Législatives 2024 : quand le programme du RN fait surgir le souvenir du fiasco Liz Truss en Grande-Bretagne
POLITIQUE - Un programme capable de faire vaciller la stabilité financière de la France ? Si le passage éclair au 10 Downing Street de l’ex-Première ministre britannique Liz Truss a laissé un drôle de souvenir impérissable de notre côté de la Manche, il a aussi marqué notre ministre de l’Économie.
En suggérant qu’une victoire de l’extrême droite provoquerait un scénario « à la Liz Truss » comme le rapporte Le Figaro, Bruno Le Maire envisage le pire pour l’après législatives. Et désormais, le scénario chaotique qui a conduit à la démission express de Liz Truss laisse supposer qu’il pourrait en être de même pour l’économie française. Car la possibilité d’une large victoire de l’extrême droite française aux législatives lui permettrait d’appliquer son programme économique. Qui aurait, dénonce le locataire de Bercy, des conséquences pas si éloigné de ce qui s’est passé en 2002 outre-Manche.
« Chaos » britannique
Avec un mandat de 44 jours, Liz Truss est devenue le 20 octobre 2022 la cheffe de gouvernement à la longévité la plus courte de l’histoire contemporaine. En succédant à Boris Johnson, l’ultralibérale avait immédiatement déclenché un début de crise financière en raison de sa politique budgétaire radicale.
Baptisé « mini-budget », ce plan controversé comprenait des baisses d’impôts massives pour les plus riches et des mesures de soutien à l’énergie pour les ménages. Mais cette réponse de Liz Truss à crise du coût de la vie et à l’inflation (près de 10 %) avait surtout affolé les marchés financiers dans l’incompréhension totale face à ces choix. Ils craignaient surtout de voir la dette du pays exploser avec ce programme non financé (mais estimé à une centaine de milliards de livres).
Il a fallu l’intervention in extremis de la Banque d’Angleterre pour calmer le jeu. Mais incapable de résister à cette crise malgré l’abandon de sa réforme fiscale, Liz Truss avait finalement quitté le navire après plusieurs semaines que la presse britannique résumait en un seul mot : « chaos ».
Programme à risque
Lors d’une réunion pour le lancement de la campagne des législatives en Normandie, Bruno Le Maire a évoqué ce risque pour la France. Si le RN devient majoritaire à l’Assemblée nationale, le spectre d’une « crise de la dette est possible », affirmait le ministre trois jours après la dissolution.
Et il n’est pas le seul à le penser. Le gouverneur de la Banque de France, inquiet de voir les taux d’intérêt sur la dette française remonter depuis l’allocution d’Emmanuel Macron -l’écart avec l’Allemagne est au plus haut depuis 2017- a demandé aussi cette clarification. « Il sera important que quelle que soit l’issue du scrutin, la France puisse clarifier vite sa stratégie économique et en particulier sa stratégie budgétaire », a lancé François Villeroy de Galhau, sur Radio Classique ce jeudi 13 juin.
Il faut dire que le déficit de la France fait partie des plus élevés de la zone euro (5,5 % du PIB fin 2023). Dans l’hypothèse d’un RN majoritaire dans l’hémicycle, Bruno Le Maire affirme que la France n’aura « pas les moyens de financer les dizaines de milliards d’euros » de dépenses supplémentaires proposées par le parti lepéniste et ses éventuels alliés.
Pourtant populaires parmi ses électeurs, les mesures économiques du RN comme la baisse de la TVA sur l’électricité, les carburants, le gaz et le fioul, l’instauration d’un super prêt à taux zéro ou les exonérations d’impôts sur le revenu pour les moins de 30 ans font désormais craindre le pire.
Vers une explosion du déficit public
Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur les projections autour du programme du RN pour la dernière élection présidentielle. Analysées par l’Institut Montaigne, les mesures de l’extrême droite en faveur des retraités et du pouvoir d’achat des ménages provoqueraient augmentation du déficit public de 101,8 milliards d’euros par an. Et ce ne sont pas les économies envisagées sur la réduction des dépenses sociales en faveur de l’immigration qui suffiraient à faire baisser la note.
Auprès de l’AFP, plusieurs experts économiques partagent ce constat. « Le programme économique du RN, qui creuserait fortement le déficit de l’État, pourrait déclencher une crise de la dette publique s’il venait à être mis en place », note Sylvain Bersinger, du cabinet Asterès, qui voit lui aussi un parallèle avec le programme de Liz Truss.
La situation sur les marchés « illustre les craintes de détérioration de la qualité de crédit de la France par rapport à l’Allemagne et c’est lié au caractère dispendieux des mesures possibles d’un point de vue budgétaire » en cas de victoire du RN, abonde Lionel Melka, gérant de Swann Capital. Reste à savoir quelles mesures le RN voudrait (ou pourrait) réellement appliquer, tant le parti d’extrême droite souffle le chaud et le froid sur le contenu de son programme. En fonction de là où le vent électoral le porte.
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