"J'ai toujours eu envie de faire un autre Astérix": Alain Chabat raconte les coulisses de sa série animée

"Netflix, c'est un nom gaulois." C'est avec ce jeu de mot, aussi simple qu'efficace, qu'Alain Chabat, a présenté mardi 11 juin, au Festival d'animation d'Annecy, les premières images de sa nouvelle réalisation: une adaptation sous forme de série animée du Combat des chefs, une aventure d'Astérix et Obélix de René Goscinny et Albert Uderzo parue en 1966.

Rencontré après cette avant-première mondiale (la série sera diffusée au premier semestre 2025 sur Netflix), Alain Chabat appréhendait l'exercice.

"On était nerveux de présenter des choses", confie-t-il à BFMTV. "On n'avait rien montré à personne. La série n'est pas du tout terminée. On a encore huit mois de boulot. Mais au bout de cinq secondes, on a vu ce public bienveillant et connaisseur, ça nous a aidés."

S'il a toujours parsemé ses créations de brèves séquences d'animation, de Mission Cléopâtre au Burger Quiz, Alain Chabat se lance cette fois-ci dans le grand bain. A 65 ans, il signe sa première série animée.

Devant un public composé de figures du milieu, comme la dessinatrice Marion Montaigne (Dans la combi de Thomas Pesquet), Alain Chabat très en verve a présenté ce projet sur lequel il travaille depuis près de quatre ans. Au cours d'une masterclass aux allures de show comique, en mêlant comme à son habitude autodérision et facéties burlesques, il a souvent laissé la parole à ses collaborateurs, tous des pointures.

"L'histoire a pris de l'ampleur"

Si Alain Chabat a déjà écrit un scénario pour le dessinateur Liberatore et adapté Astérix et le Marsupilami en live action, Le Combat des chefs lui permet de renouer avec son amour du dessin: "Je ne suis pas assez doué pour faire de la BD. Grâce à l'animation, je fais mon petit rêve", se réjouit le réalisateur qui multiplie dans la série les onomatopées pour rappeler les origines graphiques d'Astérix.

Depuis Mission Cléopâtre, Alain Chabat rêvait de replonger dans la potion magique. Il était resté proche des éditions Albert René, qui publient les BD de Goscinny et Uderzo. "On n'a jamais rompu le dialogue. J'ai toujours eu envie de faire un autre Astérix." Pour éviter tout effet de redite (Alain Chabat n'a jamais donné de suite à ses nombreux succès), il a souhaité proposer quelque chose de différent:

"On était parti sur un projet de film d'animation mais l'histoire a pris de l'ampleur et on s'est étalé. On se demandait où couper. Netflix nous a aussi dit qu'un film, c'était très bien, mais qu'autre chose - un film en deux parties, une série, etc. -, c'était très bien aussi. Il n'y a pas de limites. On s'est dit qu'une mini-série en cinq épisodes, ça pouvait être quelque chose d'intéressant."

"Un élément de danger"

Alain Chabat a écrit avec Benoît Oullion, scénariste du Burger Quiz et du Late Show, et Piano, proche collaborateur et animateur qui a notamment signé pour lui les séquences animées de Mission Cléopâtre et du Marsupilami.

À l'opposé de Mission Cléopâtre, un album voyage, où Astérix quitte la Gaule, Le Combat des chefs se déroule presque exclusivement au sein du village des Gaulois. Ce tome présente aussi l'avantage d'avoir dans son intrigue "un élément de danger": après avoir reçu un coup de menhir, Panoramix devient fou. Les Gaulois, désormais privés de potion, sont à la merci des Romains qui chargent un chef gallo-romain, un Gaulois collaborant avec l'occupant latin, d'affronter Abraracourcix dans un combat.

"Le Combat des chefs m'a toujours plu", confie Alain Chabat. "Comme ils sont irréductibles et invincibles, c’est compliqué de trouver une histoire dans laquelle ils sont faibles. On veut être inquiet pour les Gaulois, se demander comment ils vont s'en sortir."

Les "Avengers de l'animation"

Son objectif: retranscrire en animation 3D le style d'Albert Uderzo, capable de mêler, dans la même case, personnages hyperréalistes et personnages cartoonesques. "Depuis que j'ai mis le nez dans l'animation, je suis davantage entré dans le style d'Uderzo. C'est un dessinateur de génie." Alain Chabat s'est inspiré de l’esthétique de la BD entre 1968 et 1972, d'Astérix aux Jeux Olympiques aux Lauriers de César.

