En Géorgie, une bagarre éclate au Parlement sur fond de projet de loi sur les « agents de l’étranger »

INTERNATIONAL - Scène lunaire au Parlement géorgien. Au début du mois d’avril, le parti au pouvoir en Géorgie, le Rêve géorgien, annonçait le retour d’un projet de loi particulièrement controversé autour de la notion d’« agents de l’étranger ». De quoi conduire à un débat houleux au Parlement, où plusieurs députés en sont venus aux mains ce lundi 15 avril, comme vous pouvez le voir dans notre vidéo en tête d’article.

En Géorgie, des manifestations monstres contre une loi digne de l’ère soviétique

Malgré des protestations d’ampleur qui avait fait céder le pouvoir l’année dernière en dénonçant un projet de loi s’inspirant de la législation russe (visant à contraindre les détracteurs du pouvoir en place), le Rêve géorgien a remis la question à l’ordre des débats du jour à Tbilissi.

Un député de l’opposition n’a pas hésité à donner un coup de poing au visage d’un législateur (et co-rédacteur du projet de loi) du Rêve géorgien. Une scène confuse qui s’est transformée en bagarre générale dans le Parlement. La retransmission en direct de la séance parlementaire a d’ailleurs été interrompue pour éviter la diffusion d’images violentes.

Mais la tension semblait déjà bien présente dès la matinée. Des dizaines de manifestants s’étaient en effet rassemblées devant le Parlement géorgien pour déployer un grand drapeau de l’Union européenne en signe de protestation contre cette loi jugée pro-russe. L’utilisation du drapeau de l’UE avait essentiellement pour but de rappeler aux membres du parti au pouvoir que la Géorgie ambitionne de rejoindre l’UE dans un avenir proche.

Et signe que la colère est toujours vive chez les détracteurs du projet visant à persécuter les voix dissidentes, un autre rassemblement est prévu dans la soirée, dans la capitale géorgienne.

Rapprochement avec l’UE ou avec la Russie ?

Dans ce pays du Caucase, la fracture est désormais bien visible entre l’ambition d’approfondir les relations avec les Occidentaux et les ambitions du parti au pouvoir, accusé de vouloir se rapprocher de la Russie de Vladimir Poutine.

Car ce texte obligerait les organisations recevant plus de 20% de leur financement de l’étranger à s’enregistrer sous le label infamant d’« organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère », sous peine d’amendes. Ce label a d’ailleurs été modifié après la grogne généralisée de 2023, car il était initialement présenté comme « agent d’influence étrangère ».

Avec cette loi, le Rêve géorgien cherche surtout à contraindre les organisations pour qu’elles fassent preuve de davantage de « transparence » sur leur financement. Sauf que pour des ONG et médias indépendants, il s’agit surtout d’un outil d’intimidation. Comme c’est déjà le cas en Russie.

« Le parti ne cesse de dire qu’il dirige la Géorgie vers l’UE, mais en fait il sabote la voie européenne de la Géorgie », estime pour l’AFP le politologue Ghia Nodia. La voie européenne est d’ailleurs soutenue par environ 80 % de la population, selon des sondages d’opinion, dit-il. Malgré les critiques de Bruxelles et sa demande d’abandon du texte de loi, le Premier ministre géorgien, Irakli Kobakhidzé, connu pour sa rhétorique anti-occidentale, se défend de tout sabotage du processus d’accession à l’UE.

Un processus qui avait connu une avancée majeure en décembre, lorsque l’UE lui avait accordé le statut officiel de candidat à l’adhésion. L’horizon étoilé est encore loin pour la Géorgie, qui doit mener de vastes réformes judiciaires et électorales, sans compter le renforcement de la liberté de la presse et la réduction du pouvoir des oligarques.

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