Coupe du monde de rugby: jeu, ambiance, arbitrage... Ce qui a bien et moins bien fonctionné durant ce tournoi
Après sept semaines d'émotions, le clap de fin de la Coupe du monde de rugby a été entendu samedi soir, à l'issue de la finale remportée par les Springboks face aux All Blacks (12-11) au stade de France. Place désormais à l'analyse de ce qui a fonctionné - et moins bien fonctionné - durant cette édition 2023. Et contrairement à ce que l'on pouvait penser, c'est plutôt sur le rectangle vert que la déception a été - pour certains du moins - la plus présente.
Une organisation réussie
Pour la deuxième fois depuis 2007, la France avait en charge l'organisation de la compétition. Et ce dimanche, quelques heures après la fin des hostilités, force est de constater que, dans l'ensemble, les choses se sont bien passées. Hormis quelques couacs en début de tournoi - avec de longues files d'attente à Bordeaux ou Marseille pour les supporters aux abords des stades ou... parfois un manque de bière - tout s'est globalement bien déroulé. Axe majeur d'une telle organisation, la sécurité a également été au rendez-vous. La polémique relative à l’interprétation des hymnes nationaux par des chorales d’enfant a, quant à elle, été vite oubliée.
La France éliminée en quarts et l'ambiance en berne
Tout un peuple rêvait de voir Antoine Dupont et ses coéquipiers aller au bout du rêve, soulever pour la première fois de leur histoire la Coupe Web Ellis, chez eux, le 28 octobre. Les espoirs se sont écrasés en quarts de finale contre les tenants du titre (et futurs vainqueurs) sud-africains, le 15 octobre. Une défaite 29-28 difficile à digérer (voir ci-dessous) et qui a changé toute la fin de la compétition au niveau de l'ambiance.
L'élan de soutien envers les Bleus depuis le début du Mondial ne s'est pas vraiment dispersé sur les équipes encore en lice, et l'atmosphère dans les stades - qui sont restés bien garnis - et en dehors en a logiquement fait les frais. L'élimination des autres nations européennes (hors Angleterre) y a également grandement participé, surtout lorsqu'on repense au titre des Cranberries, "Zombie", entonné comme un seul homme par des milliers de supporters irlandais, y compris en pleine rue... Un moment de communion génial et trop éphémère, hélas.
"Ce Mondial est une réussite, avec une ferveur incroyable, des stades pleins, un public derrière son équipe", observe l'ancien sélectionneur des Bleus Philippe Saint-André. "Elle a perdu hélas d’intensité quand la France a perdu contre l’Afrique du Sud. Mais sinon c'était un Mondial réussi, pas de violence dans les stades, de la communion..."
Avant d'émettre un bémol : "Attention, surtout pour le rugby - un sport de valeur - au respect de ton éducateur, des règles, de l'adversaire et aussi de l'arbitre. Sur ces derniers matchs il y a eu trop de sifflets dans le stade. Ben Young, 127 sélections, prenait sa retraite, et quand il sort 50% du stade siffle. Ce ne sont pas les valeurs du rugby. On est un sport dur, mais avec beaucoup de respect. Il faut essayer d’éduquer notre nouvelle clientèle, beaucoup de nouvelles personnes qui ne connaissent pas nos mœurs."
Un niveau de jeu pas vraiment au rendez-vous en phase finale
C'est peut-être le point noir de cette édition 2023. Les quatre dernières affiches de cette Coupe du monde - demi-finales, match pour la 3e place et finale - ne laisseront pas un grand souvenir dans les mémoires des suiveurs du rugby. En cause : un niveau de jeu en-deça des attentes. La demie entre l'Argentine et la Nouvelle-Zélande, à sens unique, mais surtout les matchs très fermés - malgré le suspense - entre l'Angleterre et l'Afrique du Sud, puis entre les Blacks et les Springboks, ont illustré le peu de spectacle de ces derniers jours de compétition.
