Législatives 2024 : le climat, grand absent de la campagne, « devrait en être l’enjeu central », selon ces militants

Des manifestants à un rassemblement contre l’extrême droite après l’annonce des résultats du premier tour des élections législatives, à Paris, le 30 juin 2024.
DIMITAR DILKOFF / AFP Des manifestants à un rassemblement contre l’extrême droite après l’annonce des résultats du premier tour des élections législatives, à Paris, le 30 juin 2024.

ÉCOLOGIE - « Quand on voit que Jordan Bardella refuse de débattre face à Marine Tondelier, en tant que militant écologiste, on se dit que c’est aussi pour éviter ces questions-là », estime Gaspard Tamagny. Pour le porte-parole d’Alternatiba, mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale, le refus du leader RN de débattre avec la première secrétaire du parti écolo est révélateur de l’invisibilisation des thèmes écologiques et climatiques dans la campagne des législatives.

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« C’est une constante dans les élections. C’était le cas en 2022 ou pour les Européennes. Le climat, qui devrait être l’enjeu central et conditionne tout le reste, n’est jamais au centre des campagnes politiques », regrette-t-il. Lors de ces élections législatives anticipées, organisées en deux semaines seulement et dominées par les scores très élevés du RN, il est même totalement absent.

Le parti d’extrême droite, arrivé en tête des Européennes et au premier tour des législatives, a dicté les thèmes abordés lors de cette campagne éclair, comme le pouvoir d’achat, l’immigration ou les impôts.

Un « narratif imposé » par le RN

Pour Clémentine Nordon, responsable du pôle presse et partenariat de Citoyens pour le climat, le « narratif imposé » par le RN donne une fausse idée de l’écologie. « Pour eux, elle ne peut être que punitive, les économies d’énergie ne peuvent être qu’un appauvrissement de notre niveau de vie, et lutter contre le pouvoir d’achat est forcément contradictoire avec la lutte contre le réchauffement climatique… », énumère-t-elle.

Damien Deville, membre des Colibris, mouvement citoyen pour l’émergence d’une société écologique et solidaire, regrette par ailleurs une focalisation autour d’événements comme Sainte-Soline, qui présentent les combats écologiques uniquement « sous une forme vindicative ». « On ne se rend pas compte à quel point on se met les gens à dos dans les territoires », souligne ce géographe chercheur associé à la Sorbonne, originaire de la Sarthe rurale, où il vit encore aujourd’hui.

Si les politiques, en premier lieu, n’ont pas mis en avant ces sujets dans leurs programmes, les médias ont également joué un rôle, selon Gaspard Tamagny. « Il y a une responsabilité de tout le monde d’en parler, de confronter les programmes des adversaires politiques là-dessus », estime le porte-parole d’Alternatiba.

Une opinion partagée par Clémentine Nordon, qui estime que les journalistes ne sont « pas assez formés » sur ces questions parfois techniques. « Des énormités sont dites parfois par les candidats sur ce sujet face à des journalistes, alors qu’ils savent qu’ils ne pourraient pas être imprécis sur le budget ou une loi de finance », regrette-t-elle.

L’écologie toujours importante sur le terrain

Si cette absence s’inscrit dans un contexte géopolitique et économique, ces militants qui travaillent sur le terrain en sont certains : l’écologie reste une préoccupation pour de nombreux Français. « Y compris pour ceux qui ne votent pas écolo et même pas à gauche », note Damien Deville, des Colibris.

Depuis un mois, l’ONG Alternatiba a entamé un tour de France pour organiser des actions et parler d’écologie et de climat. « On passe par des territoires ruraux, des banlieues, des centres-villes, des villages, des petites villes… Et on voit, que l’écologie, c’est vraiment quelque chose qui anime les collectifs locaux et qui crée du lien », rappelle Gaspard Tamagny.

Il considère même que le vote de colère exprimé dans les urnes n’est pas incompatible avec la lutte portée par les militants pour le climat, bien au contraire. « Il y a un profond désir de changement de système qui a été exprimé et c’est ce qu’on prône depuis dix ans, estime-t-il. Ce qu’on veut, c’est créer un mouvement qui aurait pour objectif de changer de système vers un projet de société qui redonne un peu de l’envie de vivre, de faire commun. »

« Un recul énorme pour la justice climatique »

La probable majorité de l’extrême droite à l’Assemblée nationale au second tour des élections législatives représenterait cependant « un recul énorme pour la lutte pour une justice sociale et climatique », selon ces militants.

« L’extrême droite et le RN en particulier ont des fondamentaux climatosceptiques, rappelle le porte-parole d’Alternatiba. Dans les autres pays européens où l’extrême droite est au pouvoir, ce sont les organisations de la société civile, les syndicats, les associations de lutte, qui sont ciblées pour empêcher toute résistance. »

Ils craignent une diminution voire une suppression des subventions ou une plus forte répression des manifestations et des actions non-violentes de désobéissance civile. « Le RN a déjà prévu de détricoter les quelques mesures en faveur du climat, comme l’interdiction des véhicules thermiques ou la fin des parcs éoliens. Il va falloir redoubler d’intensité dans notre lutte, alors que la crise climatique s’aggrave », alerte-t-il.

Damien Deville, le géographe, se veut néanmoins optimiste. « Ce que j’observe dans les campagnes, c’est que les endroits où les gens ont le plus résisté contre le RN sont ceux où il y a le plus de liens qui cimentent la vie sociale, note-t-il. C’est ce qu’il faut que l’on porte. Que les gens retrouvent cette conscience des lieux, la connaissance des volcans en Auvergne, celle du bocage dans la Sarthe… Et à partir de là, on peut réfléchir à des combats plus longs. »

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