Endométriose : leur combat de tous les jours
L’endométriose touche une femme sur dix et pour chaque femme la maladie se manifeste et se vit de manière différente.
“On a toujours eu mal dans la famille, donc ce n’était pas inquiétant”
Marion, 24 ans, diagnostiquée en 2016.
Marion a toujours eu mal au ventre pendant ses règles mais s’y est habituée, comme beaucoup de femmes, notamment de sa famille. Sa mère avait mal, sa sœur avait mal, donc c’était normal, il n’y avait rien d’inquiétant là-dedans. Elle s’y était accommodée en prenant des antidouleurs et en utilisant bouillotte et patchs chauffants. Jusqu’au jour où les douleurs se sont étendues dans la sphère intime, au moment des premiers petits copains. “On ne sait pas que ce n’est pas normal pendant les premiers rapports”. Lors de ses visites chez différents gynécologues, on lui répondait toujours la même chose, qu’il n’y avait rien d’anormal, qu’elle n’était sûrement pas prête à avoir des rapports et on lui proposait un lubrifiant pour arranger les choses. Marion encaisse en se disant que ça évoluerait avec le temps, ces “coups de poignard dans le ventre” : les dyspareunies. Après une pause sans voir de gynécologue, “je n’avais pas envie d’y aller, pas envie d’en parler, de m’entendre dire qu’il n’y avait pas de problème”, Marion commence à se douter (grâce à ses propres recherches) que ses symptômes ressemblent à l’endométriose.
En plus des douleurs pendant les rapports, Marion a de plus en plus mal à chaque période de règles “à ne plus pouvoir marcher”. Elle décide de consulter un médecin répertorié sur le site Gyn&co, sorte de carte féministe des gynécologues où les patientes donnent des avis et recommandations. Le contact se fait plus naturellement, le médecin est jeune et lui pose beaucoup de questions sur son parcours, pour la connaître. Cela a eu un véritable impact sur Marion. C’est ce médecin qui l’a envoyée voir un radiologue spécialiste de l’endométriose à l’Hôpital St Joseph. Après plusieurs traitements hormonaux, les douleurs ne partant pas, il a fallu opérer. C’était en décembre dernier. Une coelioscopie qui lui a changé la vie, trois mois après, les douleurs ont disparu.
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“Je me suis rendu compte après l’opération que je n’avais plus mal, c’est une sensation hyper étrange. Comme les douleurs sont toujours là et n’arrivent pas uniquement lorsque l’on fait quelque chose, il m’arrive de marcher dans la rue et de me dire : je n’ai pas mal ! C’est fou ! Tu te rends compte que c’est plutôt cool”. La seule chose qui inquiète Marion est de reprendre une vie intime avec son copain. Il faut tout réapprendre, y compris à ne plus avoir mal. La force de Marion lui a toujours fait envisager l’endométriose comme une maladie qui allait faire partie de sa vie et pour laquelle elle allait essayer de “tacler le problème et de trouver des solutions s’il y en a”. “Aujourd’hui je n’ai plus mal, je le sens, je suis capable de tenir un trajet en voiture ou en RER sans avoir de douleurs ou envie d’aller aux toilettes. Il y a aussi le fait de marcher dans la rue, d’aller en soirée, de ne plus utiliser de bouillotte”. Marion sait que l’opération n’est pas une fin en soi et que la maladie peut revenir, mais pour le moment, elle souffle.
“L’annonce a été assez brutale et maladroite”
Lucile, 34 ans diagnostiquée en 2017
Lucile a découvert son endométriose presque par hasard, alors qu’elle venait de subir une opération pour se faire extraire un kyste à l’ovaire. L’annonce a été faite assez maladroitement en consultation post-opératoire. “Vous avez des enfants ? Vous en voulez ? Cela va être compliqué pour vous, vous avez de l’endométriose”. Pour Lucile, ce diagnostic a été difficile à appréhender, surtout qu’elle n’avait pas en face d’elle de spécialiste de la maladie. Elle s’est alors orientée vers un endroit compétent dans ce domaine (le CHU de Strasbourg) pour y voir plus clair. Ce diagnostic, encore à préciser (compte tenu des examens complémentaires à mener) l’a fait passer par plusieurs phases.
“Depuis cet été, je chemine encore. Passé un premier stade de choc et d’angoisse dû à l’opération et à l’annonce du diagnostic, je suis passée par un mélange de colère, de frustration et de culpabilité. La colère du fait que l’on soit passé à côté de mon kyste lors de bilans gynécologiques, celle d’avoir été amputée d’un ovaire et d’une trompe. La frustration du fait que durant les quelques mois après mon opération, j’ai dû mettre certains aspects de ma vie en pause, et celle d’avoir une maladie bénigne mais chronique, de ne pas pouvoir tourner la page après cet épisode et de devoir accepter une nouvelle vie. La frustration aussi de l’incompréhension de ceux qui, par méconnaissance, peuvent minimiser ce dont on souffre et celle d’avoir l’impression parfois d’être perçue comme la fille qui a encore un problème. Enfin, la culpabilité et la baisse momentanée de l’estime de soi : devoir accepter un corps avec une cicatrice de césarienne, se poser des questions sur sa féminité, en se disant que son chemin sera certainement différent de celui qu’on avait envisagé”.