S'il faudra un peu de temps pour prendre toute la mesure de cette prudence exprimée sur le terrain, on peut évoquer "un triomphe de la dépossession" sur cette Coupe du monde. À savoir que les nations les plus joueuses (France, Irlande, Nouvelle-Zélande) n'ont pas été récompensées et, pour la plupart, sont tombées face à la rigueur et au combat physique imposés par l'Afrique du Sud. Si ces derniers matchs ont été décevants, on peut toutefois relativiser : avec neuf essais inscrits lors des trois dernières rencontres (demies et finale), l'édition 2023 fait mieux qu'en 2019 (six essais) et à peine moins bien qu'en 2015 (11 essais).
L'arbitrage en question
Les supporters tricolores ne sont pas prêts d'oublier le nom de celui qui a, pendant plusieurs heures (jours ?), été la cible de leur colère. Ben O'Keeffe, l'arbitre en charge du quart entre la France et l'Afrique du Sud, illustre bien la place centrale qu'a pris l'arbitrage durant cette phase finale. Les Anglais aussi, en demies, ont exprimé une certaine frustration envers l'officiel néo-zélandais. Et probablement que ce dimanche, les fans des All Blacks ont du mal à comprendre certaines décisions de Wayne Barnes qui, sur des situations de jeu similaires, a pris des décisions différentes pour les deux équipes.
La critique de l'arbitrage, pourtant assez rare dans le rugby, a semblé se généraliser au fur et à mesure de la compétition, comme expliqué précédemment par "PSA". Peut-être le point de départ d'un changement majeur pour ce sport.
"Les règles sont complexes, l’arbitre peut se tromper", complète Saint-André. "Il y a eu en France beaucoup de frustration, on avait une génération exceptionnelle, qui est encore très jeune. Mais on sera encore meilleurs dans quatre ans."
Des petites nations toujours à la traîne
La France qui colle presque 100 points à la Namibie (96-0), la Roumanie qui encaisse 242 points en trois matchs, le Chili qui ne résiste pas aux Anglais (71-0)... L’édition 2023 de la Coupe du monde de rugby a de nouveau été le théâtre de scores fleuves infligés par le gratin du ballon ovale aux "petites" nations. Si participer au Mondial peut être gratifiant pour les nations des Tiers 2 et 3, cela ressemble davantage à un calvaire, puisqu’aucune progression significative n’a pu être enregistrée au fil des éditions.
Forcément, l’élargissement de la Coupe du monde à 24 nations dès la prochaine édition, en Australie en 2027, pose question. Le débat sur la place des de ces nations dans la compétition va rejaillir. Si quelques prestations sont à souligner (l'Uruguay face aux Bleus ou à l'Italie, les Fidji qui ont poussé l'Australie vers la sortie, le Portugal contre le pays de Galles), un fossé important demeure. Tâche, peut-être, à la Coupe des nations - qui verra le jour en 2026 - de tenter d'y remédier.
L'Afrique du Sud, un champion "moche" ?
À eux seuls ou presque, les Springboks ont catalysé l'ensemble des critiques sur cette Coupe du monde. Manque d'ambition dans le jeu, faveurs de l'arbitrage... Les hommes de Jacques Nienaber et Johan Erasmus, dans la légende après leur quatrième sacre, sont accusés d'avoir participé à cette baisse d'engouement en fin de compétition. Les trois victoires d'un point en quarts de finale, en demie et lors de la finale ont renforcé les critiques des observateurs, arguant d'une absence de "beau rugby" en raison de joueurs apparentés à des "guerriers avec un ballon". Des termes qui n'ont pas toujours viré dans le péjoratif par le passé, semble-t-il...
"L'Afrique du Sud est bien la meilleure équipe du monde", défend l'ancien sélectionneur tricolore Philippe Saint-André. "Ils ont l'expérience de cette compétition longue, ils sont les plus athlétiques, ne donnent aucun point, ils sont disciplinés et ont un engagement total, ont le meilleur jeu au pied... Sans compter les choix forts qu'ils ont su faire avec cinq avants contre la France et sept face aux Blacks. Ils ont également retrouvé un buteur important, Handré Pollard, qui fait 100% sur une finale. Bravo à eux, c'est un titre mérité."