"J’y pense souvent quand même", avoue Julien Marchand sur sa blessure lors de la Coupe du monde de rugby

Si on englobe toute l’année, de la préparation à la Coupe du monde, la compétition en elle-même, le retour en Top 14, la Champions Cup, le Tournoi des VI Nations, puis de nouveau championnat et maintenant les phases finales de Champions Cup, on se dit qu’il faut être très fort pour traverser une saison comme celle-ci…

On connaissait les règles. On savait très bien où on allait. En commençant déjà la prépa d'été de la Coupe du monde, on savait que ça allait être intense, dur. Une Coupe du monde en France, on était tous ravis. On avait tous à cœur de donner le maximum, de travailler fort et dur. Bon, il s'est passé ce qu’il s'est passé… ensuite, tout le monde est revenu en club. Donc pour notre part, ici, on a retravaillé aussi dur et aussi fort. La Coupe d'Europe se passe pour nous très bien, en Top 14, il faut qu'on arrive parfois à gommer quelques petits trucs, mais c'est quand même relativement positif. Le bilan, il est bon. Et c'est vrai que jusqu'à la fin de la saison, ça va être très dur, très intense. Pour l'instant, on a l'habitude de connaître ce genre de de moment. On est arrivé en demi-finale de Coupe d'Europe encore l'an dernier et en finale de de Top 14. On sait que ça se joue aussi sur plein, plein de détails. Donc ouais, ça va être dur et ça va être encore un gros sprint. Il y a beaucoup d'équipes qui vont vouloir faire ça aussi.

On n’a pas le droit de se plaindre? De trouver ce rythme fou? Ça ne se fait pas en rugby?

On a envie de jouer les matchs. Surtout là, ce ne sont que des gros matchs qui arrivent. Donc bien sûr qu'on a envie d'être sur le terrain. Après, le staff fait la part des choses pour justement conserver le plus de fraîcheur possible jusqu'à la fin. Ce n’est pas facile mais c'est un travail entre les joueurs et le staff jusqu'au bout. Si, des fois, c'est dur, mais on est quand même heureux de faire ce qu'on fait.

Vous n’avez jamais évoqué votre blessure lors du match d’ouverture de la Coupe du monde face à la Nouvelle-Zélande, qui vous a privé du reste de la compétition. Est-ce qu’on peut parler de double blessure personnellement avec l’élimination en quart de finale?

Je n’ai pas eu trop envie de m'exprimer non plus sur ça. C'est quelque chose qui s'est passé au début de l'aventure de la Coupe du monde. Après j'ai surtout essayé de faire un peu comme d'habitude. Ne rien lâcher et "s'y filer" jusqu'au bout pour essayer de réintégrer le groupe. Je m'en fichais de retrouver une place sur la feuille de match. En fait j'avais juste envie et à cœur de pouvoir être 24e, de pouvoir travailler la semaine avec les mecs et les faire travailler. En fait, j'avais juste envie de retrouver le chemin de l'entraînement et d'être avec l'équipe. Pour faire partie un peu du truc, tu vois. Même si tu ne joues pas le weekend, je n’avais qu'une envie, c'était ça. Après, malheureusement, l’ischio avait un petit peu "retiré". Donc voilà, c'est quelque chose bien sûr qui est frustrant. Et le fait surtout après d'être revenu en club, ça m'a fait du bien. On en a profité surtout pour nettoyer le genou qui en fait "tirait" aussi. Donc j'aurais pu reprendre après en club, mais on a préféré faire vraiment le vrai break. Faire l'opération du genou pour bien le nettoyer et aujourd'hui, je suis vraiment content parce que je n’ai plus trop de douleurs dans ce genou-là, alors que c'était une tare. Ça faisait quelques années qu'il commençait vraiment à m'embêter. Donc voilà on a repris les bases et c'était ça qui était important aussi. Et puis après, de revenir en club, tout ça fait vraiment, vraiment du bien. On a retrouvé après les matchs petit à petit et c'est vraiment chouette

Comment se reconstruit-on mentalement après avoir vécu ça?

