Dans le film “Joyland”, les tendres fantômes du patriarcat pakistanais

“Dix… neuf… huit”, décompte Haider (Ali Junejo), enveloppé dans un immense drap de lit blanc. En le voyant ainsi jouer à cache-cache avec ses trois nièces, on a l’impression d’un fantôme.

Cette référence visuelle est plus profonde qu’elle n’en a l’air, car, pendant le plus clair de Joyland, Haider a tout d’un fantôme. C’est un jeune homme accommodant et docile, que le chômage invisibilise pour ainsi dire aux yeux de ses amis et de sa famille, au point qu’il en est réduit aux tâches ménagères [dans la maison qu’il partage avec sa femme, son père et la famille de son frère].

Il fait un curry de lentilles à tomber par terre, lui dit au début du film sa femme, Mumtaz (Rasti Farooq, une merveilleuse trouvaille), et c’est un oncle attentionné. Mais qui est-il, à l’intérieur ?

Une envie de liberté

Les draps dans lesquels s’enroule Haider dans les premiers plans de Joyland font écho aux deux nœuds indissociables de l’histoire : le fait que le jeune homme dissimule qui il est vraiment et qu’il rêve de liberté.

Haider est bien marié, à une jeune femme intelligente, mais la question de sa place en ce bas monde le taraude. Une rencontre fortuite avec une femme transgenre (Biba, jouée par Alina Khan), qui se mue en attirance sexuelle, finira par le dépouiller des inhibitions engendrées par son carcan social.

Coécrit, comonté et réalisé par Saim Sadiq, Joyland creuse plus loin que cette seule relation qui fait des vagues. Le film n’étale pas les tourments de Haider aux seules fins de pimenter l’histoire, pas plus qu’il n’idéalise sa brève idylle avec Biba – un personnage dont l’apparition dans l’histoire n’en chamboule d’ailleurs pas le cours autant qu’on pourrait le penser.

Idylle taboue mais secondaire

Biba se produit dans un cabaret érotique de Lahore, mais ses performances ne font guère recette. Le public n’est là que pour les déhanchés suggestifs d’une artiste de la maison et s’égaille en vitesse dès que Biba attaque son numéro… sans que celle-ci se démonte pour autant.

Biba obtient ce qu’elle veut en jouant des coudes, du charme et du sex-appeal. Contrairement à Haider, c’est une battante, et si ses objectifs sont plus clairs, c’est parce qu’elle sait ce qui fait tourner le monde.

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