Européennes : le RN en quête d’une alliance d’extrême (avec ou sans l’AFD) au Parlement européen

Marine Le Pen et Jordan Bardella photographiés à Marseille le 3 mars (illustration)
CHRISTOPHE SIMON / AFP Marine Le Pen et Jordan Bardella photographiés à Marseille le 3 mars (illustration)

POLITIQUE - « Le groupe, le groupe… Ça vous fascine ces histoires de groupe, et moi aussi à une autre époque d’ailleurs. Mais les alliances, ce n’est plus un sujet aujourd’hui ». Devant une grappe de journalistes réunis pour l’université d’été du RN à Beaucaire en septembre, Marine Le Pen ne se doutait sans doute pas que ces « histoires de groupe » au Parlement européen finiraient par la rattraper dans la dernière ligne droite de la campagne pour les élections européennes.

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Las, une provocation de trop de son partenaire allemand, l’AFD, a remis en lumière les impératifs d’alliance pour le parti lepéniste. En affirmant que quiconque portait un uniforme SS « n’était pas automatiquement un criminel », Maximilian Krah a non seulement été interdit de campagne par son propre parti, mais il a scellé la rupture entre sa formation et le RN, avec lequel sa formation siégeait depuis 2019 au sein du groupe Identité et démocratie (ID) constitué au forceps il y a cinq ans.

Les responsables de cette coalition se réunissent justement ce jeudi 23 mai à Prague pour préparer l’après 9 juin. L’occasion pour les partis conviés (dans lesquels ne figure pas l’AFD, croit savoir L’Opinion) de réfléchir à une nouvelle alliance pour peser au Parlement européen et, surtout, de répondre à cette question existentielle : avec qui ?

Dans son interview controversée accordée à La Repubblica, Maximilian Krah doutait de la capacité de ses partenaires à se passer de l’AFD. « Si nous sommes expulsés, je doute qu’ils parviendront à atteindre le nombre de sept pays requis pour former un groupe », affirmait-il. Constituer un groupe au Parlement européen nécessite en effet de rassembler 23 députés de sept nationalités différentes. Or si dans la précédente mandature, le groupe ID comptait 58 députés, ces derniers ne venaient que de sept pays.

Le RN vers l’ECR avec Meloni ?

« On n’a pas besoin d’eux pour avancer (...) On pourrait imaginer un grand groupe à l’échelle de l’Europe à la fois patriote et conservateur », a répondu ce mercredi le vice-président du RN, Louis Aliot, ouvrant la porte à une alliance avec le groupe de l’italienne Giorgia Meloni. Ce groupe, ECR, était notamment représenté à Madrid au meeting organisé par Vox et auquel a participé Marine Le Pen. De quoi imaginer un accord entre Fratelli d’Italia et le RN pour aboutir à une nouvelle architecture des rapports de force au Parlement européen.

Mais plusieurs éléments rendent l’option périlleuse. Tout d’abord : les mots durs tenus à l’égard du groupe ECR, que le RN accusait il y a quelques jours encore d’être dans la roue d’Ursula von der Leyen. Début mars, Jordan Bardella accusait l’eurodéputé zemmouriste Nicolas Bay, qui siège au sein de ce groupe national conservateur, d’avoir voté le Pacte migration (alors que cet ancien du RN, comme plusieurs LR, avait seulement voté le volet répressif du texte). En meeting à Beaucaire au mois de septembre, Marine Le Pen n’avait-elle pas aussi raillé la position de Giorgia Meloni qui en appelle « à l’Union européenne pour résoudre la crise migratoire comme un enfant appelle maman quand il a un problème ».

Le 23 mars, dans une vidéo publiée sur Twitter, Marine Le Pen chargeait encore la Première ministre italienne, en l’invitant à sortir de son « ambiguïté » en lui posant la question suivante : « allez-vous, oui ou non, soutenir un nouveau mandat de madame von der Leyen ? Moi je crois que oui ». Une position frontale qui complique la perspective d’un accord, d’autant qu’à ce stade, c’est Marion Maréchal qui revendique une entente avec le groupe ECR, aux positions moins europhobes et beaucoup moins russophiles que le groupe Identité et Démocratie (et que le RN en général). La tête de liste Reconquête ! a d’ailleurs affirmé que la formation zemmouriste sera la seule délégation française à siéger au sein de ce groupe ce qui, fatalement, fermerait la porte aux élus de Jordan Bardella.

Contradictions politiques

Autre obstacle, souligné sur X par Mathieu Gallard, analyste chez Ipsos et spécialiste des mouvements électoraux, la « respectabilité » que cherche à incarner ECR à l’échelle européenne, peu compatible avec la position anti-UE prônée par le RN et les membres du groupe ID. Pour autant, ces accrocs politiques et les hypothèses qu’ils nourrissent resteront dépendants des résultats au soir du 9 juin. Avec, en toile de fond une possible refondation des forces en présence, façonné par Viktor Orban et Giorgia Meloni, qui cherchent à bâtir un puissant groupe à la droite du PPE (où siègent les élus Les Républicains).

Reste à savoir si tout ce petit monde pourrait s’entendre. Puisqu’une vaste alliance des extrêmes droites, qui irait de Vox au RN (aux orientations économiques diamétralement opposées) en passant par le Fidesz, le PiS et Fratelli d’Italia (aux logiciels diplomatiques totalement contraires sur la Russie et l’Otan) aurait à composer avec de vastes contradictions politiques, que la détestation des élites européennes et la lutte contre l’immigration ne suffiraient à résoudre. En outre, que faire du PVV hollandais et de son leader Geert Wilders, lequel reste proche de Marine Le Pen, qui continue de prôner la sortie de l’UE ? Et du FPO autrichien, en tête des sondages et qui multiplie les positions radicales et pros russes ? Le casse-tête ne fait que commencer pour l’extrême droite européenne. Rassemblement national compris.

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