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L'endométriose, la maladie du silence

L’endométriose est une maladie peu ou mal connue qui touche pourtant une femme sur 10 en âge de procréer. Pourquoi est-elle si méconnue et reste-t-elle un tabou dans notre société ?

L’endométriose, la maladie du silence
L’endométriose, la maladie du silence

Parce qu’elle peut prendre des formes diverses d’une femme à une autre, qu’elle n’est pas toujours pathologique et que son diagnostic peut prendre des années, l’endométriose reste une maladie intime que l’on a du mal à comprendre tant par ses origines que ses conséquences sur les femmes. Maladie chronique, la recherche est en cours sur l’endométriose mais ne délivre aucun résultat confirmé pour le moment. En décembre 2017, la Haute Autorité de la Santé (HAS) a publié ses recommandations sur l’endométriose, mettant ainsi à jour son rapport fait en 2006. Une avancée significative pour cette maladie.

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Qu’est-ce que l’endométriose ?

Elle a été décrite par le Docteur Carl Von Rokitansky en 1860 comme étant “la présence de muqueuse utérine en dehors de l’utérus”. Cela signifie qu’au moment des règles, certaines cellules utérines se déplacent et peuvent se développer sur d’autres organes (intestins, vessie, colon…) au lieu d’être détruites et de se transformer en règles. Elles font ainsi “le chemin inverse” en restant dans le corps. L’endométriose peut entraîner des douleurs diverses d’une femme à une autre selon la localisation de ces cellules et intervient dans la zone du pelvis (entre les hanches et le périnée) pouvant toucher le sacrum, le coccyx, le rectum, le système urinaire ainsi que les appareils reproducteurs.

Les symptômes de l’endométriose sont des règles très douloureuses, pouvant être associées à des troubles digestifs fréquents, des fatigues chroniques, des maux de dos ou encore des rapports sexuels éprouvants. Ces symptômes ont des conséquences réelles sur la vie des femmes malades qui perturbent leur vie intime, sociale et professionnelle et leur causent une grande souffrance, souvent aggravée par le manque de considération de la part des médecins. Le Dr Silvia Alvarez, gynécologue à la clinique de La Muette à Paris – qui a participé à la rédaction des recommandations par la Haute Autorité de la Santé – explique que “les patientes sont dans un grand état de faiblesse et leur qualité de vie est altérée dans leur vie de couple. Il faut que ces femmes comprennent que ce n’est pas un trouble du comportement mais une souffrance réelle”.

Pas “une” mais “des” endométrioses

Lorsque l’endométriose est diagnostiquée, elle est évaluée en plusieurs stades de I à III, selon l’importance de la propagation de la maladie et son emplacement. Le stade I (aussi appelé stade superficiel), est une endométriose qui désigne la présence d’implants d’endomètre à la surface du péritoine (membrane qui tapisse l’abdomen, le pelvis et les viscères). Le stade II est l’endométriose ovarien, qui est un kyste de l’ovaire endométriosique. Enfin, le stade III est le plus important : l’endométriose pelvienne profonde qui désigne les lésions qui s’infiltrent en profondeur à plus de 5 mm sous la surface du péritoine (sur des organes comme le vagin, l’uretère ou le tube digestif). Si ces stades comportent des différences notables, ils ne révèlent pas de différences d’intensité de douleur : une endométriose superficielle peut être aussi douloureuse qu’une endométriose de stade III.

Jusqu’à dix ans pour un diagnostic

L’une des plus grandes frustrations des femmes atteintes d’endométriose est la lenteur du diagnostic de la maladie. Généralement, c’est après 8 à 10 ans qu’est enfin posé le diagnostic de l’endométriose. Des années de douleurs sans explication claire qui plongent les femmes dans une grande détresse et une incompréhension totale. Le Dr Silvia Alvarez nous explique qu’il y a plusieurs raisons à cela qui interviennent lors du dépistage et lors des examens complémentaires. “Le dépistage est compliqué car la maladie ne se manifeste pas de la même façon selon les patientes et la maladie à plusieurs degrés d’affectation, il faut alors déceler les symptômes ce qui n’est pas toujours facile tant la douleur pendant les règles est banalisée”.

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D’autre part, au moment du diagnostic, qui est posé après avoir passé des examens complémentaires, il faut croiser plusieurs éléments pour conclure à une endométriose : l’examen clinique, les symptômes précis de la patiente, son historique et les résultats de son examen complémentaire (sous réserve que la patiente ait été orientée vers un spécialiste de l’endométriose car tous les radiologues ne savent pas déceler la maladie). Déborah Schouhmann-Antonio, thérapeute et coach périnatalité, ajoute un dernier élément : les grossesses tardives. “Les femmes ont tendance aujourd’hui à avoir des enfants de plus en plus tard et c’est lors du désir de grossesse que l’on décèle une endométriose chez les femmes qui ont des difficultés à avoir des enfants”. En effet, l’endométriose est une des premières causes d’infertilité chez les femmes mais elle n’est pas systématique chez les femmes atteintes.

Des causes encore méconnues

La maladie a beau avoir été décrite il y a longtemps, on ne connait pas grand-chose sur son origine ni ses causes. Néanmoins, il existe des théories sur son développement comme les facteurs environnementaux (perturbateurs endocriniens ou autres toxiques) et plusieurs pistes génétiques qui ne sont à ce jour pas prouvées scientifiquement. L’endométriose serait donc une maladie multifactorielle qui résulte de l’action combinée de facteurs génétiques et environnementaux.

Des traitements sans solution miracle

L’endométriose est une maladie chronique et elle n’a donc pas de traitement qui l’éradique complètement. Cependant, deux traitements principaux sont généralement proposés aux femmes : le traitement hormonal et le traitement chirurgical. Le premier consiste à prendre une pilule en continu afin de réduire le taux d’œstrogènes et de stopper les règles pour éviter que la maladie ne grossisse. Mais la pilule ne soigne pas l’endométriose, elle permet de calmer sa douleur note le Dr Silvia Alvarez. Le traitement chirurgical est à envisager dans le cadre d’une infertilité et après deux échecs de PMA (Procréation Médicalement Assistée) afin d’optimiser les chances de grossesse.

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Il existe deux opérations, la chirurgie conservatrice qui consiste à retirer les kystes et nodules implantés dans les tissus, et la chirurgie radicale qui permet de retirer l’utérus afin de supprimer entièrement l’endométriose. L’ablation de l’utérus n’est à envisager que lorsqu’il n’y a plus de désir de grossesse, et suite aux échecs des traitements médicaux. Le Dr Silvia Alvarez ajoute enfin que chez l’adolescente et la jeune femme adulte, il faut bien évaluer la possibilité d’un traitement précoce autre que la pilule.

L’endométriose est la maladie de la double peine, la peine physique et la peine psychologique. L’une ne va pas sans l’autre et aucune n’est à négliger. Une fois le diagnostic posé c’est un long parcours pour toutes ces femmes à qui la science ne propose aujourd’hui aucune solution miracle.

Béatrice Pitre