Législatives : comment les politiques se positionnent face à l’hypothèse d’un second tour contre l’extrême-droite ?

« LFI ou RN » ? « Majorité présidentielle ou RN » ? « NFP ou RN » ? Ces derniers jours, les hommes et femmes politiques sont interrogés sur leur positionnement dans l’hypothèse de duels ou de triangulaires au second tour des élections législatives face à un candidat du RN. Appelleront-ils à voter contre le parti de Jordan Bardella quel que soit son opposant ? En cas d’arrivée en troisième position, se désisteront-ils ? Public Sénat fait pour vous un tour d’horizons des prises de position des principales têtes d’affiche en la matière.

Ils se sont clairement positionnés contre l’extrême-droite

Publiée ce matin dans Le Monde, une tribune réunissant plus de 220 personnalités politiques et de la société civile, s’est voulu extrêmement clair quant à la position à entretenir en cas de 2e tour face au RN. Une tribune ntitulée « Pour la démocratie et la République, faire front ensemble », dans laquelle les signataires appellent au désistement du ou de la candidat(e) arrivé(e) en 3e position. « Malgré les profondes divergences qui existent entre les forces démocratiques, il nous paraît donc indispensable qu’elles s’entendent pour empêcher que le Rassemblement National n’obtienne une majorité à l’Assemblée nationale le 7 juillet prochain », défendent les signataires, avant de préciser : « Cela implique d’éviter les triangulaires au second tour en retirant le candidat ou la candidate moins bien placé et de soutenir partout activement le candidat ou la candidate des forces démocratiques restant face au Rassemblement National ».

Parmi les signataires, des membres de la majorité présidentielle, à l’image de Clément Beaune, ancien ministre des Transports et candidat Renaissance dans la 7e circonscription de Paris, Bernard Guetta, colistier de Valérie Hayer pour les élections européennes du 9 juin, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’Agriculture, ou encore Barbara Pompili, ex-ministre de l’Ecologie d’Emmanuel Macron.

A gauche, la tribune fait encore davantage consensus, même si aucun membre de LFI n’a ratifié le texte. Chez les socialistes, le premier secrétaire du parti, Olivier Faure, l’a signé, tout comme le président du groupe au Sénat et ex-ministre des Sports, Patrick Kanner. Les maires de Paris et de Marseille, Anne Hidalgo et Benoît Payan, font également partie de ce contingent. Pour les écologistes, on peut recenser Marine Tondelier, première secrétaire du parti, l’ex-candidat à la présidentielle et sénateur de Paris, Yannick Jadot, ou encore l’ex-députée européenne, Eva Joly. Tête de liste PS-Place Publique aux dernières élections européennes, Raphaël Glucksmann y a également apposé son nom, tout comme la porte-parole de son parti, Aurore Lalucq et l’ex-ministre de la Santé, Aurélien Rousseau. Parmi les communistes, on peut signaler la présence de Pierre Ouzoulias, sénateur des Hauts-de-Seine. Signalons toutefois que la cheffe de file des insoumis à l’Assemblée, Mathilde Panot, n’a pas fait preuve d’ambiguïté : « Au second tour, je ferai barrage. Je l’ai toujours fait […] Quitte à voter pour la majorité présidentielle », a-t-elle lâché chez nos confrères de TF1, ce vendredi 21 juin.

Ces derniers jours, d’anciens poids lourds de la gauche de gouvernement sont également sortis de leur réserve pour appeler à voter en faveur du NFP, même si celui-ci est un candidat LFI. Chez nos confrères de BFMTV, l’ancien Premier ministre, Lionel Jospin, a estimé ce dimanche, que « le danger vient davantage du RN que de LFI ». Même son de cloche du côté de l’ancien patron du FMI, dont la parole est très rare depuis l’affaire du Sofitel, Dominique Strauss-Kahn, explique qu’ « il faut savoir choisir son meilleur ennemi », appelant à voter pour un candidat insoumis au 2e tour face au RN, « fût-ce en se bouchant le nez, pour éviter le pire », dans une tribune pour Challenges.

Rare voix à droite à s’être prononcé en faveur du Nouveau Front Populaire en cas de duel face au Rassemblement National, l’ex-premier ministre de Jacques Chirac, Dominique de Villepin, lequel a affirmé sur LCI : « Je considère que la priorité doit être donnée à la lutte contre le RN, et que le RN constitue aujourd’hui la véritable menace pour notre pays ».

Ils refusent de choisir entre LFI et le RN

En revanche, si certains ont affirmé clairement leur souhait de faire barrage au parti de Jordan Bardella, quel que soit le candidat en face du RN, d’autres renvoient dos à dos « les deux extrêmes », à savoir LFI et le RN, également dans une tribune publiée dans Le Monde, ce mardi 25 juin. Parmi les signataires, des personnalités historiquement marquées à gauche, parmi lesquelles on note la présence de Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, anciens premiers ministres de François Hollande, tout comme celle de la philosophe (et veuve de Robert Badinter), Élisabeth Badinter, et du cofondateur de SOS Racisme et ex-député PS, Julien Dray. « Il faut refuser l’enfermement politique entre les deux extrêmes en apportant nos suffrages, librement et en conscience, aux candidats les plus à même d’incarner les valeurs dans lesquelles la gauche républicaine s’est toujours reconnue », soulignent les signataires de la pétition.