Pour cette entreprise, Alain Chabat s'est entoué des "Avengers de l'animation", comme le studio toulousain TAT, dont le premier court métrage avait servi d'avant-programme à Mission Cléopâtre. Chabat a aussi fait appel à de nombreux talents français qui ont fait leurs armes aux Etats-Unis chez Dreamworks et Illumination - en particulier Kristof Serrand.

Actuel superviseur de l'animation chez Netflix, cette mémoire vivante du cinéma d'animation a commencé sur les dessins animés Astérix des années 1980. Pour les besoins du Combat des chef, il a replongé dans ses souvenirs pour trouver la manière idéale d'animer les irréductibles Gaulois. ll a aussi retrouvé les indications de mouvement laissées par Uderzo pour La Surprise de César.

"J'aime les contraintes”

Sur ses films en prises de vue réelles, Alain Chabat a sans cesse de nouvelles idées et expérimente chaque jour. Un processus créatif impossible à appliquer dans le cadre d'une production d'animation où chaque décision est mûrement réfléchie des mois à l'avance. Si le réalisateur a souvent dû ronger son frein, il a parfois pu rallier ses interlocuteurs à sa vision.

"Ils se sont adaptés à mon bordel", sourit Alain Chabat, qui co-réalise la série avec Fabrice Joubert, un ancien d'Illumination et Dreamworks: "J'ai tendance à changer quand je trouve une idée et souvent on me répondait que c'était impossible parce que ça remettait en cause toute la machine et c'était compliqué de tout changer pour un petit truc."

"Mais à chaque fois ils trouvaient des solutions pour que ça reste organique dans ce cadre industriel", salue encore Alain Chabat. "J'ai fait aussi des pas vers eux mais je sais qu'ils ont fait beaucoup plus de pas vers moi. C'est marrant pour tout le monde d'essayer de trouver des solutions quand on n'en a pas. J'aime les contraintes."

Le retour de Gilles Lellouche

Pour les voix, Alain Chabat a réuni un casting de stars. Après L'Empire du milieu, Gilles Lellouche rempile dans le rôle d'Obélix. Chabat, qui avait incarné un mémorable César dans Mission Cléopâtre, incarne cette fois-ci Astérix. Un pur hasard: "J'ai fait la voix d'Astérix en attendant (de trouver un autre comédien). Puis avec Gilles, j'ai trouvé du plaisir à faire cette voix. On a trouvé quelque chose qui fonctionne."

Les voix de Laurent Lafitte (César), Grégoire Ludig (Abraracourcix), Thierry Lhermitte (Panoramix) et Grégory Gadebois (Aplusbégalix) complètent l'affiche. Une décennie après Sur la piste du Marsupilami, Alain Chabat retrouve Géraldine Nakache et lui confie le rôle de Bonemine. Alexandre Astier, qui a déjà coréalisé deux adaptations animées d'Astérix, fait une apparition en Ordralphabétix.

La trouvaille la plus inattendue concerne l'acteur choisi pour Maman César, la mère acariâtre de l'empereur, un personnage inédit: Jérôme Commandeur. "C'est César en meuf", s'amuse Alain Chabat. "On va découvrir que s'il veut conquérir la Gaule, c'est pour impressionner sa mère." Jeanne Balibar prête aussi sa voix à Apothica, une guérisseuse goth imaginée pour la série.

Nouveaux personnages

Anaïs Demoustier joue un autre personnage inédit, Metadata, une jeune fille qui va avoir un rôle important dans l'histoire. Elle donne la réplique à Fred Testot, David Marsais et Jean-Pascal Zadi, qui incarnent des membres de l'armée romaine. Alain Chabat promet encore bien d'autres surprises.

"Les nouveaux personnages sont venus naturellement", poursuit-il. "Des personnages ont été transformés mais en gardant leur dynamique. On n’a pas voulu à tout prix créer de nouveaux personnages. L'histoire a guidé la création de ces nouveaux personnages qui sont très cools et très marrants."

On retrouve dans leur nom tout l'art du jeu de mot façon Goscinny: un centurion s'appelle ainsi Fastenfurious (comme la célèbre franchise) et d'autres Potus (un clin d'œil au président américain), Anna Barbera (un hommage à Hanna Barbera, producteurs de Tom & Jerry) ou encore Touiepix (une référence à Twin Peaks). Pour ses 65 ans, Astérix ne pouvait pas rêver de meilleur cadeau.

Article original publié sur BFMTV.com