IVG : Donald Trump peine à se positionner et Joe Biden se régale de ses tergiversations

Donald Trump a refusé de promettre une interdiction de l’IVG au niveau fédéral, décevant bon nombre d’électeurs conservateurs, le 8 avril 2024.
Truth Social Donald Trump Donald Trump a refusé de promettre une interdiction de l’IVG au niveau fédéral, décevant bon nombre d’électeurs conservateurs, le 8 avril 2024.

ÉTATS-UNIS - Il était un petit homme, pirouette, girouette. Cette comptine pour enfant (aux paroles réadaptées) décrit bien Donald Trump, candidat à l’élection présidentielle américaine 2024, et sa position sur l’avortement. Car des mois après avoir envisagé de légiférer au niveau fédéral sur l’avortement, il a annoncé dans une vidéo parue sur son réseau Truth Social ce lundi 8 avril qu’il laisserait finalement les États se prononcer sur la question.

Pour comprendre l’importance de cette déclaration, il convient de retourner quelques années en arrière. Alors président entre 2016 et 2020, Donald Trump a nommé plusieurs juges conservateurs à la Cour suprême américaine, plus haute juridiction judiciaire du pays. Sur ses neuf membres, six sont désormais à droite de l’échiquier politique.

Cet équilibre a permis à la Cour de renverser en juin 2022 un arrêt de 1973 appelé Roe v. Wade, qui garantissait le droit à l’avortement au niveau fédéral. Désormais, les États peuvent légiférer comme ils le souhaitent sur la question. D’ailleurs, une vingtaine ont interdit ou sévèrement restreint l’accès à l’IVG depuis deux ans.

Fake news sur les démocrates

Mais pour les conservateurs, ce n’est pas suffisant. Eux veulent à tout prix une qu’une limite soit fixée au niveau fédéral. Et ils pensaient que Donald Trump, à nouveau en course pour la Maison Blanche et qui devrait affronter Joe Biden à la présidentielle, allait à nouveau être leur Messie. Mauvaise pioche.

« Les États détermineront par vote ou par une loi, ou peut-être les deux. Quelle que soit leur décision, elle doit avoir force de loi », déclare-t-il dans sa vidéo sur Truth Social. « Beaucoup (d’États) auront un nombre différent de semaines » comme durée limite de grossesse, « certains seront plus conservateurs que d’autres, et c’est comme ça. Au bout du compte, c’est la volonté du peuple qui compte », ajoute-t-il... sans évoquer de limite au niveau fédéral. Donald Trump précise qu’il est en faveur de l’IVG en cas de viol, d’inceste, ou de danger pour la vie de la mère.

Adepte des fake news, le milliardaire poursuit en dénonçant les démocrates qui seraient favorables à l’IVG jusque dans les derniers mois de grossesse, et soutiendraient « même une exécution après la naissance ». Cette affirmation n’a absolument aucun fondement.

L’IVG, un sujet très explosif pour la campagne

Donald Trump s’était pourtant à plusieurs reprises exprimé en faveur d’une interdiction de l’avortement au niveau fédéral après 15 ou 16 semaines. Mais force est de constater que lui et le plus haut niveau de l’appareil républicain se rendent bien compte que ce sujet explosif pourrait lui coûter l’élection en novembre prochain.

Depuis la décision de la Cour suprême en 2022, les républicains ont en effet connu de lourdes déconvenues lors des élections nationales ou locales. Le dernier revirement de Donald Trump vise donc à bichonner les électeurs les plus modérés, qui pourraient voter pour son rival démocrate en novembre prochain s’il soutenait des positions trop radicales sur l’IVG. Sauf que cette stratégie est risquée : son discours sur Truth Social n’a pas plus du tout aux élus et aux groupes les plus conservateurs.

L’ancien vice-président de Donald Trump, le très religieux Mike Pence qui a coupé les ponts avec son ancien patron, a qualifié les déclarations du milliardaire de « gifle » pour les millions d’opposants à l’avortement qui ont voté pour lui en 2016 et 2020. « Je suis respectueusement en désaccord avec le président Trump », a pour sa part déclaré l’influent sénateur Lindsey Graham, allié du candidat républicain.

Trump s’est « empêtré », tacle Biden

L’association anti-avortement Susan B. Anthony Pro-Life a de son côté exprimé sa « profonde déception ». « Les enfants à naître et leurs mères méritent d’être défendus et protégés au niveau national face à la brutalité de l’industrie de l’avortement », a-t-elle réagi dans un communiqué.

Face aux critiques, Donald Trump a multiplié les messages toujours sur Truth Social et défendu sa position : « Les gens comme Graham, qui n’arrêtent jamais, vont permettre aux démocrates de remporter la Chambre des Représentants, le Sénat, et même peut-être la présidence. » Reste que sa déclaration reste floue, et il n’est pas impossible que le magnat de l’immobilier à change à nouveau d’avis.

C’est aussi ce que pense le président Joe Biden. Dans une vidéo postée sur X, le locataire actuel de la Maison Blanche prévient que si Donald Trump revient au pouvoir et que « les républicains MAGA [du nom de son mouvement, NDLR] mettaient le texte de loi sur son bureau, il le signerait ».

Mais le démocrate se délecte aussi des errements de son adversaire. Il s’est moqué dans un communiqué de la position d’équilibriste de Donald Trump, qui s’est complètement « empêtré » sur le sujet de l’IVG. « Donald Trump craint que, puisqu’il est responsable du renversement de Roe, les électeurs lui tiennent pour responsable en 2024 », a-t-il encore publié sur X. « J’ai des nouvelles pour Donald : ils le feront. »

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