Législatives : ces trois scénarios possibles après les élections
Majorité absolue, gouvernement minoritaire, gouvernement technique... Quels sont les scénarios possibles après l'élection de la nouvelle Assemblée nationale le 7 juillet? BFMTV vous explique.
"Qui pour gouverner la France?". Dimanche 23 juin, Emmanuel Macron, pose la question dans sa lettre aux Français. 49,5 millions d'électeurs doivent y répondre lors des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet prochains, après la débâcle de la majorité aux élections européennes. Le chef de l'Etat a convoqué ces élections en souhaitant dégager "une majorité claire".
Mais à quatre jours du premier tour, la "clarification indispensable" souhaitée par Emmanuel Macron semble peu probable. Selon notre dernier sondage Elabe pour BFMTV et La Tribune Dimanche, avec 36% des intentions de vote, le Rassemblement national arriverait en tête avec une solide majorité relative, entre 250 et 280 députés. L'alliance de gauche du Nouveau Front populaire pourrait de son côté obtenir entre 150 et 170 représentants.
Alors, quels rapports de force à l'Assemblée nationale après les législatives? On vous présente trois situations envisageables avec Thomas Thévenoud, ancien ministre et directeur associé de Vae Solis Communications, cabinet de conseil en affaires publiques.
Scénario n°1 : la majorité absolue
Une condition préalable pour ce scénario: qu'une des trois alliances, Ensemble (majorité présidentielle), Nouveau Front populaire (NFP), ou le Rassemblement national (RN), fasse élire au moins 289 députés sur 577. Le Premier ministre serait alors issu naturellement de la formation politique arrivée en tête.
"C'est scénario le moins probable si on regarde les sondages", détaille Thomas Thévenoud. Scénario où le camp en tête peut appliquer son programme, et faire voter le budget. "L'acte fondateur d'une politique, de là que tout découle."
Selon notre étude Elabe du 23 juin, l'alliance de gauche du Nouveau Front populaire, recueille 27% des intentions de vote, entre 150 et 170 sièges. Le camp présidentiel "Ensemble" (à 20%) conserverait entre 90 et 110 sièges (contre 245 aujourd'hui).
Si dimanche Ensemble l'emporte, Gabriel Attal resterait à Matignon. Dans le cas d'une victoire de l'alliance de gauche (NFP), le choix du Premier ministre n'est pas encore arrêté. Pour le Rassemblement national, Jordan Bardella irait à Matignon. Emmanuel Macron serait alors le 3e président contraint de nommer un Premier ministre de cohabitation, après François Mitterrand et Jacques Chirac.
Même s'il peut le faire légalement, il est très peu probable que le chef de l'Etat choisisse une personnalité autre que celle proposée par le camp majoritaire, pour former un gouvernement, qui serait rapidement mis en échec à l'Assemblée. En 1986, François Mitterrand avait nommé Jacques Chirac, à l'époque leader du RPR, et pas Jacques Chaban-Delmas ou Philippe Séguin, qui aurait pu y prétendre.
Scénario n°2 : la cohabitation avec une majorité relative
L'hypothèse d'un gouvernement minoritaire. "Constitutionnellement, le président de la République n'est tenu à rien, il choisit le Premier ministre qu'il souhaite", rappelle Thomas Thévenoud, directeur associé de Vae Solis Communications.
Depuis 2022, aucune des 32 motions de censure n'a réussi à renverser Élisabeth Borne ou Gabriel Attal, en situation de majorité relative. La situation serait différente si Ensemble perd les législatives et qu'Emmanuel Macron nomme un premier ministre de sa couleur politique: il serait immédiatement renversé.
"Dans le cas d'une majorité absolue d'opposition [NFP ou RN], la cohabitation changerait de celle entre Jacques Chirac et Lionel Jospin, précise Thomas Thévenoud". "Les deux parlaient d'une même voix", rappelle-t-il.
Quand avec une Assemblée majoritairement d'extrême-droite notamment, "des divergences absolues existent". Finie la cohabitation "constructive", décrite par Jacques Chirac.
Même concernant le traditionnel "domaine réservé du président" qui englobe la politique étrangère et la défense. Lors des précédentes cohabitations, "la place de la France faisait consensus", rappelle Thomas Thévenoud. Aujourd'hui, la position défendue par le chef de l'État sur la reconnaissance de la Palestine, ou le soutien à l'Ukraine, est une ligne de fracture.
Toutefois, le président ne serait pas paralysé. "Sous la Ve République, même en cohabitation, le Président dispose d'un certain nombre d'armes constitutionnelles".
On parle ici des pouvoirs "propres", du Président, qui ne nécessitent aucun contreseing:
La saisine le Conseil constitutionnel, qui permettrait de ralentir la promulgation d'un texte, et donc son application;
Le recours au référendum concernant l'organisation des pouvoirs publics;
Le refus de signer des décrets, de nomination notamment, proposés par le Premier ministre;
Le déclenchement l'Etat d'urgence.
Scénario n°3 : le gouvernement technique
C'est le scénario le plus improbable si aucune majorité ne se dégage après les élections législatives. Celui d'un gouvernement composé de hauts fonctionnaires et d'experts, qui ferait place à des sensibilités politiques très diverses, et qui pourrait composer avec une Assemblée peu disciplinée. Dans ce scénario, difficile d'imaginer la présence de représentants de la France insoumise (LFI) ou du Rassemblement national (RN), qu'Emmanuel Macron, place en dehors de l'"arc républicain".
"Un gouvernement technique, ou d'union nationale, ne prend pas d'initiatives et expédie seulement les affaires courantes, décrypte l'ancien ministre, ce n'est pas dans notre culture politique".
"L'unique précédent historique en France, c'est au sortir de la seconde Seconde guerre mondiale, quand les gaullistes et les communistes ont gouverné ensemble", précise Thomas Thévenoud.
"Ces hauts fonctionnaires devraient avoir un certain sens politique", analyse-t-il. L'enjeu ici encore, est celui d'obtenir le soutien d'une majorité de l'Assemblée nouvellement élue, pour ne pas être renversé.
"Majorité relative, impossibilité d'une coalition, nouvelle dissolution possible dans une année", le cocktail est "explosif", constate Thomas Thévenoud. "Il va falloir des kilos d'aspirine aux constitutionnalistes".