Julian Assange bientôt libre, pourquoi est-il un personnage si controversé ?

Julian Assange bientôt libre, pourquoi est-il un personnage si controversé ? (Photo de Julian Assange, ici au balcon de l'ambassade d'Équateur, en mai 2017.)
Peter Nicholls / Reuters Julian Assange bientôt libre, pourquoi est-il un personnage si controversé ? (Photo de Julian Assange, ici au balcon de l'ambassade d'Équateur, en mai 2017.)

JULIAN ASSANGE - « Terroriste » pour les uns, « icône » pour les autres. Julian Assange, le cyber-militant détenu pendant cinq ans dans une prison de Londres, et dont la saga dure depuis quatorze ans, va être enfin libéré. Le patron de WikiLeaks a conclu lundi 24 juin un accord de plaider coupable avec la justice américaine, lui permettant d’être libre à nouveau.

Julian Assange de Wikileaks « libre » après un accord avec la justice américaine

Âgé aujourd’hui de 52 ans, Julian Assange est désormais poursuivi pour « complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale ». Il devrait plaider coupable de ce seul chef, selon les documents judiciaires rendus publics.

Mais cette unique charge retenue contre lui est loin d’être représentative de ses faits d’armes qui lui ont valu d’être poursuivi, mais aussi admiré dans le monde pour son travail avec WikiLeaks et ses révélations.

Mission : « démasquer les secrets et les abus d’État »

Tout a commencé lorsqu’il a lancé WikiLeaks en 2006 pour « libérer la presse » et « démasquer les secrets et les abus d’État ». Selon un de ses biographes, il devient alors « l’homme le plus dangereux du monde ». Mais c’est en 2010 qu’il s’est fait connaître du grand public avec la publication par WikiLeaks de centaines de milliers de documents sensibles.

Plus de 400 000 documents confidentiels sont divulgués, qui concernent les activités militaires et diplomatiques des États-Unis entre 2004 et 2009, notamment en Irak et Afghanistan. Parmi eux figure notamment une vidéo montrant des civils, dont deux journalistes de l’agence Reuters, tués par les tirs d’un hélicoptère de combat américain en Irak en juillet 2007.

Ces documents, et les informations qu’ils révèlent, sont par ailleurs publiés en collaboration avec des médias du monde entier : Le Monde en France, le New York Times aux États-Unis, ou encore le Guardian au Royaume-Uni, par exemple, ce qui a donné d’autant plus d’écho aux informations de WikiLeaks.

Après quoi, le nom de Julian Assange devient alors synonyme de défense de la liberté d’informer. Mais cela lui vaut également d’être visé par 18 chefs d’accusation et d’encourir en théorie jusqu’à 175 ans de prison en vertu de la loi sur l’espionnage.

Un « combattant de la liberté »

« WikiLeaks a publié des informations inédites sur la corruption des gouvernements et les violations des droits humains, obligeant les puissants à rendre compte de leurs actes. En tant que rédacteur en chef, Julian a payé sévèrement pour ces principes et pour le droit du peuple de savoir », rappelle WikiLeaks dans un communiqué publié ce 24  juin.

Le 19 février 2024, Julian Assange a obtenu le prix éthique Anticor, l’association française anticorruption saluant un « combattant de la liberté » : « Il s’est battu pour nous, pour notre droit de savoir. Il s’est battu contre la raison d’État. Il s’est battu pour mettre en place un système de renseignement au service de la vérité et des citoyens. »

De nombreuses personnalités ont pris parti pour lui, la styliste Vivienne Westwood, le politicien britannique pro-Brexit Nigel Farage, l’ancien footballeur Éric Cantona, la chanteuse Lady Gaga, le groupe de rap marseillais IAM ou encore la comédienne Pamela Anderson qui lui a rendu visite à plusieurs reprises lorsqu’il séjournait à l’ambassade équatorienne de Londres.

Mais si certains l’ont vu comme une icône de l’information libre, d’autres l’ont vite perçu comme une menace. C’est le cas notamment de l’actuel président américain Joe Biden. Dix ans avant son arrivée à la Maison Blanche, celui-ci, alors vice-président de Barack Obama, déclarait que Julian Assange s’apparentait à un « terroriste high-tech ».

Soupçonné de collusion avec la Russie

Dès la diffusion des documents, les autorités américaines le traitent en paria et lancent des poursuites contre lui. Il encourt alors la peine de mort. En 2012, il tente d’échapper à une extradition vers la Suède, où il est accusé de viol – les poursuites ont été abandonnées en 2019-, et se réfugie à l’ambassade d’Équateur, à Londres où l’asile lui est accordé. Une occasion également d’éviter une éventuelle extradition vers les États-Unis.

Son image de « cyber-warrior » aux cheveux blancs s’est par ailleurs parfois brouillée au fil des ans, même aux yeux de ses partisans. Ceci en particulier au moment de la diffusion par sa plateforme, en 2016, pendant la campagne présidentielle américaine, de milliers de courriels piratés provenant du Parti démocrate et de l’équipe d’Hillary Clinton. Ces révélations avaient suscité des éloges appuyés du candidat Donald Trump.

Mais selon la CIA, ces documents ont été obtenus auprès d’agents russes, ce que nie WikiLeaks. Cet épisode a alimenté les soupçons, par ses détracteurs, de collusion avec la Russie d’un Julian Assange dont les révélations se font souvent au détriment des États-Unis et qui a collaboré avec la chaîne de télévision RT, proche du Kremlin.

Mise en danger des sources et méthodes remises en cause

En 2011, les cinq journaux (dont le New York Times, The Guardian et Le Monde) associés à WikiLeaks avaient en outre condamné la méthode de la plateforme, qui rend publics des télégrammes du département d’État américain non expurgés, estimant qu’ils sont susceptibles de « mettre certaines sources en danger ». Ce qui n’a pas empêché les mêmes journaux, en 2022 d’appeler le gouvernement américain à abandonner les poursuites contre Julian Assange car « publier n’est pas un délit ».

En avril 2019, la Première ministre britannique d’alors, Theresa May, rappelait à son sujet que « personne n’est au-dessus des lois ». Son chef de la diplomatie, Jeremy Hunt, estimait que Julian Assange « a fui la vérité pendant des années » et qu’il « n’est pas un héros ».

Ce lundi, l’ancien vice-président américain Mike Pence a qualifié l’accord de « fausse justice » qui « déshonore le service et le sacrifice des hommes et des femmes de nos forces armées ». Dans le même temps, les Nations unies ont salué sa libération. La porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères, Mao Ning, a, lui, estimé que son travail a « permis à la communauté internationale de comprendre davantage de faits et de vérités ».

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