INTERVIEW. "L'horloge mécanique a sonné le déclin du temps solaire"

Longtemps, les sociétés humaines ont calé leur existence sur la course du Soleil. Jusqu'à ce que le temps soit divisé en heures, minutes, secondes… Une précision qui a bouleversé l'humanité.

Cet article est issu du magazine Les Indispensables de Sciences et Avenir n°214 daté juillet/ septembre 2023.

Emma Carenini est professeure agrégée de philosophie.

Sciences et Avenir - Les Indispensables : L'humanité doit-elle au Soleil tout ce qu'elle est ?

Emma Carenini : L'histoire s'écrit souvent en termes économiques, politiques, militaires… mais on oublie un facteur essentiel, le climat. Or, observons les plus grandes civilisations : de Sumer à l'empire aztèque, en passant par Rome, la Chine ou l'Inde, elles sont toutes situées dans des zones ensoleillées et fertiles - l'eau étant l'autre élément primordial. Le Soleil est donc un facteur de prospérité et de stabilité politique très important. Mais il n'en est pas la condition unique ! Les grands empires - fondés sur l'agriculture, ne l'oublions pas -sont parvenus à un niveau de sophistication technique leur permettant de capter au mieux l'énergie du soleil.

Est-ce dans ces lieux privilégiés que sont apparus les premiers cultes solaires ?

Le Soleil est divinisé dès le néolithique. La naissance de l'agriculture est concomitante d'un changement de la relation au monde. Les peuples de chasseurs-cueilleurs ont un rapport horizontal à la nature. Chaque élément - animal, plante, objet inanimé - peut être investi de la divinité. Avec l'agriculture, la nature désormais domestiquée n'est plus notre égale mais un objet que l'on domine. Le rapport devient vertical… On va se tourner vers les astres, et parmi eux le plus évident : le Soleil.

Lire aussiLe Soleil, un moteur de l'évolution

Les sociétés agricoles savent aussi l'importance du Soleil pour garantir de bonnes récoltes…

Évidemment, et c'est probablement la première fonction du culte solaire. On se tourne vers le soleil comme vers une source de vie, dans une sorte de rapport usuraire à la divinité. C'est pourquoi quand il disparaît - lors d'une éclipse, par exemple -, c'est la panique. Plus généralement, dans les sociétés agricoles, hommes et femmes vivent en symbios[...]

Lire la suite sur sciencesetavenir.fr

A lire aussi