Lucile garde le moral au quotidien grâce à la présence et au soutien de sa famille, de ses amis et à la compréhension de son employeur. Pour elle, la parole est quelque chose qui compte beaucoup et elle n’a aucun problème pour s’exprimer sur le sujet. Le message qu’elle souhaite faire passer aux femmes atteintes d’endométriose est “que l’acceptation et le traitement de la maladie est un processus long et qui entraîne de temps en temps du stress et des baisses de moral, parfois difficiles à comprendre pour les autres. Au-delà de tout, cela nécessite beaucoup de bienveillance de l’entourage et de soi-même afin de regagner une certaine forme de sérénité”. Et de conclure : “après être passée par des moments difficiles (et il y en aura d’autres), j’ai décidé pour ma part de laisser la maladie avoir le moins d’impact possible sur ma vie, même si ce n’est pas encore évident tous les jours”.
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“C’était devenu invivable”
Melissa, 26 ans diagnostiquée en 2015
Melissa avait des règles de plus en plus douloureuses qui l’ont conduite à des situations extrêmes : deux voyages aux urgences après des malaises, plusieurs week-ends passés alitée, elle a même frôlé l’accident de voiture en faisant un malaise au volant. “C’était devenu invivable car j’appréhendais tous les mois la venue de mes règles, j’avais des règles de plus en plus douloureuses voire insupportables”. Voyant que ses symptômes s’aggravaient, Melissa a décidé de voir un gynécologue chez elle, à Tahiti, qui lui a conseillé une opération afin de voir à quel stade était l’endométriose. Suite à cette opération, son corps a été mis au repos artificiellement en la mettant en ménopause (Décapeptyl et Luthényl).
Aujourd’hui, Melissa est très entourée de ses proches, même s’ils s’inquiètent beaucoup pour elle. Sa mère a peur notamment que son mode de vie sain et sportif n’ait de mauvaises répercussions sur sa maladie. L’endométriose est quelque chose dont il faut parler le plus possible pour Mélissa, c’est pour cela qu’elle a décidé de créer le groupe Facebook Polynesian endogirls afin que les femmes puissent “parler de leur expérience de la maladie et de trouver des solutions ensemble pour combattre cette maladie au quotidien“. La jeune fille veut passer le message qu’il ne faut pas rester dans l’ombre. “Parlez-en à votre entourage, c’est important. Et surtout n’ayez pas honte de cette maladie ! En parler c’est aussi sauver d’autres femmes. Ce n’est pas normal de souffrir ainsi.” Pour elle, son combat est que toutes les jeunes femmes consultent “le plus tôt”, afin d’éviter des complications notamment pour avoir des enfants, son prochain combat contre la maladie.
“Je ne lâcherai jamais”
Alice, 35 ans diagnostiquée en 2001
Pour Alice, la découverte de l’endométriose s’est faite tôt mais elle n’a véritablement compris cette maladie que bien des années plus tard, après quinze ans de souffrance et d’errance médicale. De spécialistes en spécialistes, d’opérations en opérations (et en complications), Alice a miraculeusement réussi à avoir un enfant : Laura, née le 1er Mai 2015. La grossesse n’ayant pas arrangé son endométriose, quelques temps plus tard, Alice apprend l’existence d’un site qui lui a changé la vie : le Résendo. “Jusque-là, je cherchais à me soigner mais sans plus, j’en avais ras-le-bol qu’on me dise d’aller voir un psy. En revanche, quand vous avez un enfant ça change la donne, il faut être là pour elle, si vous n’allez pas bien ce n’est pas possible.”
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Le Résendo est un site qui regroupe des médecins pluridisciplinaires, spécialistes de l’endométriose en Ile-de-France en partenariat avec l’Hôpital St Joseph, qui est reconnu pour l’endométriose. Ce réseau médical lui a permis d’être orientée vers les bonnes personnes et d’avoir enfin de réelles explications sur sa maladie. Grâce au Résendo, Alice a suivi une cure thermale qui l’a aidé également à accepter et comprendre la maladie. Aujourd’hui, elle adapte sa vie au jour le jour. ‘J’essaye d’aller à la piscine le plus souvent possible pour refaire tous les exercices de la cure, je fais de l’autohypnose, je respecte énormément mon sommeil et j’essaye au maximum de ne rien faire qui va me faire mal”. De ce parcours douloureux, Alice a décidé d’en tirer quelque chose de positif, et garde une force intérieure qui lui permet d’avancer. “À tout problème existe sa solution. La seule chose, c’est qu’il faut prendre problème par problème. Si on n’accepte pas d’être malade, on n’arrive à rien. Il faut accepter de ne pas être capable de faire certaines choses, mais on peut arriver à tout de manière différente, il faut s’adapter”.
Alice tire notamment sa force de son mari, qui a suivi son parcours médical et qui lui a demandé un jour de lui expliquer en détail ce qu’il se passait dans son corps. “Rien que le fait d’en parler ça change tout, surtout dans le détail, ça m’a aidé à relativiser aussi”. Alice est une battante qui cherche à tout prix à avancer. “Il faut essayer au maximum de ne pas voir que la maladie et ce qu’elle engendre, il faut absolument se concentrer sur ce que l’on a, c’est vraiment ça, relativiser”. Elle souhaite que son expérience puisse servir à d’autres jeunes filles en leur évitant les errances médicales qu’elle a rencontrées. “Je suis heureuse de vivre et si les choses qui se sont passées pour moi ont été difficiles, j’espère que cela va servir pour les autres jeunes filles et pour ma fille”.
Béatrice Pitre