Ce n’est pas non plus un truc gravissime. Il y a des choses bien plus graves dans la vie. C'est vrai que quand tu y repenses, pour le quart de finale, quand t'es dans les tribunes… j'étais triste pour moi, parce qu’on est obligé d'être triste. Mais j'étais surtout dégoûté pour les mecs qui étaient sur le terrain. Et franchement, j'aurais aimé qu'on aille au bout. Et encore une fois, même sans jouer. Juste pouvoir faire les entraînements, pouvoir aider, amener un peu sa pierre à l'édifice. Après, niveau mental, il y a la famille qui est bien sûr très importante. Puis j'ai "switché" directement sur l'opération du genou, dès que je suis rentré quasiment. On a dit "on opère le genou" et je suis reparti sur un truc de rééducation tout en continuant sur mon ischio. Ça permet aussi de bien bosser. On avait fait une grosse prépa avant la Coupe du monde, on était en forme. Puis malgré tout, j'ai continué à faire du physique aussi même si j’étais blessé. Donc j'étais quand même en forme. Mais bon, il a fallu recommencer un peu à zéro. Après, la famille, c'est toujours important. Et puis revenir au club, revoir les potes, faire des trucs ensemble, ça fait du bien.

Aujourd’hui, avez-vous laissé ça derrière vous?

Ouais… de toute manière, c'est passé, tu ne peux pas revenir en arrière (il marque une pause). Si, j'y pense, j'y pense souvent quand même.

Que vous dites-vous?

Bah… il n’y a pas grand-chose que je pouvais éviter. C'est juste... l'action, ce n’est pas comme si c'était une blessure que je me fais tout seul (sa blessure intervient sur un déblayage lors d’un ruck de la part d’un Néo-Zélandais, ndlr). Il y a un facteur X dedans. Voilà, ça fait partie du jeu et du sport. C'est comme ça.

"Il y en a plein qui auraient aimé gagner des Boucliers"

Vous avez eu des écueils de la sorte dans votre carrière. La blessure au genou en 2019 qui vous prive de la finale de Top 14 puis de la Coupe du monde au Japon, la suspension en finale de Champions Cup en 2021. C’est un parcours qui forge ?

J'aurais aimé que ça n'arrive pas ! Je m’en fous de me forger ou quoi (sourire)… J'aurais préféré que ça reste comme ça. Mais non. Après, en 2019, c'était bien avant la Coupe du monde. Bien sûr que j'y avais pensé, que ça m'avait embêté. En 2021, c'est une erreur de ma part, donc qu'est-ce que tu veux que je te dise ? C'est comme ça, c'est une faute bête qui n’est pas volontaire mais qui est sanctionnable. Donc c'était normal d'être suspendu même si la sentence était dure quand même (4 semaines de suspension, ndlr). Mais après c'est comme ça, on ne va pas revenir sur ça. Il y a aussi la dernière Coupe du monde. Mais j'ai quand même aussi beaucoup de chance de faire des finales, d'être dans ce club. Il faut savoir prendre les choses positives qui arrivent parce que tous les joueurs ne sont pas allés non plus en finale. Il y en a plein qui auraient aimé gagner des Boucliers. J'ai eu la chance aussi d'en gagner, donc il faut savoir minimiser aussi les choses et prendre le positif. Bien sûr que tout ça reste frustrant et embêtant. Mais c'est comme ça.

Etes-vous prêt à repartir pour un cycle de quatre ans en bleu, jusqu’à la Coupe du monde en Australie?

Pour l'instant je suis prêt à continuer la saison qui arrive et je n'aime pas parler du futur. Je trouve ça très loin aussi d'un côté. Donc tout simplement repartir là sur la saison qui arrive et bien la finir. Et tout donner aussi pour le club. Et après on verra. Les choses viendront au fur et à mesure. C'est très difficile de se projeter. Puis il faut continuer d'être performant. Enfin voilà, il y a plein de de paramètres qui vont rentrer en compte aussi. Après, tu vieillis… le but, bien sûr, c'est de ne rien lâcher, d’essayer d'être le plus performant possible jusqu'au bout.

Vous êtes trois fois champion de France, une fois champion d’Europe. Qu’est-ce qui vous motive quand vous rentrez sur le terrain?

Tout ce qui est passé est passé. Donc essayer de continuer, de refaire des bons matchs et regagner. C'est ce qui nous motive tous. C'est d'arriver au bout, de vivre des moments. Il y a quelques jours, on a joué à Bordeaux, contre une très belle équipe. Et bien d'être dans un beau stade comme ça, avec du monde, il y avait une ambiance qui était qui était assez particulière et ça faisait penser un peu aux phases finales. Ce sont ces moments-là qui sont chouettes. Quand il y a du monde, il y a la pression qui arrive, tout ça, c'est vraiment des moments qui sont chouettes à vivre en tant que joueur.

"Talonneur ? C’est un très beau poste! Et non ce n’est pas ingrat du tout."

Est-ce qu’on peut dire que votre poste, talonneur, est dur, voire parfois ingrat?

