Législatives : ces points chauds à surveiller pour le deuxième tour

Sans doute jamais dans l’histoire de la Ve République, un 2e tour d’élections législatives n’aura été aussi incertain. Entre un RN qui pourrait obtenir une majorité absolue, un nombre historique de triangulaires, un « front républicain » plus fragile que jamais, beaucoup de circonscriptions pourraient se jouer à quelques centaines voire dizaines de voix. Parmi ces nombreuses incertitudes, certains affrontements seront particulièrement scrutés.

François Ruffin « au combat » dans la Somme

Il constitue sans aucun doute le symbole du village d’Astérix, cerné par les camps retranchés romains. Dans un territoire où le RN a creusé son sillon, l’insoumis fait figure de quasi-exception à gauche. Et il partait de loin. Alors que l’ensemble des partis de gauche n’avaient récolté que 25% des suffrages aux élections européennes du 9 juin dernier, la campagne de l’ancien journaliste a porté ses fruits.

Arrivé deuxième avec 33,92% des suffrages, derrière la candidate RN, Nathalie Ribeiro Billet (40,69%), il pourrait bénéficier du report des voix de la candidate Renaissance, Albane Branlant (22,68%), qui s’est désistée pour lui. « Je fais la différence entre les adversaires politiques et les ennemis de la République », a-t-elle annoncé le soir même du 1er tour.

De son côté, le candidat insoumis a assuré être « au combat » pour garder la circonscription dans le giron de la gauche : « On est 4 points derrière. On ira les chercher, avec les dents, dans la semaine qui vient », a-t-il déclaré, dimanche soir, au micro de TF1.

François Hollande face au spectre du « vote utile »

Retour gagnant pour l’ancien président de la République ? Rien n’est moins sûr pour François Hollande (37,63%), qui fera face à deux adversaires pour ce 2nd tour dans la 1e circonscription de Corrèze. D’un côté, la candidate RN, Maïtey Pouget a recueilli 30,89% des voix, de l’autre, le député LR sortant, Francis Dubois (et soutenu par l’exécutif), la talonne, récoltant 28,64%.

Rien n’est donc joué pour aucun des 3 candidats pour un 2nd tour qui s’annonce peut-être encore plus serré que le premier … pour peu que certains électeurs LR fassent le choix de se reporter sur le candidat RN pour faire battre François Hollande.

Une ancienne Première ministre sur la corde raide. 2 ans après avoir été élue de justesse dans la 6e circonscription du Calvados (52,47%, contre 47,53% pour son adversaire insoumis, Noé Gauchard), la situation paraît très compromise pour la haute fonctionnaire. Arrivée deuxième (28,93%) plus de 7 points derrière le candidat RN, Nicolas Calbrix (36,26%), le match semble loin d’être plié pour l’ex-locataire de Matignon. Du côté des bonnes nouvelles, elle pourrait bénéficier du retrait du NFP, Noé Gauchard (23,16%), ainsi que des voix de la candidate divers droite, Lynda Lahalle (7,65%). Pour autant, dans son cas, la situation ne se résume pas à de simples calculs mathématiques.

Très impopulaire depuis la réforme des retraites et les multiples 49-3 engagés par son gouvernement, l’image d’Elisabeth Borne a été durablement écornée dans l’opinion. Et même si le premier secrétaire du PS, Olivier Faure a ironiquement expliqué que la gauche allait la « sauver », les électeurs de gauche suivront-ils les consignes ? Rien n’est moins sûr.

Un combat de boxe s’amorce au 2e tour entre 2 personnalités au caractère bien trempé dans la 7e circonscription du Val-de-Marne. D’un côté, Rachel Keke (43,65%), députée insoumise sortante, élue de justesse en 2022 (50,15%) contre l’ex-ministre et nageuse, Roxana Maracineanu. Une élection qui résonnait comme un symbole pour l’ancienne femme de chambre, qui a porté la grève de l’hôtel Ibis Batignolles, combat long de 22 mois, dont les employées sont sorties vainqueures contre leur direction. Une grève historique dont a été tiré le film « Petites mains » avec Corinne Masiero, sorti en mars dernier.

