"L'affaire du violeur au couteau": pour élucider les cold cases, les autorités lancent de nouveaux appels à témoins

"3 viols successifs, espacés dans le temps commis en 2002 et en 2011, où nous retrouvons le même ADN avec le même mode opératoire, c'est-à-dire trois victimes, trois femmes, agressées dans des lieux publics, à 8 heures, 10 heures et midi, le tout sous la menace d'un couteau." Saura-t-on un jour qui est celui qui a été surnommé "le violeur au couteau"? Cet homme est soupçonné de trois viols dont les détails ont été communiqués Pascal Trache, le procureur de la République de Nanterre.

Pour tenter d'élucider cette affaire transférée au pôle judiciaire dédié aux crimes sériels ou non élucidés, le "pôle cold cases", les autorités misent désormais sur un nouveau dispositif d'appels à témoins. Tableau en liège sur lequel est accroché le portrait-robot d'un suspect est relié à une carte de France, les courtes vidéos fabriquées par les services judiciaires reprennent les codes des émissions de faits divers.

"Vos témoignages sont la clé", est-il inscrit en bas de l'image de cette vidéo intitulée "En quête d'indices" et disponible sur le site du ministère de l'Intérieur. Car l'objectif est bien de recueillir des éléments auprès du grand public ou encore que de potentielles autres victimes se signalent. "L'idée est de dépoussiérer l'appel à témoins", explique à BFMTV.com Camille Chaize, la porte-parole du ministère de l'Intérieur.

"Ce qu'on cherche, c'est l'engagement du public. On s'est dit qu'avec la méthode ancienne, ça ne fonctionnait pas très bien. Il faut plus intéresser le grand public pour essayer de raviver des souvenirs."

Trois victimes en dix ans

C'est notamment le cas dans cette affaire du "violeur au couteau". En décembre 2011, les enquêteurs font un rapprochement entre deux affaires. Le 19 décembre, une femme a été violée alors qu'elle promenait son chien près du lac de Christis à Saint-Paul-lès-Dax, dans les Landes.

"Elle a été accostée par un individu lorsqu'elle est arrivée au niveau d'une zone boisée plus isolée, ce dernier lui a demandé une cigarette, a sorti un couteau, l'a menacée, a procédé à des attouchements sexuels et a fini par la violer", détaille dans cet appel à témoins Sophie, un commandant de police de la police judiciaire de Bayonne.

Dix jours plus tôt, à Gujan-Mestras, près du Bassin d'Arcachon, à une centaine de kilomètres des Landes, le suspect a fait une autre victime, une femme qui venait de regagner sa voiture garée sur le parking de la gare de la Hume. L'homme est rentré dans le véhicule avant de la violer. "Les deux premiers faits ont été rapprochés rapidement par rapport au mode opératoire de l'auteur et la proximité des faits", relève pour sa part Guillaume, policier à l'Office central pour la répression des violences aux personnes.

Le travail sur l'ADN du suspect dans ces deux affaires va permettre aux enquêteurs de retrouver une troisième victime potentielle, une femme agressée et violée dans le parc Debreuil à Melun, en Seine-et-Marne, neuf ans auparavant, le 14 février 2002. "Il va sortir un couteau rétractable, la menacer, la faire asseoir sur un banc, commencer à pratiquer des attouchements puis toujours sous la menace du couteau, il va violer sa victime", poursuit l'enquête du groupe spécialisé sur les crimes sériels.

Besoins de l'enquête

En 2011, les témoignages des trois victimes permettent d'établir le portrait-robot d'un suspect. Un homme âgé entre 30 et 40 ans, de petite taille (entre 1m60 et 1m70), de corpulence moyenne, la peau claire, les yeux foncés, les cheveux bruns légèrement dégarnis, parlant sans accent avec une voix douce. Mais malgré les efforts des enquêteurs, aucune interpellation n'a pu être menée dans ces trois dossiers.

En octobre 2022, le dossier est transféré au pôle "cold cases" installé au tribunal de Nanterre. Le procureur Pascal Prache, en accord avec les juges d'instruction du pôle et les enquêteurs, a choisi cette affaire pour inaugurer cet appel à témoins nouveau format, qui constitue un nouvel acte d'enquête à part entière. "Ces vidéos aident à mieux comprendre l'affaire, à en comprendre suffisamment pour se remémorer une enquête", complète Camille Chaize, qui défend la volonté d'avoir des appels à témoins "pérennes".

Le travail collaboratif entre les services de police, de gendarmerie et la justice a également porté sur une préparation des enquêteurs à recevoir un flot de témoignages et d'indices. "Chaque service d'enquête s'est organisé pour pouvoir traiter et absorber les différents témoignages qui arriveront" sur la plateforme dédiée sur le site du ministère de l'Intérieur.

Pour l'heure, une deuxième vidéo est prévue pour les semaines à venir, mais le dispositif n'aura rien de régulier. Ensuite, les appels à témoins répondront aux "besoins de l'enquête".

Article original publié sur BFMTV.com