ENTRETIEN RMC SPORT. L'OL, Textor, l'arbitrage, les droits TV, le foot féminin, Mbappé... Jean-Michel Aulas dit tout

Jean-Michel Aulas, vous venez d’être décoré par le président de la République et d’être élevé au rang de commandeur de l’ordre national du Mérite. Qu’est-ce que cela vous fait, comment l’avez-vous vécu?

C’est une reconnaissance qui touche évidemment beaucoup. Surtout quand on a un peu d’expérience, pour ne pas dire autre chose. Cela fait partie des bons moments de la vie dans une vie qui est extrêmement chargée tant sur le plan entrepreneuriat en étant industriel dans beaucoup de secteurs. En particulier l’informatique au départ mais aujourd’hui avec une diversification quoi est importante. Et puis dans le milieu du football pour avoi gérer pendant 36 ans, d’un côté l’Olympique Lyonnais et puis aussi en ayant été dans les instances. Les gens ne s’en souviennent pas mais j’ai été le dernier président du G14 qui était à l’époque le regroupement des quatorze, même si on était seize, plus grands clubs européens. Et puis après à l’ECA. Donc c’est une reconnaissance et par ailleurs, je le dirai très clairement, le fait que la déclaration soit remise par Emmanuel Macron, qui je trouve, a une approche d’une manière générale de la politique qui me convient bien et qui se trouve dans une période qui est très difficile. Parce que, quand on voit successivement tout ce qui est arrivé ces dernières années…

Voilà, donc il y avait une grande satisfaction d’avoir par le passé deux autres présidents qui m’avaient remis des insignes, le président Sarkozy et le président Hollande. Avec qui j’ai gardé des relations… et c’était une concrétisation de ce que j’essaye de faire. C’est-à-dire une activité professionnelle dense, quelques fois réussie, et puis aussi de s’inscrire dans des valeurs de durée, bien évidemment, mais aussi de bienveillance et d’échange. Alors que quelques fois quand on est dans le foot, il faut avoir aussi un peu de répartie. C’est un moment qui concilie l’exercice d’un professionnalisme de longue durée et puis aussi le faire de respecter dans la durée des valeurs qui sont importantes tant sur le plan des hommes ou des femmes évidemment mais aussi sur le plan de la famille et de l’amitié.

Parmi vos invités se trouvait John Textor. Votre relation a été tortueuse depuis le rachat de l’Olympique Lyonnais. Elle s’est vraiment améliorée depuis quelques temps maintenant que tout est réglé du point de vue transactionnel. Comment la définiriez-vous aujourd’hui? Quelle relation avez-vous? Comment est-ce-que cela se passe aujourd’hui avec John Textor?

Ecoutez, la relation est bonne. Et je suis heureux qu’il accepte de venir avec son épouse Debbie à cette manifestation lundi. Parce qu’aujourd’hui on est dans l’après. C’est-à-dire dans la construction d’un certain nombre d’autres choses. Le fait que Laurent (Prud’homme), le nouveau directeur général, soit arrivé, cela apporte aussi un certain nombre de relations beaucoup plus constantes. Parce qu’il est à Lyon, il est originaire de Lyon et a fait ses études à l’EM Lyon (la célèbre école de commerce locale, ndlr). Et donc, les relations avec John sont prospectives. On réfléchit bien sûr à ce que sera l’Olympique Lyonnais demain. Et à chaque fois que je peux aider je le fais. En venant aux matchs, quand les matchs sont importants, ou que cela soit dans l’environnement parce qu’il y a plein de décisions et de réflexions à prendre.

Les relations sont apaisées, elles sont constructives et elles vont permettre, ce qui est en fait ma volonté la plus chère, à l’Olympique Lyonnais de retrouver son rang. Parce qu’on sait que dans le foot, c’est extrêmement difficile de construire dans le temps. Mais on sait aussi que les risques de destruction, de chaos, sont aussi importants. Donc voilà, elles sont apaisées. Je ne pense pas que l’on partira en vacances cet été ensemble. Mais en tout cas, s’il m’invite à venir à Miami là où il habite, je le ferai volontiers. D’autant plus que j’ai des activités par ailleurs dans d’autres disciplines. C’est quelqu’un qui, je pense, a aussi pris le recul nécessaire par rapport à la situation en France. J’ai aussi composé, pour moi le plus important était que l’Olympique Lyonnais retrouve rapidement son rang. Donc tout va bien et c’était formidable qu’il soit présent lundi.

Avec le recul et même si vous êtes encore très impliqué à l’OL dans beaucoup de choses, est-ce-que vous êtes aujourd’hui dans cette position de 'mon bébé' que j’ai lâché et qui continue à grandir avec moi plus éloigné? Ou-est-ce que vous êtes encore tellement impliqué que vous n’avez pas trop ce rapport avec l’OL?

