Européennes: pourquoi vous ne trouverez pas les bulletins des 38 candidats dans votre bureau de vote

38. C'est le (très) grand nombre de listes entre lesquelles vous devrez choisir le 9 juin. En théorie, cela devrait être le nombre de bulletins à votre disposition dans votre bureau. En théorie seulement. Car dimanche, il est fort probable que vous n'en trouviez qu'une dizaine là où vous votez. Pourquoi? Le coût prohibitif - pour les petites listes - de l'impression pour les 49,5 millions d'électeurs inscrits sur les listes électorales.

Aucun doute concernant Manon Aubry, Jordan Bardella, François-Xavier Bellamy, Léon Deffontaines, Raphaël Glucksmann, Valérie Hayer, Marion Maréchal ou Marie Toussaint... Tous et toutes investis tête de liste de partis à la trésorerie suffisante. Et, pour sept d'entre-eux, selon notre dernier sondage Elabe, a priori assurés d'atteindre les 3%, synonyme de remboursement des frais d'impression engagés.

D'autres mouvements, à l'audience plus confidentielle, comme le Parti pirate de Caroline Zorn, ou Nouvelle donne de l'eurodéputé Pierre Larrouturou, incitent leurs électeurs à imprimer eux-mêmes leur bulletin de vote jusque dans leurs clips de campagne.

1 million d'euros à trouver

"On a environ 60.000 euros de budget pour cette campagne", détaille Pierre Beyssac, porte-parole du Parti pirate (divers). "50.000 sont dévolus à l'impression de 4 millions de bulletins." Ce qui leur permet d'alimenter seulement... 10 départements. "Il nous faudrait 1 million d'euros pour alimenter tous les bureaux", précise-t-il. Mais si on avait les moyens, on le ferait". Pour une raison simple.

"Le bulletin est notre premier axe de visibilité. Moins on peut en imprimer, plus ça plombe notre score", regrette-t-il.

La preuve par l'exemple, selon lui. Aux élections législatives 2022, candidat dans la 9e circonscription de Paris, avec des bulletins à son nom dans chaque bureau, Pierre Beyssac avait obtenu 1,17% des voix. Dans d'autres circonscriptions urbaines équivalentes, à Lyon ou à Marseille, sans bulletin, le score du Parti pirate a été divisé par 10.

Ces élections législatives sont pourtant cruciales pour la trésorerie des partis: en France, l'État alloue des fonds aux mouvements politiques en fonction de leur score à ce scrutin. Deux conditions cumulatives: le parti doit récolter 1% ou plus des suffrages exprimés, dans 50 circonscriptions minimum. Chaque électeur rapporte alors 1,53 euro au parti concerné.

"Un cercle vicieux pour les invisibles"

Problème chez Nouvelle donne, la formation de l'eurodéputé de gauche Pierre Larrouturou - élu en 2019 sur la liste PS-Place publique. "En 2022, nous avons retiré nos candidats pour laisser la place à ceux investis par la Nupes", explique Lauric Micheland, trésorier de la campagne. Aucun financement débloqué donc. Allié pour ces européennes à la formation politique Allons enfants, qui perçoit annuellement seulement 4.000 euros d'aide publique, "on ne peut fournir que 23 départements en bulletins", déplore-t-il.

Certains partis jettent même l'éponge. À l'image du Parti fédéraliste. "En 2019, nos 15.000 euros de budget sont partis dans l'impression de 2 millions de bulletins", détaille Yves Gernigon, tête de liste il y a cinq ans. "Cette année, nous avions les 81 candidats. Mais pas les moyens financiers nécessaires. Il nous faudrait 1,5 million d'euros pour une campagne digne de ce nom."

Autre grief: Lauric Micheland et Pierre Beyssac dénoncent le "système de subrogation" en vigueur. Pour les têtes de liste qui recueillent plus de 3% des suffrages exprimés, le remboursement peut être effectué directement à l'imprimeur, sans que le candidat n'ait à avancer les frais.

"Une autre facilité pour les partis riches", dénonce le premier. Un "cercle vertueux pour les partis visibles, vicieux pour les invisibles", vilipende le second.

S'inspirer de nos voisins

Alors, quelles solutions? "La Suisse propose le vote électronique, loin de notre système archaïque. Les 26 autres États-membres ont fait le choix du bulletin unique, imprimé par l'État", plaide Yves Gernigon: l'électeur coche simplement la liste à qui il donne son suffrage. Ce que défend également le Parti pirate. "Un bulletin par candidat, c'est une catastrophe écologique. Cette année, on a imprimé pour 27 tonnes de papier!"

Dès dimanche alors, cap sur les législatives 2027 pour débloquer des financements publics? "Du repos plutôt", plaisante Lauric Micheland. "On vise d'abord les municipales de 2026, pour faire élire des conseillers, et obtenir des cotisations d'élus". L'argent ne fait peut-être pas le bonheur, mais il reste très convoité pour les élections.

Article original publié sur BFMTV.com