Européennes 2024 : Jordan Bardella mise sur les hauts fonctionnaires, une tactique qui a rarement souri au RN

Marine Le Pen et Florian Philippot photographié lors de la campagne présidentielle de 2017 (Illustration)
SEBASTIEN BOZON / AFP Marine Le Pen et Florian Philippot photographié lors de la campagne présidentielle de 2017 (Illustration)

POLITIQUE - Jouez hautbois, résonnez musettes. Le Rassemblement national propulse (encore) un « énarque et haut fonctionnaire » sur sa liste pour les élections européennes. Son nom (inconnu du grand public) : Pierre Pimpie. Marine Le Pen salue un « serviteur dévoué de l’État », ayant déjà travaillé à ses côtés. Effectivement, comme le rapporte Le Parisien, le quinquagénaire a contribué au volet économique du programme de la candidate RN à la présidentielle.

Jordan Bardella est la tête de liste sortante aux européennes la moins assidue du dernier mandat

Derrière ce nouveau « ralliement », une stratégie de com’ largement éprouvée depuis l’époque du Front national. Il s’agit d’apparaître comme une force d’attraction, et d’utiliser le profil « techno » de ces recrues pour atténuer le caractère antisystème du projet lepéniste. Le tout pour véhiculer une image de sérieux, préalable indispensable pour qui veut se normaliser et apparaître comme un parti dit « de gouvernement ».

Le Gallou, Mégret, Blot…

Le recrutement récent de l’ancien patron de Frontex, Fabrice Leggeri, énarque et normalien fort de 30 ans de haute fonction publique au compteur, correspond à cette logique. Il a été encensé avec les mêmes mots lors de son ralliement pour les européennes. « Je suis honoré que Fabrice Leggeri, qui est un grand serviteur de l’État, fasse le choix du RN et apporte sa plus-value et son expertise à notre projet », expliquait depuis Menton le président du RN, et tête de liste aux européennes, Jordan Bardella. En réalité, le recrutement par le parti d’extrême droite de personnalités venant de la haute fonction publique n’est pas (du tout) un phénomène nouveau, comme la soulignait en mars Le Parisien.

En 1985, Jean-Yves Le Gallou est le premier énarque à rejoindre le Front national. Idéologue identitaire, il fait partie de ceux ayant imposé le concept de « préférence nationale » au sein du logiciel frontiste. Treize ans plus tard, il prenait part à la scission organisée par Bruno Mégret, avant de naviguer vers l’extrême droite la plus radicale. En 2022, l’intéressé s’est logiquement retrouvé dans l’entourage du candidat Éric Zemmour.

L’homme n’est plus (du tout) en odeur de sainteté au RN, Marine Le Pen l’ayant par ailleurs qualifié de « révisionniste » face à des journalistes. En 1988, un autre énarque rejoint Jean-Marie Le Pen : Yvan Blot. Également identitaire et racialiste, ce haut fonctionnaire a eu une trajectoire proche de Jean-Yves Le Gallou, comptant également parmi ceux ayant trahi le parti pour Bruno Mégret. Yvan Blot est mort en 2018, et a souvent eu des mots (très) durs à l’encontre de Marine Le Pen, dont il remettait en cause les capacités mentales. S’il n’était pas un énarque, Bruno Mégret avait quant à lui offert au Front national son CV de polytechnicien, se retrouvant affublé du surnom « le technocrate » dans la presse.

Et c’est via une alliance électorale baptisée (tiens, tiens) « Rassemblement national » que ce haut fonctionnaire fait ses premiers pas avec le FN en 1986. Douze ans plus tard, et après une ascension fulgurante au sein de l’appareil frontiste, il trahissait Jean-Marie Le Pen. Sans surprise, lui aussi s’est retrouvé du côté de Reconquête en 2022.

Énarques déchus

Toujours au rayon des énarques déchus, figure en bonne place Florian Philippot. Comme Bruno Mégret, lui aussi a été numéro 2 du Front national, mais aux côtés de Marine Le Pen. Et comme le fondateur du MNR, lui aussi a tenté l’aventure en solo, avec un succès électoral inversement proportionnel au poids qu’il avait au sein du parti d’extrême droite. Parti désormais voguer vers les terres europhobes et conspirationnistes, Florian Philippot prône le Frexit et considère que Marine Le Pen a trahi sa cause.

Autre énarque ayant laissé un souvenir très mitigé au RN : Jean Messiha. Présenté lui aussi comme une recrue de choix au moment de son arrivée, et membre comme Pierre Pimpie des fameux « Horaces » conseillant Marine Le Pen depuis plusieurs années, il a notamment officié comme responsable argumentaire pour la candidate RN. Adepte des coups de sang sur Twitter comme sur les plateaux du groupe Bolloré (et des sorties de route sur fond de fake news), il a claqué la porte du Rassemblement national en novembre 2020, jugeant le parti dépassé. Lui aussi a rejoint Éric Zemmour en 2022.

En 2021, un autre profil au CV similaire, Christophe Bay, était venu grossir les rangs du RN en qualité de directeur de campagne de Marine Le Pen pour 2022. Et toujours avec la même musique. « Je n’ai pas fait le choix d’un profil politique, mais plutôt celui d’un grand serviteur de l’État », déclarait la candidate RN. Or, « ses frasques » sont épinglés par la presse, et viennent écorner tout le sérieux que cet ancien préfet était censé apporté au parti lepéniste. Pierre Pimpie ou Fabrice Leggeri connaîtront-ils le même sort ? À voir. On rappellera seulement que, sitôt nommé, l’ex-patron de Frontex, qui avait quitté son agence sur fond de scandale, est visé par une plainte pour complicité de crime contre l’humanité.

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