De l’autre, Vincent Jeanbrun, arrivé 9 points derrière (34,64%). Pour le maire de L’Haÿ-les-Roses, il s’agit de la 3e candidature à la députation après 2017 et 2022. Mais cette fois-ci, le résultat pourrait être différent pour celui qui a acquis une grande notoriété, malgré lui, au moment des émeutes de juillet 2023. Symbole des élus de droite de la périphérie parisienne, son domicile avait été incendié et sa femme blessée, attaque qui avait fait l’objet d’une condamnation unanime de la classe politique.

Dans cette configuration, les électeurs du RN joueront sans nul doute le rôle d’arbitre, le candidat d’extrême-droite, Claude Lédion, ayant recueilli 18,89% des suffrages. S’il ne fait nul doute que ses électeurs votent en faveur de la députée sortante, reste à savoir si une partie d’entre eux se reportera sur l’élu LR.

« Front républicain » pour Valérie Rabault ?

Le nom de la vice-présidente socialiste de l’Assemblée nationale avait circulé à de nombreuses reprises au poste de Premier ministre dans une éventuelle coalition. Si celle-ci avait finalement décliné la proposition, pourrait-elle constituer un point d’ancrage dans la constitution d’une future majorité élargie, si le RN n’obtenait pas la majorité absolue ?

En attendant, la réélection de celle-ci au palais Bourbon est très loin d’être certaine, étant devancée par son opposante RN dans la 1e circonscription du Tarn-et-Garonne, Brigitte Bareges (43,93%), qui a manqué de quelques points, la majorité absolue dès le premier tour. Bénéficiera-t-elle du report des voix de la candidate Renaissance, Catherine Simonin-Benazet, arrivée en 3e position avec 15,49% des suffrages ? Réponse dimanche.

Il a connu François Mitterrand comme président de la République, alors qu’il siégeait déjà sur les bancs de l’Assemblée nationale. Elu dans la 5e circonscription de la Marne depuis 1993, il est le doyen des députés, qui a acquis ses dernières années une notoriété toute particulière en s’opposant fermement à la réforme des retraites du gouvernement Borne. Le centriste Charles de Courson (LIOT) tente de briguer un 8e mandat dans ce territoire qui a massivement voté RN aux dernières élections européennes (49,51%). S’il a légèrement endigué cette dynamique, le candidat du parti d’extrême-droite ayant récolté 46,99% des suffrages au 1er tour, le haut fonctionnaire de 71 ans n’est pas si loin derrière (42,66%).

Mais pour espérer être élu, il devra bénéficier d’au moins la moitié des 4774 voix du candidat socialiste, Gaël Padiou (9,36%), éliminé au 1er tour. Nul doute que pour l’ex-élu indépendant, la victoire (ou la défaite) se jouera à quelques dizaines de voix.

Pour l’ex-patron du groupe LR à l’Assemblée, le danger de rester à quai ce dimanche est réel. Distancé très largement (25,93%) au 1er tour par le RN (38,32%), celui qui est député depuis 2012 de la 2e circonscription d’Eure-et-Loir a de grandes chances de perdre son siège. Il y a 2 ans (déjà contre un candidat RN), son duel avait largement tourné en sa faveur, Olivier Marleix ayant convaincu 62,33% des votants.

Pour espérer rattraper son retard, il devra bénéficier d’un bon report de voix de la candidate socialiste, Nadia Faveris, arrivée seulement 103 voix derrière lui (25,59%) et a choisi de se retirer, ainsi que celle du candidat Horizons, Florent Mazy, qui a récolté 7,24% des votes. Mais rien n’est moins sûr pour celui qui a soutenu avec vigueur la très controversée réforme des retraites.

A première vue, on pourrait penser que le ministre de l’Intérieur et des outre-mer est en bonne position pour être réélu dans la 10e circonscription du Nord, étant arrivé en 1e position (36,03%), devant le candidat RN, Bastien Verbrugghe (34,31%). En 3e position, la candidate insoumise, Leslie Mortreux (24,82%) a fait le choix de se retirer.

