Paris 2024 : Pierre de Coubertin est au musée Grévin, mais le personnage mérite-t-il tous ces honneurs ?

SPORT - Accusé de Racisme, misogynie, complaisance avec les nazis… Non, ce n’est pas des élections législatives dont on va vous parler dans cet article mais du baron Pierre de Coubertin. Vous avez sûrement déjà aperçu son nom, que ce soit pour un stade, un gymnase ou pour nommer une rue, pour une excellente raison : il est considéré par tous comme le père fondateur des Jeux Olympiques modernes.

Il n’est donc a priori pas étonnant, qu’à l’occasion des JO de Paris 2024, une statue à son effigie ait été inaugurée au musée Grévin, ce mardi 18 juin à Paris. Mais au grand homme, il y a une face sombre d’une envergure difficile à dissimuler. Le baron est aussi connu pour ses propos sexistes et racistes, ainsi que l’indulgence dont il a fait preuve envers le régime nazi à l’occasion des JO de Berlin de 1936. Retour sur la vie de cet aristocrate controversé.

Pierre de Coubertin va entrer au musée Grévin, malgré son passé sulfureux

Le 23 juin 1894, dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, Pierre de Coubertin, alors âgé de 31 ans, pose les jalons de l’œuvre de sa vie : il fait adopter le principe d’une renaissance des Jeux en 1896 à Athènes, en y introduisant des sports modernes. Il lie aussi les JO au mouvement international pour la paix, et édicte les célèbres « valeurs olympiques », respect de l’adversaire, loyauté, universalité, empruntées en partie aux codes de l’aristocratie de son temps.

Devenu président du Comité international olympique (CIO), il organise les premiers Jeux de Paris en 1900, qui passent totalement inaperçus. Vexé, Coubertin se battra pendant vingt ans pour les ramener dans sa ville, en 1924. Après quoi il prendra sa retraite, au grand soulagement d’un CIO qui n’en peut plus de ses manières d’autocrate.

Misogynie et racisme

Un siècle plus tard, les Jeux Olympiques sont de retour à Paris, mais son arrière arrière petite-nièce, Diane de Navacelle de Coubertin, regrette que le baron ne soit pas suffisamment célébré : « Paris 2024 n’a pas fait grand-chose autour de Pierre de Coubertin, ni pour le valoriser ni pour le faire connaître », déclare-t-elle ainsi à l’AFP.

Si sa famille essaye aujourd’hui de le réhabiliter, il ne faut pas pour autant oublier sa misogynie, car le baron était fermement opposé à la participation des femmes à ses Jeux :

« Une petite olympiade femelle à côté de la grande olympiade mâle. Où serait l’intérêt ? (...) Inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter : incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-olympiade féminine », écrivait-il dans la Revue Olympique de juillet 1912.

Qu’à cela ne tienne, dix ans plus tard, la sportive Alice Milliat organisa les premiers Jeux féminins au Bois de Vincennes. Et bien qu’il autorisa la participation de quelques femmes aux JO de Paris de 1924, il durcit le ton dans un discours radiodiffusé le 4 août 1935, en vue des JO organisé à Berlin l’année suivante :

« Je n’approuve pas personnellement la participation des femmes à des concours publics. Ce qui ne signifie nullement qu’elles doivent s’abstenir de pratiquer un grand nombre de sport, mais sans se donner en spectacle. Aux Jeux olympiques, leur rôle devrait être surtout, comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs. »

Quant aux accusations de racisme, c’est à cause de ses Mémoires conservées aux archives du Comité olympique international, où il écrit : « Dès les premiers jours, j’étais un colonialiste fanatique… Les races sont de valeur différente, et à la race blanche, d’essence supérieure, toutes les autres doivent faire allégeance. »

Complaisance avec les nazis

Mais on lui reprocha surtout, après sa mort, son admiration sans retenue pour l’organisation grandiose des Jeux de Berlin en 1936 par le régime nazi : « Comment voudriez-vous que je répudie cette célébration ? », écrivit-il dans la presse de l’époque, à 73 ans.

« Ce qui l’a enthousiasmé, c’est de voir pour la première fois un pays mettre des moyens exceptionnels pour recevoir les JO, construire le plus grand stade d’athlétisme de l’époque », reconnaît Diane de Navacelle de Coubertin : « C’est cela qu’il voit, un couronnement de l’œuvre de sa vie. Alors oui, il en est heureux, et émerveillé ».

D’autant que le Reich le courtise en organisant, en vain, sa candidature au Nobel de la Paix. Hitler propose même de lui envoyer un train privé pour le ramener de Genève, où il réside, à Berlin. Ce que Coubertin, fort heureusement, refusa.

Il mourra un an plus tard, en 1937, « trop tôt pour être confondu dans l’opprobre, mais trop tard pour être absous de lourdes connivences », résume son biographe Daniel Bermond.

« Il faut certes le replacer dans un contexte historique, mais même à son époque, il n’a jamais été à l’avant-garde, il n’a jamais été un progressiste, et sur certains sujets il est plutôt réactionnaire, en tout cas conservateur », conclut l’historien du sport Patrick Clastres.

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