loin d'avoir été à la hauteur.

"Ce que je reproche essentiellement c'est le silence de l'Ehpad, que personnellement je vis comme quelque chose de méprisant parce que la moindre des choses ça aurait été de faire une lettre d'excuses officielle de la part du groupe Emera", dit Déborah, petite-fille du défunt, toujours à BFMTV.

"Qu'est-ce qui a été fait très concrètement?"

Dans une enquête consacrée au sujet, RMC a pu constater que les manquements se sont multipliés ces derniers mois. Restée anonyme, une infirmière qui a travaillé durant trois ans dans le groupe pointe par exemple des recrutements parfois “à la va-vite” du personnel sans formation médicale, pour combler les manques.

Dans certain établissements, d'autres employés disent avoir reçu des intimidations de la part de leur hiérarchie pour éviter que ces cas de maltraitances soient communiqués aux proches. Auprès de BFMTV, Me Pierre Farge, avocat d'une quinzaine de familles plaignantes, déplore le manque de réaction des autorités alors que se multiplient les scandales.

"Depuis le livre de Victor Castanet et le scandale Orpea, qu'est-ce qui a été fait très concrètement? Combien de scandales Orpea, de scandales Emera faudra-t-il pour que des sanctions soient réellement prises?", accuse-t-il.

Contacté par RMC, le groupe Emera dément les accusations et précise que "chaque établissement fait l'objet d'un suivi précis par les autorités de santé." Auprès de France Bleu, qui a enquêté sur un Ehpad situé à Gradignan, en Gironde, le même groupe fait état "d’une campagne de désinformation."

À partir du 20 novembre, le projet de loi sur le grand âge, surnommé "bien vieillir", va être débattu à l'Assemblée nationale. L'idée de cette proposition de loi, portée par la ministre aux Solidarités Aurore Bergé, est de "répondre aux défis du vieillissement." A ce titre, la Première ministre a de son côté réitéré sa volonté de créer 50.000 postes dans les Ehpad du pays à l'horizon 2030.

Article original publié sur BFMTV.com