Sur l’endométriose, le gouvernement, le RN et LFI tournent en rond à l’Assemblée (et ce sont les femmes qui trinquent)

Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau et le vice-président de l’Assemblée nationale RN Sébastien Chenu lors de l’examen de la niche parlementaire sur l’endométriose. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)
BERTRAND GUAY / AFP Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau et le vice-président de l’Assemblée nationale RN Sébastien Chenu lors de l’examen de la niche parlementaire sur l’endométriose. (Photo by Bertrand GUAY / AFP)

POLITIQUE - C’est une « niche parlementaire », jugée comme « piégeuse » ou « habile » depuis que le Rassemblement national a décidé de mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, pour ce jeudi 12 octobre, une proposition de loi pour que l’endométriose soit reconnue comme une affection longue durée.

Un sujet, déjà porté par la gauche et notamment Clémentine Autain chez LFI qui avait réussi en janvier 2022 à faire adopter à l’unanimité une proposition de résolution sur le sujet. À l’époque, le groupe majoritaire encore nommé LREM avait voté pour. C’était il y a un an et demi. Un siècle.

Depuis, le RN, qui a réussi aux législatives de juin 2022 à composer un groupe de 88 députés et qui entend passer de la dédiabolisation à la normalisation, s’est emparé du sujet.

Feu nourri d’arguments politiques contre chaque camp

Le texte a finalement été retiré à la mi-journée par le rapporteur RN, Emmanuel Taché de la Pagerie, conscient que le nombre de voix requises n’était pas atteint et par volonté de ne pas prolonger les débats, alors que d’autres propositions de loi sont portées par le RN jusqu’à minuit.

Mais lors du débat sur ce sujet tenu pendant plus de deux heures, chaque groupe politique, et le gouvernement au banc représenté par le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, a fait entendre ses arguments contre leurs adversaires respectifs. Mais pour quels résultats dans la reconnaissance et la prise en charge de cette maladie ?

Plus agité que d’ordinaire, le RN qui affiche des bancs fournis, s’est présenté en défenseur de « l’intérêt général », selon les mots du député Jean-Philippe Tanguy. Il a jugé « mesquines et arrogantes » les critiques nourries venues de la majorité, comme la « très mauvaise rédaction du texte du RN », du député Horizons Frédéric Valletoux.

En réalité, le tir groupé contre le parti d’extrême droite sur son bilan en matière de droit des femmes, et sur un programme jugé antiféministe, est venu tous les autres bancs pour critiquer une proposition de loi « opportuniste » (Marie-Noëlle Battistel, socialiste), « qui n’apporte rien » (Sandrine Josso, groupe démocrate), ou encore « un écran de fumée alors que le RN est une arnaque, à commencer par les droits des femmes » (Clémentine Autain, LFI).

« Vous voulez supprimer le ministère de l’Égalité femmes-hommes », ont pointé deux oratrices de gauche. « Le RN serait devenu comme par enchantement les défenseurs de la cause des femmes », a aussi ironisé le député Valletoux qui rappelle, comme d’autres, les propos de Marine Le Pen en 2012 sur « les avortements de confort » qu’elle voulait « dérembourser ».

Le décret introuvable

À gauche, où l’on refuse de voter le texte, on a renvoyé dos à dos le RN, et sa niche « opportuniste », et le gouvernement, qui ne veut pas prendre un décret pour mettre en place la résolution Autain qui permettrait de reconnaître l’endométriose comme une affection longue durée. « C’est un décret que nous attendons depuis des années », a lancé la députée PS Marie-Noëlle Ballistel. « Il est où le décret ? » a tonné Sandrine Rousseau (EELV) à la tribune, tout en regrettant « les tentatives de récupération des utérus des femmes » de la part du RN.

« La santé des femmes passe toujours après la réduction des dépenses publiques avec ce gouvernement », a aussi regretté devant la presse Clémentine Autain après le retrait du texte. « Le problème, c’est que le gouvernement pense que la France va bien », s’est agacé un conseiller du groupe Liot, favorable au décret Autain qui permettrait d’automatiser la prise en charge de l’endométriose comme une affection longue durée dès qu’elle est diagnostiquée.

« Si ce décret servait… Je le signerais », a répondu le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, alors même que sa collègue en charge de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard y était favorable. « Mais parle-t-on de droit réel ou de droit formel ? Mon sujet, c’est l’accès des femmes à la prise en charge », a-t-il déclaré après avoir suscité les moqueries sur un « webinaire » qu’il propose aux professionnels de santé pour « améliorer la connaissance de l’endométriose et limiter les retards de diagnostics ».

« Merci M. le ministre de dire qu’il n’y aura pas de décret, ça a le mérite de la clarté. Vous ne voulez pas classer l’endométriose en affection longue durée (ALD) pour ne pas mettre la main à la poche ! », a accusé la députée RN Laure Lavalette. Et de lancer dans une double direction, d’abord envers la majorité : « Vous agissez comme une secte, c’est la honte ! » et vis-à-vis de LFI : « Vous refusez de condamner les terroristes du Hamas, vous êtes la honte de la République ! ».

Le débat n’aura pas échappé à l’actualité lourde en Israël-Palestine, notamment lors d’une passe d’armes entre les deux cheffes de file du FN Marine Le Pen et de LFI Mathilde Panot. « Soyez modestes dans la période ! », « Vous êtes abjecte » a répondu la seconde. Loin, très loin, de la santé des femmes.

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