Pourquoi les cabinets de conseil comme McKinsey font polémique ?

Emmanuel Macron en 2016 lors d'un forum économique organisé par l'Institut Montaigne et McKinsey.

Une commission d'enquête se tient au Sénat pour faire la lumière sur les missions des cabinets de conseil comme McKinsey, auxquels le gouvernement a recours.

Ils sont au coeur de la gestion du Covid et fournissent des notes au gouvernement, sur divers sujets comme l'éducation. Les cabinets de conseil, dont le plus célèbre est le cabinet américain McKinsey, sont au coeur d'une commission d'enquête, au Sénat. Leur omniprésence, et leur prestations, suscitent de nombreuses interrogations, sur lesquelles les sénateurs veulent des explications.

Ces cabinets de conseil sont sous le feu des projecteurs depuis un an, lorsque Politico et Le Canard Enchaîné révèlent en février 2021 que certains domaines de la stratégie vaccinale contre le Covid-19 mise en place par le gouvernement ont été confiés au cabinet de conseil américain McKinsey, ainsi qu'à plusieurs autres cabinets (Accenture, Citwell et JLL). Des conseils onéreux : 2 millions d'euros par mois pour McKinsey, et 1,2 million d'euros pour Accenture selon plusieurs médias.

170 000 euros la mise à disposition d'un agent de liaison

Pour 605 000 euros, McKinsey a fourni des conseils sur la mise en place d'une "tour de contrôle stratégique" à Santé publique France, en janvier 2021, ou encore, à partir de décembre 2020, de la mise à disposition d'un agent de liaison du cabinet McKinsey, placé auprès de Santé publique France, pour la coordination sur le volet logistique de la campagne vaccinale, pour un montant de 170 000 euros.

Des recours à des cabinets extérieurs qui flambent chez Santé publique France. 2,8 millions d’euros en 2020, et environ 5 millions pour l’année 2021, selon la directrice générale, rapportait Public Sénat en décembre dernier. Avant la crise, ces dépenses représentaient 635 000 euros en 2019, et 720 000 euros en 2018.

Principal reproche, le recours à des prestataires privés onéreux pour des missions qui pourraient être faites en interne par l'État. Si la situation de crise sanitaire est avancée pour explique le recours à des prestataires extérieurs, la santé n'est pas le seul domaine concerné.

Des missions dans le domaine de l'éducation et des retraites

Depuis, d'autres prestations ont en effet été fournies au gouvernement. Pour 496 800 euros, le cabinet McKinsey a fourni une note pour "évaluer les évolutions du métier d’enseignant". En 2019, pour 920 000 euros, McKinsey a obtenu une prestation pour la Caisse nationale d’assurance vieillesse, d’appui à la préparation à une potentielle réforme des retraites. Des recours grandissants qui interrogent la sénatrice communiste Eliane Assassi, rapporteure de la commission d’enquête. "Quel était le rôle de McKinsey ?", interroge-t-elle.

Pour s'expliquer, l’un des deux directeurs associés de McKinsey, Karim Tadjeddine, a précise devant la commission que le groupe n'avait pas de "délégation durables de missions", pas de participation à la rédaction de projets de loi ou de textes réglementaires, pas de conseil juridique, pas de lobbying ou d’audit externe. "Nous intervenons uniquement en accompagnement des responsables publics exécutifs".

Une baisse de 15% au moins de ces dépenses

Face aux dépenses faramineuses après de ces sociétés, la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Amélie de Montchalin a annoncé baisser "de 15 % au moins les dépenses sur les conseils en stratégie et en organisation pour tous les ministères", dans un entretien à l'Obs.

Au-delà des tarifs et des enjeux déontologiques derrière ces contrats, il y a la question des conflits d'intérêts, qui pourraient influer sur les conseils et donc sur les politiques menées. Une hypothèse écartée par la ministre sur Europe 1.

Des liens entre forts entre McKinsey et Macron

Des contrats de plus en plus fréquents qui interrogent, au regard notamment des liens entre McKinsey et le président Macron. Dans une enquête du Monde publiée en février 2021, les liens entre le président et le cabinet McKinsey apparaissent dès 2007. Emmanuel Macron, alors inspecteur des finances, a 29 ans. Il devient rapporteur général adjoint de la commission Attali, dont le rôle était de proposer des réformes économiques au président Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron impressionne l'assistance. Parmi les membres présents : Eric Labaye, alors dirigeant de McKinsey en France.

Des liens que l'on retrouve en 2016, lorsqu'Emmanuel Macron, ministre de l'Économie lance En Marche : une dizaine de salariés de McKinsey réfléchissent à des propositions sur l'économie ou les grands dossiers régaliens, raconte Le Monde. On retrouve McKinsey dans la mise en forme du rapport à l'issue de la grande marche du candidat Macron en France. Et ces liens vont se poursuivent après l'entrée d'Emmanuel Macron à l'Elysée.

"il n'est pas question de se passer d'eux"

De jeunes consultants de McKinsey rejoignent le pouvoir : directeur adjoint du cabinet du secrétaire d'État au Numérique, chef du "pôle projets" de la République en Marche, directeur général de la République en Marche. Éric Labaye, le dirigeant de McKinsey qu'Emmanuel Macron avait rencontré en 2007, est lui nommé président de Polytechnique. Dans le sens inverse, l'ancien patron des Jeunes avec Macron, Martin Bohmert, rejoint le cabinet McKinsey en 2020.

Dans son interview à l'Obs, si Amélie de Montchalin annonce revoir les règles de recours aux cabinets de conseil, "il n’est pas question de se passer d’eux. Mais l’État ne doit pas non plus se dessaisir de ses prérogatives, il en va de sa souveraineté et de son indépendance". La commission d’enquête sénatoriale doit rendre ses conclusions au printemps.