De manière moins surprenante, les poids lourds de la majorité optent pour la stratégie du « ni-ni » en cas de duel entre un candidat insoumis et le RN. Ce sont en tout cas les révélations faites par nos confrères du Parisien, à l’occasion d’une visioconférence entre le président de la République, les présidents des partis de la majorité et les poids lourds du gouvernement. « Ce qui est ressorti de manière globale, c’est de dire qu’il fallait un refus des extrêmes, RN et LFI », explique un participant à la réunion, qui précise que la majorité va « regarder ce qui peut être fait quand il y a un risque de victoire des extrêmes », semblant amorcer de possibles désistements en présence d’un candidat PS, écologiste ou communiste. Une stratégie dans la droite ligne de celle de Gérald Darmanin, qui avait expliqué il y a quelques jours, qu’il ne voterait « ni pour un candidat du Rassemblement National, ni pour un candidat de La France Insoumise », mais qu’il pourrait en revanche voter pour un candidat « PS » ou « LR » face au RN.

A droite, la stratégie du « ni-ni » est désormais ancrée dans le marbre depuis plusieurs années. « Si nous ne sommes pas au deuxième tour, c’est simple, ce n’est ni Macron, ni le RN, ni LFI. Il a fait un correctif car on lui a fait comprendre que le message était malheureux. Il s’est fait rattraper par la patrouille », expliquait dans nos colonnes, Dominique Estrosi Sassone, membre du bureau politique de LR et présidente de la commission des affaires économiques du Sénat. Une position constante chez le parti de droite, comme l’expliquait le 12 juin dernier, Gérard Larcher, chez nos confrères de TF1 (lire notre article). Pour le président du Sénat, en cas de duel entre LFI et le RN, c’est « ni-ni ».

Ils entretiennent le flou

De manière beaucoup moins claire, certaines personnalités politiques ont en revanche refusé d’adopter une position claire en l’état, invitant les journalistes à leur poser de nouveau la question au soir du 1er tour. C’est le cas de Manon Aubry, qui si elle a expliqué que « nous [le NFP] ferons tout pour battre le RN, nous verrons au cas par cas pour des consignes de vote ». Tout en nuançant : « Je n’exclus pas l’hypothèse de se retirer dans certains cas. Pas une voix ne doit aller au RN. Mais je précise que ce sont les macronistes ont ouvert la voie à l’extrême droite ».

Même flou entretenu du côté de Gabriel Attal chez nos confrères de TF1 ce vendredi, qui s’il renvoie LFI et le RN dos-à-dos, n’appelle pas explicitement à voter pour des candidats NFP. « Voter Nupes (sic), c’est voter pour Jean-Luc Mélenchon et se retrouver avec Jordan Bardella », défend le locataire de Matignon, tout en déclarant cependant que « [ses] valeurs [le] poussent à tout faire pour empêcher qu’arrivent à la tête de notre pays des personnes qui carburent à la division, à la haine et à la fragilisation de notre pacte républicain », sans toutefois apporter plus de précisions.

Certains piliers de la macronie vont cependant encore plus loin, laissant clairement planer le doute sur le vote du second tour. Ce vendredi 21 juin sur BFMTV, la porte-parole du gouvernement, Prisca Thévenot a lancé : « Nous ferons barrage aux représentants de cette nouvelle Nupes qui veulent aller siéger à l’Assemblée nationale, qui seront un danger du coup demain ». Invitée ce lundi dans l’émission de Cyril Hanouna sur Europe 1, la ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, a même semblé parler de barrage à l’encontre du NFP : « Le meilleur rempart, notamment face au Front populaire, ce n’est pas le RN, c’est nous ».

Ils appellent à faire barrage au NFP

A l’inverse, même s’ils sont plus rares, certaines voix à droite se sont élevées pour se prononcer en faveur du RN en cas de deuxième tour face à un candidat du NFP. C’est le cas de François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux dernières élections européennes et invité d’Europe 1, le 13 juin dernier : « Je voterai bien sûr pour un candidat du Rassemblement national, pour faire barrage à un candidat du Front populaire », s’était-il fendu, au micro de Pascal Praud. Ce dernier s’était d’ailleurs fait « rattraper par la patrouille » des cadres du parti, comme nous vous l’expliquions le 14 juin dernier dans nos colonnes. De son côté, le maire de Cannes et président de l’Association des maires de France, David Lisnard a expliqué au Figaro qu’en l’absence de la présence des candidats qu’il présente pour le compte de son micro-parti, Nouvelle Energie « on fera barrage à l’extrême gauche ».

Ancien ministre de l’Economie sous Jacques Chirac, Alain Madelin a appelé ce vendredi 21 juin, chez nos confrères d’Atlantico, en cas de second tour entre le NFP et le RN, à « combattre Mélenchon ou se rabattre sur Bardella », un avis peu ou prou le même que celui de l’ancien ministre de l’Education, Luc Ferry : « Le pire serait une victoire du Nouveau Front populaire », a-t-il expliqué.

Il n’est pas toujours facile de s’y retrouver dans ces différents appels et tribunes. Quoi qu’il en soit, le juge de paix reste l’électeur dans l’isoloir. Dans un contexte de désamour entre les Français et leurs responsables politiques, pas sûr que ces prises de parole disposent d’un quelconque effet envers les électeurs… même si elles participent sans nul doute à une démarche de « clarification ». N’est-ce pas au fond ce que souhaitait le président de la République ?

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