Législatives 2024 : le programme du RN sur l’économie n’a rien à voir avec le Front populaire, voici pourquoi

Jordan Bardella a présenté le programme économique de son parti bien loin de « l’inspiration marxiste » évoquée par Bruno Le Maire.

Pourquoi le programme économique du RN n’a rien à voir avec celui du Front populaire (photo prise le 19 février 2024)
NICOLAS TUCAT / AFP Pourquoi le programme économique du RN n’a rien à voir avec celui du Front populaire (photo prise le 19 février 2024)

POLITIQUE - Extrême confusion. Depuis plusieurs mois, voire plusieurs années, une petite musique courre, entretenue par certains responsables politiques, selon laquelle le programme économique du Rassemblement national est similaire à celui de la gauche. Un refrain qui gagne quelques couplets supplémentaires avec les élections législatives anticipées.

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Bruno Le Maire, par exemple, rapprochait ce lundi 24 juin encore, les deux visions « gauchistes » portées par l’extrême droite et le Nouveau front populaire. Selon le ministre de l’Économie « les deux projets des extrêmes, c’est leur point commun, ce sont deux projets gauchistes, d’inspiration marxiste », a-t-il assuré sur franceinfo.

Un procédé qui permet certes au camp macroniste de mettre ses opposants dans le même sac « extrême », sans s’appesantir sur le reste, les discours ou idées xénophobes. Mais qui ne résiste pas au réel. Désormais toiletté, le programme économique du Rassemblement national, qui n’avait déjà que peu de points communs avec celui de la NUPES en 2022, n’a plus rien à voir avec celui de la gauche réunie.

La baisse de la TVA, seule mesure « pouvoir d’achat »

Regardons le pouvoir d’achat, priorité numéro 1 des Français. Le Front populaire prône une politique conséquente en la matière avec plusieurs propositions phares, dont l’indexation des salaires et des pensions de retraite sur l’inflation, la hausse du Smic à 1600 euros ou l’encadrement des loyers.

Au Rassemblement national, rien de tout cela. Le programme du parti lepéniste a subi une sérieuse refonte entre 2022 et 2024. Fini l’indexation des pensions de retraite, la revalorisation du minimum vieillesse ou les exonérations de taxes ou d’impôts qui devaient, entre autres, permettre une hausse des salaires de 10 %. Autant de mesures promises par Marine Le Pen en 2022.

Ces propositions -comme la suppression de la TVA sur 100 produits de première nécessité- sont au mieux renvoyées à un « temps des réformes » qui dépendra notamment de l’état des comptes de la France. Elles sont, au pire, abandonnées, à l’image des « prix minimums » censés assurer un revenu digne aux agriculteurs, ou de la nationalisation des autoroutes. Ces deux points, comme d’autres, ne sont plus au programme.

De fait, la seule mesure immédiate pour le pouvoir d’achat des ménages concerne la baisse de la TVA sur les produits énergétiques (carburants, fioul, gaz et électricité). « Notre pays est dans la fourchette haute de la taxation des carburants », a encore expliqué Jordan Bardella ce lundi en présentant sa feuille de route lors d’une conférence de presse. Une mesure pas vraiment sociale, étant donné qu’elle touchera tous les ménages de manière indifférenciée, quels que soient leurs revenus. Et qui priverait l’État de recettes considérables (environ 15 milliards d’euros par an) pour financer, par exemple, les services publics.

C’est là que se dessine la différence majeure entre les programmes de la gauche et de l’extrême droite. Pour financer son projet, tourné vers les classes populaires et moyennes, le Nouveau Front populaire veut mettre à contribution les entreprises ou les ménages les plus aisés. Il propose par exemple le retour d’un l’ISF (impôt sur la fortune) renforcé, une refonte de l’impôt sur le revenu pour que les personnes touchant plus de 4000 euros par mois paient davantage et que la facture de ceux gagnant moins soit réduite ou, encore, l’instauration d’un héritage maximum pour les très hauts patrimoines.

Ce qui n’est pas du tout au programme du Rassemblement national, rétif depuis toujours aux politiques offensives en matière de redistribution des richesses. Rien n’est en tout cas proposé en la matière si ce n’est une mise à contribution des armateurs à hauteur de 1,5 milliard d’euros.

Au contraire : quand la gauche s’engage à rétablir un impôt sur la fortune en réclamant aux patrons de faire preuve de « patriotisme économique », le Rassemblement national veut lui supprimer le dispositif moins disant qu’Emmanuel Macron avait mis en place en rayant l’ISF. Jordan Bardella promet effectivement d’abroger l’impôt sur la fortune immobilière, (soit une taxe de 0,5 % pour les biens immobiliers de 1,3 million d’euros) pour protéger les résidences principales. Un cadeau, en somme, fait au 1 % de Français concernés par la chose.

Ciotti ne voit « pas de contradictions » avec LR

En réalité, la réforme des retraites est sans doute le seul point qui rapproche plus ou moins la gauche du Rassemblement national sur le plan économique et social. Et encore. Si le Nouveau Front populaire promet d’abroger purement et simplement le projet d’Emmanuel Macron, Jordan Bardella, lui, n’est pas aussi clair.

Le président du RN assure donner la priorité aux carrières longues dès l’automne pour que « les Français qui ont commencé à travailler avant 20 ans et qui justifient de quarante annuités puissent partir à la retraite dès 60 ans. » Les autres sont priés d’attendre notamment l’audit budgétaire des finances publiques qui doit permettre d’identifier « des marges. » Comprendre : rien de certain.

Pour le reste, le Rassemblement national semble désormais adopter un tournant libéral, proche de ce que promet la droite classique en matière de politique économique, entre allégements de « charges » ou baisse d’impôt pour les entreprises. Et ce n’est pas Éric Ciotti, le nouvel allié de Jordan Bardella et Marine Le Pen qui dira le contraire.

Attaché, dans son discours, à une certaine orthodoxie budgétaire, le président des Républicains s’est réjoui ce lundi d’une feuille de route « qui n’a rien de contradictoire avec ce que nous (LR) avons défendu ». « Je me retrouve dans ces mesures », a-t-il plaidé, au sortir de la conférence de presse, en défendant « l’ordre dans les rues, l’ordre dans les comptes. » Pas tout à fait le marxisme triomphant dénoncé par Bruno Le Maire.

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