Législatives 2024 : Face à la montée du RN, ces couples de femmes craignent pour leur enfant, comme en Italie

Législatives 2024 : Face à la montée du RN, ces couples de femmes craignent pour leur enfant, comme en Italie
JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP Législatives 2024 : Face à la montée du RN, ces couples de femmes craignent pour leur enfant, comme en Italie

FAMILLES - « Ça me fait peur ». À l’aube des législatives anticipées, où le RN est largement donné en tête des derniers sondages, et alors que la parole raciste s’est d’autant plus libérée, dans certaines familles c’est aussi l’angoisse. Celle de se retrouver dans un climat hostile aux familles LGBT+ et de voir se mettre en place une situation à l’italienne si Jordan Bardella arrive à Matignon. Dans la botte, Giorgia Meloni a fait passer l’année dernière une circulaire qui demandait d’arrêter d’enregistrer les actes de naissance d’enfants de couples de même sexe.

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« On en a été horrifiées », confie au HuffPost Lara. Cette trentenaire, mère de deux enfants avec son épouse, se dit « très angoissée par la situation » : « Je ne crois pas du tout au changement du RN. À l’échelle nationale ou européenne, ils n’ont jamais voté en faveur d’une protection ou d’une avancée de nos droits ».

De fait les élus du RN, alliés européens de Viktor Orban en Hongrie, n’hésitent pas à parler de « lobby LGBT ». Au point de lancer l’année dernière, une association parlementaire contre le « poison du wokisme » et la « propagande LGBT ». À l’initiative, le député RN Roger Chudeau, pressenti pour le maroquin de l’Éducation nationale.

« Est-ce que comme aux États-Unis, les livres qui évoquent des familles homoparentales comme la nôtre vont disparaître des écoles ?, s’interroge Anne-Laure, la mère sociale de Suzanne. J’ai peur qu’ils offrent un blanc-seing au retour de la morale religieuse ».

En 2022, Marine Le Pen a gommé de son programme l’abrogation du mariage pour tous et l’interdiction de la PMA aux couples lesbiens qui figurait dans celui de 2017. Elle assure désormais qu’elle n’entend « retirer aucun droit » aux Français mais prévoit un moratoire de trois ans sur les droits sociétaux.

Rassurant juridiquement ? Depuis le vote de la loi sur la PMA en 2021, la reconnaissance anticipée (RCA) est le document que doivent impérativement signer chez le notaire tous les couples de femmes qui vont avoir recours à un don de gamètes. Il est présenté à l’officier d’État civil pour établir l’acte de naissance aux noms des deux parents.

« La RCA a une force légale, elle est inscrite dans le Code civil, l’officier d’état civil qui reçoit la déclaration de la naissance de l’enfant doit s’y conformer. On ne peut pas toucher comme ça à la RCA, c’est la différence avec l’Italie, où la circulaire Meloni visait le processus administratif. Dans le cas de l’adoption, on entre aussi dans le cadre d’un jugement acté par un tribunal », rassure Florent Berdeaux avocat en droit de la famille.

En revanche rappelle-t-il, « une loi comme celle qui organise la filiation des familles homoparentales, peut toujours être abrogée ». Encore faut-il que cela soit constitutionnel et conforme aux traités européens, rappelle l’avocat. Les juges judiciaires sont aussi un garde-fou.

Parmi les cas les plus exposés, les femmes qui ont eu un enfant avant la loi. Depuis 2021, elles peuvent faire une RCA a posteriori pour régulariser la situation et établir la filiation, mais ce dispositif prend fin le 3 août 2024. « Et les familles ne sont pas forcément au courant. Le délai, qu’on allait obtenir avant la dissolution ne sera certainement pas une priorité du nouveau gouvernement qui s’y opposera peut-être totalement ». Les procédures juridiques de filiation en matière de GPA pourraient aussi traîner en longueur : « Si le RN passe une loi sur le refus de la reconnaissance des enfants nés de GPA à l’étranger, de toute façon in fine la CEDH impose à la France de trouver une solution rapide ; le résultat voulu par le RN risque de ne jamais être atteint, mais les difficultés rencontrées par les parents pourraient se multiplier ».

Au-delà des enjeux juridiques, nos interlocutrices s’interrogent sur un climat de libération de la parole LGBTIphobes et la manière dont y seront exposés leurs enfants. « J’ai dû adopter ma propre enfant. C’était humiliant et cela voulait dire que la police pouvait venir à la maison vérifier si j’étais bien la mère. Qu’en sera-t-il si avec une police aux ordres d’un ministre de l’Intérieur RN ? », questionne Anne-Laure.

« On part avec les enfants rejoindre ma compagne à la Ciotat. Là-bas, il ne reste aux murs que des affiches du RN. Et ça me fait peur », confie de son côté Lara. Un climat anxiogène alors que les couples homoparentaux doivent encore faire preuve de pédagogie autour d’eux. « J’ai peur pour mon enfant qui a déjà été exposé à l’homophobie et à la violence pĥysique d’une encadrante de la crèche qui estimait que comme on était deux mères il manquait d’autorité physique », raconte Sigrid maman d’un enfant en bas âge avec sa compagne Agathe.

Que dire et raconter à son enfant, pour le protéger mais sans l’angoisser ? « Notre enfant passe son temps à nous outer en parlant de “ses deux mamans”. Il sait que parfois il faut expliquer, mais j’ai peur de devoir être dans cette double éducation où on lui dit qu’il faut être fier et ne pas se cacher, mais en même temps faire attention », confie encore Sigrid.

Les débats, encore frais, autour du mariage pour tous et de l’élargissement de l’accès à la PMA ont laissé des cicatrices qui sont encore vives. Mais pas pour tout le monde. Sigrid comme Lara disent ne pas voir dans leurs familles respectives de prise de consience : « On a envoyé des messages pour mobiliser mais aucune réponse », dit la première. « Ma soeur n’a pas prévu d’aller voter », dit la seconde qui ajoute : « J’ai besoin de faire quelque chose, alors quand les gens viennent me parler dans la rue parce que j’ai des enfants, j’essaie de leur expliquer à ma petite échelle. Une personne à la fois. »

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