L’agrément de l’association anticorruption Anticor n’a pas été renouvelé, voici ce que l’on sait

L’agrément de l’association anticorruption Anticor n’a pas été renouvelé
Romain Doucelin / Romain Doucelin / Hans Lucas via L’agrément de l’association anticorruption Anticor n’a pas été renouvelé

POLITIQUE - Un joli « cadeau de Noël pour les corrupteurs ». L’avocat d’Anticor, Maître Vincent Brengarth, ironise après la décision de l’exécutif de ne pas renouveler l’agrément de l’association anticorruption, indispensable pour lui permettre de se constituer partie civile.

La nouvelle tombée, ce mercredi 27 décembre, en pleine trêve des confiseurs n’est pas passée inaperçue à gauche. Le point sur ce que l'on sait et les principales réactions.

Pourquoi Anticor avait-elle besoin d’un nouvel agrément ?

L’agrément en question constitue le principal levier d’action de l’ONG en matière juridique. Sans lui, elle n’a pas la possibilité de se constituer partie civile. Ce type de plainte étant déposé auprès d’un juge d’instruction indépendant, cela lui permet y compris en cas d’inaction du parquet, de saisir la justice. D’autres associations, telles que Sherpa ou Transparency international bénéficient aussi de cette reconnaissance par l’État.

Pour Anticor, les ennuis commencent en juin dernier. Le tribunal administratif de Paris avait annulé un arrêté signé en avril 2021 par le Premier ministre d’alors, Jean Castex, qui renouvelait pour trois ans l’agrément, une décision confirmée par la cour administrative d’appel le 16 novembre.

Le tribunal administratif avait été saisi par deux dissidents de l’association fâchés avec la direction. Ils estimaient la procédure de renouvellement de l’agrément irrégulière et jugeaient que l’association ne remplissait pas les conditions exigées pour être agréée. Une partie du problème vient du manque de transparence dans les financements de l’organisation. La décision du tribunal administratif avait été confirmée en octobre par la cour administrative d’appel alors que le gouvernement poussait pour. L’association avait ensuite déposé une nouvelle demande d’agrément auquel l’exécutif avait deux mois pour répondre.

Pourquoi est-ce Catherine Colonna qui (n’)a (pas) tranché ?

L’analyse de cette demande avait fait l’objet d’un déport du ministre de la Justice en faveur de la Première ministre Élisabeth Borne, Anticor étant impliquée dans la procédure visant Éric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République (CJR), depuis relaxé.

Puis dans un décret paru au Journal officiel samedi 24 décembre, à deux jours de la date d’expiration du délai, la cheffe du gouvernement s’était elle aussi déportée in extremis, confiant cette tâche à la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, sans donner davantage d’explications.

Comment Anticor a-t-elle réagi ?

« Cette décision ne nous surprend pas malheureusement car nous sommes bien conscients que nos actions contre la corruption agacent profondément le gouvernement », a réagi auprès de l’AFP Élise Van Beneden, présidente du bureau de l’ONG. « D’une certaine manière soulagée de pouvoir enfin démontrer que l’association remplit bien tous les critères pour être agréée, à l’abri des considérations politiques du gouvernement ». a-t-elle précisé.

Peu après l’annonce, Anticor a aussi indiqué sur X (ex-Twitter) son intention de « contester cette décision devant la justice administrative ».

Des critiques à gauche mais pas que

Plusieurs personnalités de gauche se sont indignées de cette décision et ont exprimé leur soutien à l’association. Le député LFI Alexis Corbière a dénoncé sur X, un choix « stupéfiant, révoltant, inquiétant. À l’heure où la corruption reste un des fléaux de notre vie économique ! » Président du groupe PS à l’Asemblée, Boris Vallaud, la qualifie pour sa part « d’incompréhensible ».

Sandrine Rousseau a particulièrement pointé du doigt le choix de calendrier. « Toute décision politique prise pendant la trêve des confiseurs est une truanderie. Ça ne rate jamais », a déploré la députée. Mais le délai de deux mois était imposé, non par le gouvernement, par les textes qui régissent ce genre de demande.

L’ancien procureur général auprès de la Cour de cassation, François Molins, figure très respectée du monde judiciaire a également réagi à l’annonce. « Il serait plus sain pour notre démocratie que ce ne soit pas le gouvernement qui statue sur les demandes d’agrément mais une autorité administrative indépendante comme la HATVP » a-t-il suggéré dans un tweet.

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