Incendies : la pyromanie est-elle une maladie ?

Selon l'IRCGN, 10% des incendies qui surviennent chaque année résultent d'un acte volontaire, que cela vienne d'un pyromane ou d'un incendiaire.
Selon l'IRCGN, 10% des incendies qui surviennent chaque année résultent d'un acte volontaire, que cela vienne d'un pyromane ou d'un incendiaire.

Un sapeur-pompier volontaire soupçonné d'être un pyromane a été placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête relative à 8 départs de feu dans l'Hérault. Que sait-on sur ce trouble du comportement ?

Ces dernières semaines, les incendies se sont multipliés dans l'Hexagone. Bien qu'ils se déclenchent et se propagent en partie à cause des conditions climatiques très chaudes et très sèches, ils sont dans 9 cas sur 10 d'origine humaine. S'ils restent pour la plupart involontaires, 10% des 300 000 incendies qui surviennent chaque année sont d'origine volontaire, selon les estimations de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN).

C'est le cas notamment des feux déclenchés à Sernhac (Gard) et à Landiras (Gironde) au début du mois de juillet, ou encore les 3 départs de feu à Saint-Privat (Hérault) à la fin du mois de mai, ces incendies pour lesquels le sapeur-pompier volontaire a été placé en garde à vue dans le cadre d'une procédure pour dégradations volontaires par incendie.

Un trouble qui toucherait 1% de la population

Très fréquemment, les auteurs de ces incendies sont atteints de pyromanie, un trouble du comportement qui toucherait 1% de la population générale, selon une étude américaine publiée en 2010 dans le Journal of Clinical Psychiatry. Mais il faut avant tout différencier le pyromane de l'incendiaire. La pyromanie est l'action de provoquer des feux et incendies de façon répétitive, sans motif criminel ou recherche de gain ou de récompense, contrairement à l'incendiaire criminel dont les actions sont dirigées vers un profit personnel ou idéologique comme le sabotage, le profit, la revanche ou l'idéologie sociopolitique comme le terrorisme.

Experte criminologue et psychologue clinicienne interrogée par La Voix du Nord, Marjorie Sueur parle de "fascination" (ndlr : du feu) quand elle évoque le cas des pyromanes, car elle estime qu'il sont dans "l'incapacité de se détacher de [leur] source de plaisir" et qu'ils "éprouvent un besoin impérieux et incontrôlable à mettre le feu". Elle explique également qu'un enfant ne nait pas pyromane mais le devient et évoque des études qui "montrent que dès l'enfance, l'attirance pour le feu est déjà présente".

"Une manière de montrer leur puissance"

La pyromanie touche majoritairement les hommes, souvent des personnes frustrées qui ont des difficultés à communiquer avec les autres, qui ont une fascination pour les flammes, ne revendiquent pas leurs actes et profitent en cachette du spectacle qu'offre l'incendie, indiquait le psychiatre Pierre Lamothe à Franceinfo. Ce dernier explique que les pyromanes sont souvent "complexés par un défaut", et que mettre le feu est "un moyen de défense ou une manière de montrer leur puissance" qui leur permet d'évaporer leur agressivité.

Si on parle bien de pathologie, les psychologues s'accordent pour dire qu'il ne s'agit pas d'une maladie mais plutôt d'un trouble du comportement. Le pyromane n'a pas forcément un problème psychiatrique sous-jacent. "On peut avoir une personnalité 'normale' avec une problématique pulsionnelle qui se déplace sur le feu", explique à Sciences et Avenir Dr Ivan Gasman, psychiatre et chef de pôle de l'unité pour malades difficiles Henri Colin à Villejuif (Val-de-Marne). D'ailleurs, malgré l'aspect pathologique de leur comportement, la quasi-totalité des pyromanes sont déclarés pénalement responsables de leurs actes, au contraire d'une personne atteinte "d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes", comme l'indique l'article 122-1 du Code pénal.

"Une folie partielle"

Déjà en 1840, lorsque la notion de pyromanie a été créée, les psychiatres l'avaient définie comme un trouble du comportement, rappelle 20 Minutes. "À l'époque, les psychiatres se sont intéressés aux délires sur des objets uniques, comme la pyromanie, mais aussi la cleptomanie. Ils ont qualifié ça de folie partielle", indique au quotidien Laurence Guignard, professeure d’histoire contemporaine à l'Université Paris-Est Créteil (UPEC).

Le suivi d'un pyromane se fait avec un psychologue spécialisé en thérapie cognitivo comportementale. "Dans certains cas il faut tout de même un suivi psychiatrique avec un traitement médicamenteux qui pourra apaiser les manifestations anxieuses, obsessionnelles et impulsives qui poussent au passage à l'acte", expliquait ce jeudi matin la psychologue-clinicienne Johanna Rozenblum sur les antennes de BFM TV.

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Pour rappel, si une personne seule provoque un départ de feu "dans des conditions de nature à exposer les personnes à un dommage corporel ou à créer un dommage irréversible à l'environnement", elle s’expose à une peine de 15 ans de prison assortie d'une amende de 150 000 euros, indique l'article 322-6 du Code pénal.

VIDÉO - Incendies en série : la traque des pyromanes