Législatives : le financement politique des partis, l’autre enjeu du scrutin

Le Rassemblement national va pouvoir compter sur une belle manne financière après les législatives. Grand favori du scrutin après avoir rassemblé plus 9,3 millions de voix sur son nom, le RN peut envisager un avenir confortable, financièrement du moins. En effet, conformément aux règles de financement public des partis, le premier tour des élections législatives détermine une grande partie des recettes pour les cinq années à venir. Les scores réalisés par les formations politiques au premier tour conditionnent l’essentiel de l’aide publique accordée par l’État.

Pour 2024, le montant global versé aux partis est fixé à 66,43 millions d’euros, dont 32 millions répartis en fonction du nombre de voix. Selon le décret indiquant la répartition des aides publiques en 2023, chaque voix rapporte 1,61 euro. Un rapide calcul permet d’établir que le RN toucherait pour cette première tranche environ 15 millions d’euros à partir de 2025 au titre de la première tranche de financement public des partis politiques, contre 6,8 millions ces deux dernières années. La majorité sortante (Renaissance, Horizons, Modem) qui, jusqu’à présent, bénéficiait de 8,8 millions d’euros va paradoxalement être gagnante financièrement malgré une perte de siège annoncée, grâce à la très forte participation lors de ce scrutin. 6,4 millions en faveur d’Ensemble aux législatives de 2024 contre 5,8 millions en 2022.

Pour bénéficier de cette première tranche, il faut toutefois récolter 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions de France métropolitaine (une règle spécifique s’applique pour l’Outre-mer). Les partis ont donc intérêt à présenter le plus de candidats possibles. Cette règle peut également constituer un frein aux alliances et à la présentation de candidats communs.

Reversement de l’aide directe aux micro-partis

En rupture avec Les Républicains dont il est encore officiellement le président, Éric Ciotti a d’ailleurs pris soin de demander à la soixantaine de candidats qui l’ont suivi dans son rapprochement avec le RN de se rattacher à son micro-parti : « À droite ! Les amis d’Éric Ciotti ». Avant lui, le micro-parti de Laurent Wauquiez, « La Droite sociale », avait reçu 454 252 euros de dons pour l’année 2022. Dans son rapport d’activité pour 2023, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (Cnccfp) rappelle, en outre, que très peu de partis (6 %) sont concernés par l’aide publique directe.

« Cependant une part non négligeable des partis bénéficiaires de l’aide publique directe reverse chaque année tout ou partie de l’aide ainsi perçue à d’autres partis politiques exclus du mécanisme de l’attribution de l’aide publique », précise le Cnccfp. Selon nos informations « Nouvelle Energie », le micro-parti de David Lisnard, maire de Cannes, et d’autres formations de petites tailles, comme Le nouveau centre d’Hervé Morin, se sont rassemblées au sein d’un même groupement politique afin de faire monter le nombre de candidatures rattachées. « Il s’agit d’une association de partis, qui nous permet d’additionner le contingent de candidats. À l’arrivée, les fonds obtenus sont répartis entre les formations, au prorata du nombre de voix », détaillait la semaine dernière à publicsenat.fr, Sophie Primas, sénatrice proche de « Nouvelle Energie ».

Malus en cas de non-respect de la parité

Le deuxième volet du financement est calculé en proportion de nombre de députés et sénateurs rattachés à un parti politique. Il s’agit, là aussi, d’une dotation annuelle qui correspond à un peu plus de 37 000 euros par parlementaire. La dotation peut varier au cours de la législature puisque les parlementaires réalisent chaque année en décembre, une déclaration de rattachement à une formation politique. En 2024, avec 288 parlementaires (248 députés et 40 sénateurs), Ensemble pour la majorité présidentielle, a touché 10,6 millions d’euros. Le Rassemblement national a récolté 3,3 millions d’euros. Les Républicains, auxquels sont rattachés, 139 sénateurs et 62 députés, ont, eux, touché 7,2 millions d’euros après avoir été impactés par un malus de 1 290 000 d’euros pour non-respect de la parité, les plus mauvais élèves en la matière avec 256 candidats et 157 candidates. Ensemble pour la République a perdu 511 000 euros (264 candidates, 284 candidats).

Un revers aux législatives peut donc avoir de lourdes conséquences pour un parti. En 2017, le parti socialiste avait perdu 200 députés et s’était retrouvé à vendre son siège de la rue de Solférino (Paris 7e) l’année suivante, pour s’installer à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne).

Selon les données de la Cnccfp, 2022, 532 comptes de partis déposés et certifiés ont bénéficié de 198 millions d’euros, dont 66 millions d’aides publiques. Le reste correspond à des dons de sympathisants (33 millions), des cotisations d’adhérents (25 millions), ou encore à des contributions d’élus (20 millions).