Mort de Denise Bombardier, écrivaine connue pour s’être opposée à Gabriel Matzneff dans cette séquence culte

Denise Bombardier est morte à 82 ans. En 1990, sur le plateau d’« Apostrophes », elle s’était opposée publiquement à l’écrivain français Gabriel Matzneff, visé par une enquête de viols sur mineurs.
Denise Bombardier est morte à 82 ans. En 1990, sur le plateau d’« Apostrophes », elle s’était opposée publiquement à l’écrivain français Gabriel Matzneff, visé par une enquête de viols sur mineurs.

DÉCÈS - C’était l’une des figures intellectuelles les plus reconnues au Québec. L’écrivaine, journaliste et polémiste Denise Bombardier est décédée ce mardi 4 juillet, à 82 ans, « à la suite de complications suivant des examens médicaux », a annoncé Le Journal de Montréal, dans lequelle elle tenait une chronique depuis plusieurs années.

Celle que l’on surnommait « Madame B », a fait sa plume dans de nombreux médias au Canada, dont Le Devoir, et a participé de nombreuses fois à des émissions télévisuelles des deux côtés de la Manche. Écrivaine reconnue, elle a notamment signé le Dictionnaire amoureux du Québec ou encore L’énigmatique Céline Dion, un portrait de la chanteuse québécoise, après l’avoir suivi pendant un an lors de sa tournée mondiale.

Son décès a suscité de nombreuses réactions du monde politique et culturel. « Bon voyage chère Denise. Brillante, courageuse, drôle. Amoureuse du Québec et de la langue française », a tweeté le Premier ministre du Québec François Legault. Pour la maire de Montréal, Valérie Plante, « son départ est un choc pour tout le Québec ». « Femme de parole et de tête, Denise Bombardier était une grande Montréalaise qui avait le courage de ses opinions », souligne-t-elle.

« Monsieur Matzneff me semble pitoyable »

En France, c’est une séquence culte, en mars 1990, dans Apostrophes, l’émission de Bernard Pivot diffusée sur Antenne 2, qui l’a rendue célèbre. À cette époque, la romancière avait osé s’attaquer à l’écrivain Gabriel Matzneff, figure alors très respectée dans les milieux littéraires et politiques, aujourd’hui visé par une enquête de viols sur mineurs. Devant des milliers d’auditeurs à la télévision, il déclarait librement avoir régulièrement des relations sexuelles avec des enfants, d’une dizaine d’années, pour stimuler son inspiration et en tirer des passages de ses livres.

Comme vous pouvez l’entendre dans la séquence ci-dessous, lors de cette émission en 1990, le journaliste Bernard Pivot questionne Matzneff : « Pourquoi vous êtes vous spécialisé dans les lycéennes et les minettes ? Au-dessus de 20 ans, on voit que ça ne vous intéresse plus ? » L’écrivain, sur le plateau pour faire la promotion de son dernier ouvrage Mes amours décomposés (Gallimard), répond alors, sans aucun scrupule : « Je préfère avoir dans ma vie des gens qui ne sont pas encore durcis, qui sont plus gentils. Une fille très, très jeune est plutôt plus gentille. »

Choquée par cette réponse, et par les rires gras du public qui s’en sont suivis, Denise Bombardier réagit rapidement : « Je crois que je vis actuellement sur une autre planète, parce que j’arrive d’un continent où il y a un certain nombre de choses auxquelles on croit. Nous sommes à la fin du XXe siècle, et nous défendons le droit des enfants et on les protège », débute la romancière (à voir à partir d’1 minute 38 secondes de la vidéo ci-dessous).

« Monsieur Matzneff me semble pitoyable (...) Dans son livre, extrêmement ennuyeux (...), il nous raconte qu’il sodomise des petites filles de 14 ans, 15 ans », poursuit-elle le comparant à un « vieux monsieur » qui attire les enfants avec sa réputation. « Je crois que ces petites filles sont flétries jusqu’au restant de leurs jours », appuie-t-elle.

Si sa réaction semble saine et normale en 2023, la romancière avait été à l’époque très critiquée après cette séquence. Comme le rapporte France Info, la critique littéraire Josyane Savigneau s’était insurgée dans Le Monde : « Découvrir en 1990 que des jeunes filles de 15 et 16 ans font l’amour à des hommes de trente ans de plus qu’elles, la belle affaire ! ». Interrogée sur France Info sur le sujet en 2019, Denise Bombardier avait répondu : « Quand je suis arrivée sur le plateau je savais que j’allais faire cette intervention. (...) J’ai fait ce que j’avais à faire. Autrement je n’aurais pas pu me regarder dans le miroir. »

L’omerta autour de Matzneff n’a été brisée qu’en 2020, grâce à un livre écrit par l’une de ses victimes, Vanessa Springora. Dans Le Consentement, paru chez Grasset le 2 janvier 2020, l’écrivaine raconte comment elle a été séduite par Gabriel Matzneff à l’âge de 13 ans dans les années 1980, et les blessures que cette relation a laissées dans sa vie. Après la parution du livre, une enquête a été ouverte pour viols sur mineurs à l’encontre de l’octogénaire.

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