LBD, "bean bag": au moins 9 enquêtes confiées à l'IGPN après des tirs lors des émeutes

LBD, "bean bag": au moins 9 enquêtes confiées à l'IGPN après des tirs lors des émeutes

Ils s’appellent Nathaniel, Mehdi, Virgil ou encore Abdelkrim. Ils habitent en région parisienne, en Meurthe-et-Moselle, dans le Maine-et-Loire ou bien à Marseille. Et tous assurent - comme Hedi et Jalil - avoir été grièvement blessés par des tirs de LBD en marge des émeutes qui ont secoué la France, il y a quelques semaines.

L'Inspection générale de la police nationale (IGPN) s’est vu confier une trentaine d’enquêtes portant sur des soupçons de violences commises par des policiers. Selon nos informations, au moins un tiers de ces enquêtes concernent des jeunes hommes qui ont perdu un œil ou ont été très grièvement mutilés par des armes intermédiaires non-létales comme des LBD (lanceurs de balles de défense, NDLR).

Plusieurs personnes éborgnées

Mehdi figure parmi ces cas. Le jeune homme âgé de 21 ans se trouvait à Saint-Denis le 29 juin au milieu des émeutes lorsqu’il a été visé par un tir de LBD, selon son avocate. Elle indique que son client a été pris pour cible au niveau du visage par un policier qui se trouvait à moins de 10 mètres de lui. Le jeune homme, qui se destinait à une carrière sportive qu’il va devoir abandonner, a perdu l’usage d’un œil. Après son dépôt de plainte, le parquet de Bobigny a ouvert une enquête pour "violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente" et les investigations ont été confiées à l’IGPN.

L'avocate de Mehdi, qui n'a pas encore été auditionné, a demandé à ce que les images de vidéosurveillance soient conservées.

Autre affaire en Seine-Saint-Denis: celle de Nathaniel à Montreuil. Ce dernier a reçu un projectile dans la nuit du 28 au 29 juin alors qu’il se trouvait dans la rue avec un ami et qu’il ne participait pas aux émeutes, selon son avocat qui ajoute qu'il a perdu un œil à la suite de ce tir. Une enquête a depuis été ouverte et confiée à l’IGPN.

Virgil, âgé de 29 ans, raconte quant à lui avoir été éborgné le 29 juin à Nanterre (Hauts-de-Seine) aux alentours de minuit après la marche blanche organisée par les proches de Nahel. Le parquet de Nanterre a ouvert une enquête préliminaire pour "violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente".

Lors de la soirée du 30 juin, Abdelkrim sort de chez lui pour rejoindre un ami à Marseille. La ville est ce soir-là en proie à de violentes émeutes. Non loin de la rue Saint-Ferréol, le jeune homme de 22 ans dit avoir été victime d'un projectile. Selon lui, il s'agirait d'un projectile de LBD. Son œil gauche est visé. Il saigne abondamment mais dit ne s'être rendu compte de rien, ne comprenant pas ce qui lui arrivait. Transporté à l'hôpital, il a subi deux interventions chirurgicales en l'espace de deux semaines. Abdelkrim a déposé plainte. Le parquet de Marseille a ouvert une enquête du chef de "violences volontaires en réunion ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente par personne dépositaire de l'autorité publique et avec arme". Cette enquête a été confiée à l'IGPN.

Enfin, une autre affaire porte sur des faits remontant au soir du 3 juillet. Un homme de 32 ans a été éborgné à Angers suite à l’usage du LBD peu après 20h dans le centre-ville. Les faits se seraient produits alors que la police intervenait lors d’un affrontement entre deux groupes, sans lien a priori avec les émeutes. Dans un communiqué diffusé le 6 juillet, le parquet d’Angers indique qu’une enquête a été ouverte et qu’il l’a confiée à l’IGPN. Le parquet indique que "les premiers éléments médicaux, qui restent à vérifier par expertise, imputent l’origine de la blessure à un tir de balles de défense".

Un jeune de 25 ans toujours dans le coma

En Meurthe-et-Moselle, un jeune homme a reçu un tir au visage le 30 juin dernier. Selon sa famille, Aimène, 25 ans, se déplaçait en voiture dans la soirée à Mont-Saint-Martin. La vitre de son véhicule était ouverte. Il souhaitait se rendre à la pompe à essence lorsqu’il a reçu un projectile au visage. Il est, depuis, dans le coma.

Le parquet de Val-de-Briey a depuis ouvert une enquête préliminaire pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique". Selon la procureure de Val-de-Briey "l’hypothèse que le jeune homme a reçu un tir du Raid est privilégiée. Nous avons des éléments en ce sens. C’est pour cela que l’IGPN a été saisie".

Le parquet de Val-de-Briey s'est depuis dessaisi au profit du parquet de Nancy qui a ouvert une information judiciaire du même chef. À nouveau, c'est l’IGPN qui est saisie des investigations. Les membres du Raid présents ce soir-là ont été auditionnés. L’enquête a établi qu’ils ont utilisé des armes intermédiaires de type grenades, LBD et "bean bag" (calibre 12).

"Ils étaient pris pour cibles par des jets de pierre et des mortiers puissants. Ils ont donc fait usage de leurs armes. Mais ils n’ont pas vu, ils n’ont pas compris, ils n’ont pas su qu’il y avait une victime. Ils ne l’ont appris que plusieurs heures plus tard lorsque les faits étaient terminés", confie une source judiciaire à BFMTV.

Un mort après "un choc violent causé par le tir d'un projectile de type flashball"

Dans la nuit du 1er au 2 juillet, Mohamed B., livreur Uber de 27 ans, est quant à lui retrouvé inanimé à 1h15, près de son scooter, au 119 cours Lieutaud à Marseille. Les agents de sécurité puis les pompiers dépêchés sur place tentent de le ranimer. Mais il décède. Sa famille est alors avertie. On lui dit qu’il est mort d’un arrêt cardiaque.

L'autopsie réalisée révèle que cet arrêt cardiaque a été consécutif à un choc violent reçu à la poitrine. Selon le parquet de Marseille, l'impact aurait été causé par un objet qui n'est ni contondant, ni perforant mais sphérique. D'après la procureure de Marseille, il pourrait correspondre à un tir de LBD. "Les éléments de l'enquête permettent de retenir comme probable un décès causé par un choc violent au niveau du thorax causé par le tir d'un projectile de type flashball", écrit le parquet dans un communiqué.

Ce soir-là, Mohamed était sorti de chez lui pour aller manger avec des amis. C'est ce qu'il avait dit à sa femme, avant de sortir. Il avait filmé une partie de sa soirée. La dernière vidéo Snapchat qu'il a fait date de 00h49. Sur cette vidéo que BFMTV a pu visionner, on le voit au niveau de la rue Saint-Ferréol. À 1h15, il est donc retrouvé inanimé, cours Lieutaud où habite sa mère.

Mohamed était père d'un enfant de deux ans et demi, allait bientôt être parent pour la seconde fois. Les membres de sa famille, qui doivent être reçue à la fin du mois par le juge d'instruction, indiquent qu'il n'a pas participé aux émeutes. Le parquet de Marseille a ouvert, le 4 juillet, une information judiciaire pour "coups mortels avec usage ou menace d'une arme". À la date du 25 juillet, aucune interpellation n'avait eu lieu.

Article original publié sur BFMTV.com