Non, c'est un beau poste. C'est un super poste et non ce n’est pas ingrat du tout. C'est un très beau poste! Il faut faire les fondamentaux correctement et puis après on a la possibilité de prendre du plaisir aussi, comme tous les joueurs sur le terrain en touchant du ballon... Donc non c'est pas du tout un poste ingrat, au contraire c'est un beau poste.

Qu’aimez-vous dans celui-ci?

Déjà les fondamentaux. Même si des fois c'est dur, on n'est pas toujours bon. Mais la touche j'aime bien. J'aime bien la mêlée aussi. Et comme je te dis des fois la touche, ça ne se passe bien très bien, mais c'est comme ça. Et puis après le fait d'être dans le jeu, d'être en attaque et en défense, on a quand même un rôle important. Donc voilà, tous ces trucs qui font qu’on est intéressant pour l'équipe aussi, c'est important.

Vous vous lancez dans la phase finale de Champions Cup. L’équipe a été pour le moins impressionnante en phase de poule…

Oui bien sûr, l'équipe a fait un super boulot. On a fait de très bons matchs qui étaient abouti, qui étaient assez sérieux. Et ça, bravo. Mais après, il faut surtout penser à ce qui va arriver par la suite. Et continuer à être aussi performant que ça. Rentrer sur le terrain et faire des matchs qui durent 80 minutes sans les relâcher, du début à la fin. Parce que, contre Bath à domicile, notre dernier match c'était dur. C'était vraiment un match costaud, je m'en souviens très bien. Et jusqu'à la 60e ou un truc comme ça c'était un peu indécis. Mais on a su tenir le bras de fer et ne pas lâcher. Donc c'est des matchs comme ça qui vont arriver. Très intenses et très physiques. A nous aussi de de bien les prendre. Mais on va se préparer pour et j'espère que ce sera que se passera bien.

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Il ne faut pas écouter les louanges? Malgré la maturité dont semble disposer l’équipe?

Oui mais pour moi, le rugby, c'est toujours pareil ! Donc il ne faut pas trop s'emballer et faire les choses correctement au début des matchs et puis après oui, on peut s'emballer sur le terrain et dans le jeu. Mais il faut rester quand même costaud mentalement au début. Et puis après, on se fait plaisir.

Êtes-vous d’accord avec le fait que vous dégagez un mélange de puissance et de vitesse?

Quand on se trouve sur le terrain, qu'on arrive à jouer de partout. Enfin, c’est surtout nos trois quarts qui jouent de partout. Donc bien sûr on est heureux d'être à leur soutien quand ils percent et bien sûr que c'est un jeu qui nous qui nous plaît et qui nous anime. On a plusieurs formes de jeux et de structures. Donc quand il faut rentrer, dans un jeu plus perforant au milieu du terrain, nous les "gros", on adore ça. Et puis après, on laisse nos trois quarts jouer les extérieurs, les largeurs. Et puis même, ils repiquent parfois à l'intérieur. Ils jouent de partout, donc c'est ça qui est cool (sourire).

"Le Racing ? ça sera eux ou nous"

Dimanche vous affrontez le Racing 92 en huitième de finale de Champions Cup. Affronter un club français, ça change quelque chose?

Non, non, ça reste pareil. On sait très bien le match que c'est et ça sera eux ou nous. Donc voilà on a la chance de pouvoir recevoir ce match parce qu'on s'est donné les moyens pendant les phases de poules, donc que ce soit une équipe française ou étrangère c'est pareil. On se connaît bien sûr. Après je ne pense pas que ça change grand-chose. On va juste démarrer le match comme d'habitude et essayer de s'envoyer à fond. C'est tout

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Le président Didier Lacroix disait au début de la saison faire de cette Champions Cup un objectif...

(il coupe) Non. Il vous l'a dit à vous, sûrement, mais pas à nous.

Il l’a pourtant affirmé...

Mais après, on s'est donné la possibilité de recevoir jusqu'en demi-finale. Si jamais on y arrive donc. C'est bien sûr l'objectif, d'essayer d'arriver à recevoir tous les matchs. Mais encore faut-il d'abord faire un bon match contre le Racing et surtout gagner. Donc voilà, avant de penser à la suite, on va essayer de penser match après match, parce que c'est plus important.

Avez-vous toujours en bouche le mauvais goût des deux dernières éliminations en demi-finale au Leinster?

C'est une équipe où on va chez eux, qui est dure à manœuvrer, donc on ramasse. Je pense qu’on va essayer de se préparer encore chaque fois. Mais bon, on n'y pense pas pour l'instant. On pense d'abord au premier match qui arrive, le Racing.

Article original publié sur RMC Sport