Mais quel sera le comportement de ses électeurs ? Pourront-ils voter pour le locataire de la place Beauvau, qui a fait passer la loi immigration en décembre 2023 ? Sarkozyste historique, Gérald Darmanin n’est pas en odeur de sainteté à gauche, et le duel pourrait s’avérer beaucoup plus serré que prévu.

Si l’élection de Gérald Darmanin est loin d’être acquise, que dire de l’actuel ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini ? Distancé de plus de 12 points dans la 3e circonscription de Paris par l’écologiste Léa Balage El Mariky, qui a manqué de peu la majorité absolue dès le 1er tour (46,15%) le macroniste historique aura besoin d’un petit miracle au 2e tour pour pouvoir espérer retrouver le palais Bourbon.

S’il pourra sans doute compter sur les 4118 voix du candidat LR, il lui faudra bien plus pour combler les 6440 voix de retard qui le sépare de son opposante NFP. « Impossible n’est pas français », disait Napoléon, nul doute que Stanislas Guerini devra compter sur un petit miracle.

Après Jean-Marie, Marion et Marine, sera-ce le tour de Marie-Caroline ? Pour celle qui pourrait être la 4e membre du clan Le Pen à être élue à l’Assemblée nationale, il faudra jouer serré. Si cette dernière dispose d’une avance de plus de 13 points sur la députée insoumise sortante, Elise Leboucher (39,26% contre 25,94%), un doute est encore permis dans la 4e circonscription de la Sarthe. Une circonscription qui s’était jouée à 88 petites voix en 2022.

Pour espérer être réélue, celle qui a été investie par le NFP devra cependant compter sur les 25,88% de la candidate Renaissance, arrivée 35 petites voix derrière elle, et qui a finalement fait le choix de se désister. Une équation complexe, mais qui n’est pas à exclure.

Elle constitue la surprise de cette élection dans un territoire qui n’a jamais basculé dans le giron de la gauche. Pour la porte-parole du PS, Dieynaba Diop, le pari est peut-être en passe d’être réussi, ayant récolté 29,64% des suffrages, pas loin derrière le candidat RN, Laurent Morin (34,48%), dans la 9e circonscription des Yvelines.

Bénéficiant en outre du député MoDem sortant, Bruno Millienne (21,35%), qui s’est désisté en sa faveur, l’enseignante de formation devra compter sur un bon report de voix … et scruter avec attention l’attitude des 5563 électeurs LR, représentant 8,90% des suffrages.

Lui aussi fait partie de ces « anciens » de l’Assemblée. Elu 5 fois au palais Bourbon, l’ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy pourrait bel et bien quitter l’Assemblée nationale. Ex-président de la Commission des finances, questeur de l’Assemblée, l’ancien maire de Chantilly a constitué un pilier de l’hémicycle depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron.

Ayant rejoint le camp présidentiel début 2022, son bastion de la 4e circonscription de l’Oise pourrait basculer dans l’escarcelle du RN. Devancé très largement au 1er tour (40,23% contre 29,89%), il devra bénéficier d’un excellent report de voix des candidats LR et divers centre, qui ont regroupé à eux 2, 10% des suffrages … et compter sur les 10644 voix de gauche (17,06%), qui auront sans doute quelques réticences à voter pour un candidat qui n’a jamais mâché ses critiques à leur encontre, qui plus est, a porté la très controversée réforme des retraites de 2010.

Deux affrontements pour le prix d’un. Dans la 7e circonscription de Seine-Saint-Denis, ainsi que la 15e circonscription de Paris, les 2e tours opposeront 2 candidats insoumis. Dans le 1er cas, le dissident Alexis Corbière (40,19%) et député sortant, affrontera celle qui a été investie par son parti, Sabrina Ali-Benali (36,39%). Dans le 2nd cas, Danielle Simonnet (également élue sortante et dissidente), dispose d’une avance de 19 points sur son adversaire, Céline Verzeletti.

Alors que Raquel Garrido, également « purgée » par la direction du parti, a fait le choix de se retirer dans la 5e circonscription de Seine-Saint-Denis, étant arrivée en 3e position, l’après-élection pour ces dissidents sera à scruter de près. Quitteront-ils le mouvement pour siéger dans un autre groupe ? Rien n’est moins sûr.