Jeux olympiques: où en est le recrutement des agents de sécurité privée?

À 100 jours du début des Jeux olympiques et paralympiques, Emmanuel Macron a souhaité calmer les inquiétudes des Français au sujet de la sécurisation de la cérémonie d'ouverture de l'évènement. Au micro de BFMTV/RMC, le chef de l'État a notamment rappelé l'ampleur du périmètre de sécurité mis en place plusieurs jours avant la cérémonie ou encore les importants effectifs de forces de l'ordre mobilisés, y compris tout au long de la compétition.

Mais les 30.000 policiers et gendarmes et quelque 20.000 militaires en renfort ne seront pas suffisants. Le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) attend ainsi plusieurs milliers d'agents de sécurité privée pour les sites olympiques et les fans zone à Paris et en province. Le directeur de la sécurité du COJOP Bruno Le Ray table sur 17.000 agents en moyenne quotidienne, avec des pics à 22.000 les jours où de nombreux sites de compétition seront actifs simultanément ou avec une grande amplitude horaire.

Un secteur affecté par le Covid

La sécurité privée compte environ 180.000 agents en France, selon le Groupement des entreprises de sécurité (GES), leur syndicat patronal. De son côté, la Fédération française de la sécurité privée (FFSP) a identifié un besoin de 20.000 agents pour compléter ces effectifs actuels. Chaque année, des milliers d'agents sont formés mais se révèlent être insuffisants pour couvrir les besoins d'un secteur qui a beaucoup souffert du Covid-19, de nombreux agents ayant quitté le métier, obligeant les sociétés à renouveler leur base d'effectifs au sortir de la crise sanitaire.

À ces difficultés s'ajoutent le manque d'attractivité d'un travail payé au Smic et une nouvelle contrainte. La loi "sécurité globale" de mai 2021 a en effet introduit une condition supplémentaire à la délivrance d'une carte professionnelle aux demandeurs étrangers: être titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour. Résultat, recruter plus de 17.000 agents supplémentaires (a minima) pour les JO est un défi de taille dans un secteur en tension, peu attractif financièrement et souffrant d'une mauvaise image.

Près de 9.000 postes encore à pourvoir

Le 27 mars dernier, le président de Paris 2024 Tony Estanguet a cependant assuré lors de son audition par la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale que "97% des besoins" en sécurité privée étaient "sécurisés" pour les Jeux olympiques et paralympiques. En réalité, ce chiffre ne garantit pas pour autant une couverture optimale de l'évènement en matière de sécurité et le COJOP recensait encore 9.000 postes à pourvoir à la mi-mars.

Durant son audition devant les députés, le délégué interministériel aux Jeux olympiques Michel Cadot a notamment fait savoir qu'il y "a un mois et demi le président de la République a demandé qu'on prenne une précaution supplémentaire pour faire face aux 'no show' (absence le jour J)" des agents de sécurité privée. Il a aussi fait état de "20 à 30%" de personnes supplémentaires dans le cadre de la "clause de solidarité" soumise à chacune des entreprises attributaires de missions de sécurité.

Lors de l'édition de Londres en 2012, en raison de la défaillance de la sécurité privée, l'armée avait dû intervenir en catastrophe au dernier moment. À ce stade, toujours selon Michel Cadot, "18.000 personnes" ont été formées" et "le sujet c'était de les fidéliser", c'est-a-dire qu'ils soient bien présents à l'été 2024.

Une formation spéciale raccourcie pour les grands évènements

L'État, avec France Travail (anciennement Pôle emploi) ont mobilisé beaucoup de moyens financiers et humains pour inciter des demandeurs d'emplois à se former pour devenir vigile. Des étudiants ainsi que des retraités en cumul emploi retraite sont aussi sollicités.

Une formation spéciale, plus courte (106 heures contre 175 pour un agent de sécurité classique), dédiée à la surveillance des Grands événements (SGE) de plus de 300 personnes, a été réactivée pour des étudiants en charge de missions statiques (palpation, filtrage). Selon le GES, ces étudiants ne représenteraient que 3 à 4.000 des 17.000 agents mobilisés chaque jour.

Les nouveaux diplômés (agents classiques et étudiants) sont courtisés lors de forums par les sociétés ayant décroché des missions de sécurité pour les JO - essentiellement des PME en quête permanente d'effectifs. La formation spéciale grands événements a "vraiment décollé à partir de juillet avec 1.488 personnes" ayant obtenu en janvier leur diplôme, dont 40% de femmes et une moyenne d'âge de 21 ans, détaille Cédric Paulin, secrétaire général du GES, qui assurait en février que le secteur "est en train de réussir à former 25 à 30% de plus qu'en 2023", agents classiques et étudiants compris.

La Région Île-de-France offre une prime de 2.000 euros

En termes de mesure incitative, la région Île-de-France attribue une prime de 2.000 euros pour les personnes suivant la formation d'agent classique et 800 euros pour celles qui choisissent la formation "light" à destination des étudiants (20% versés à l'entrée en formation, 80% à la signature d'un contrat). Mais le secteur redoute un "effet d'aubaine" avec les formations valorisées par une prime.

"N'est-on pas en train de donner de l'argent à des personnes dont on sait pertinemment qu'elles ne viendront pas du tout ?", s'interroge Cédric Paulin à ce sujet.

Bruno Le Ray assure que les entreprises ont commencé à accrocher individuellement les agents avec lesquels elles vont travailler. Selon lui, "3.500 agents différents ayant manifesté leur volonté de travailler pendant les Jeux" ont été identifiés nominativement à l'issue des deux des trois premières vagues d'attribution des missions, la quatrième étant spécialement consacrée à la sécurisation de la cérémonie d'ouverture. Selon la préfecture d'Île-de-France, 15.000 personnes doivent avoir été embauchées spécifiquement dans l'optique des JO au mois de juin.

Inciter les agents publics au cumul d'activités

Dernière illustration en date des tensions sur le recrutement d'agents de sécurité privée, un projet de décret gouvernemental autorise les agents publics à cumuler leur emploi avec ce type d'activités pendant les Jeux olympiques et paralympiques. Ce cumul d'activités, sur la base du volontariat, "impliquera une autorisation préalable et individuelle de l'employeur public" concerné comme l'indique le texte. Le dispositif ne durera en outre que deux mois (du 15 juillet au 15 septembre) et seuls les agents déjà détenteurs d'une carte professionnelle d'agent privé de sécurité y seront éligibles.

De source syndicale, on estime que le décret aura un impact "a priori limité, car cette possibilité est strictement encadrée". Pour Stanislas Gaudon, président de la Fédération des services publics CFE-CGC, "ce décret peut être alléchant pour mettre du beurre dans les épinards".

Mais il pointe deux "écueils": les Jeux auront lieu pendant la période des congés d'été, ce qui peut dissuader les fonctionnaires de les sacrifier pour exercer des missions de sécurité privée, et le projet de décret "sous-entend que les agents publics auraient encore la possibilité de donner du temps et de leur santé" à des activités privées, alors que la fonction publique n'est elle-même "pas super en forme".

Article original publié sur RMC Sport