Non, non. On est dans la première hypothèse. J’ai fait le deuil, mais ceci étant il était volontaire parce que quand mes associés de l’époque, les Chinois d’IDG et puis Jérôme Seydoux de Pathé, ont décidé de céder leur participation, j’avais accepté soit de poursuivre et c’était le deal initial avec John, soit de partir. Et mon deuil était déjà géré. Il y a eu cette confusion à un moment donné mais je crois qu’on l’a bien rattrapée. Et donc la séparation, on va dire affective et opérationnelle, a été faite. Et puis ça a été complètement conforté par ma candidature à la vice-présidence déléguée de la Fédération qui est intervenue.

De toute façon, on ne peut pas être, et actionnaire ou du moins administrateur opérationnel d’un club comme l’Olympique Lyonnais et vice-président délégué de la Fédération. Donc les choses ont été claires, j’ai démissionné du poste d’administrateur. Bon, c’est vrai que je reste à un poste honorifique de président d’honneur. Mais la gestion et la séparation s’est faite de la même manière avec OL Féminin que Michele Kang a racheté, maintenant c’est officiel. Je suis apaisé complètement par rapport à ça. Et puis je sais que, et Michele Kang d’un côté et John Textor avec ses associés au sein d’Eagle vont, parce que l’OL est son premier club en termes d’importance, tout le monde va s’attacher à en faire une réussite. Et puis moi j’ai des projets très ambitieux à la Fédération. En particulier sur le football féminin. Donc on a bien géré la séparation et maintenant c’est fini.

Le fait que John Textor axe sa stratégie uniquement sur le football alors que vous aviez une beaucoup plus diversifiée avec divers actifs, vous l’acceptez aussi ou est-ce-que cela vous dérange un peu? En avez-vous débattu ensemble? Qu’en pensez-vous?

Oui on a le débat. On va dire, surtout après le fait qu’il soit rentré à l’Olympique Lyonnais. Moi j’admet totalement, à partir du moment où les ambitions sont importantes de créer une galaxie qui ne recouvre pas uniquement l’Olympique Lyonnais, qu’on recède les actifs que j’avais essayé de constituer. En fait, on est quand même d’accord là-dessus. Le fait d’avoir sucré des actifs tangibles comme le stade, la salle, une académie qui est une des meilleures du monde, les équipes féminines, cela a permis à un moment plus difficile de générer les liquidités qui permettent à l’Olympique Lyonnais de repartir avec des ambitions importantes. John a fait un mercato d’hiver qui est, quelques fois critiqué parce que c’est l’un des plus importants jamais fait en France. Et donc cela montre l’ambition.

Et tout ceci a été possible parce que précédemment on avait créé une structure avec des actifs qui ont remis toutes les disponibilités dont les nouveaux actionnaires avaient besoin pour développer cette ambition. Donc je l’accepte. Je n’aurais pas pratiqué comme ça. En tout cas cela n’aurait pas été possible en partant de rien puisqu’en 1987 quand je suis arrivé il n’y avait pas d’actif et pas véritablement d’équipe de très haut niveau. Donc voilà, c’est un cycle et l’intelligence c’est de savoir s’adapter aux moments qui permettent de de comprendre que la visibilité aujourd’hui de l’Olympique Lyonnais est atteinte à l’étranger et en Europe. Que cela soit pour les garçons et les filles, l’Olympique Lyonnais est identifié comme l’un des plus grands clubs européens. Et donc à partir de là il faut les moyens d’avoir ce standing. Moi j’avais une récurrence avec ces actifs, aujourd’hui c’est différent mais tout s’accepte. En tout cas, aujourd’hui, je n’ai pas de chose négative à dire là-dessus.

Parmi ces actifs, il y a la LDLC Arena. Et ce qui est un peu drôle c’est que vous êtes candidat à son rachat. Pour faire quoi, où en-est-on? Quelle votre stratégie derrière ça?

L’Arena était le point de rencontre entre le sport, entre autres le basket et vous le savez l’Olympique Lyonnais est un actionnaire très important avec Tony Parker de l’ASVEL à plus de 34%. Nous avions imaginé, pour que l’ASVEL puisse aller au plus haut niveau, et en particulier dans l’Euroligue, avoir l’équipement nécessaire. Donc on a construit cette Arena avec des spécificités très précises qui sont celles de l’Euroligue. Depuis, l’ASVEL est devenu membre permanent de l’Euroligue donc c’est aussi un actif très important. Parce que l’ASVEL étant membre permanent de l’Euroligue, ce n’est pas la même chose qu’un ASVEL qui est parmi les meilleurs clubs européens dans la structure traditionnelle.

On voulait faire cette union, cet assemblage avec tout l’événementiel. Donc j’avais discuté avec Live Nation à l’époque pour avoir l’engament d’avoir un minimum de manifestations dans cette Arena. Le troisième point c’est qu’à partir du moment où nous étions dans l’environnement lyonnais avec un président de la communauté urbaine, Bruno Bernard, qui a comme sensibilité l’environnement et l’écologie, on avait décidé de faire une salle qui soit la plus performante d’Europe sur le plan sportif avec le basket, une salle qui soit le plus orientée en matière d’événementiel et de eSport.

Et surtout qui soit, et cela a été la mutation faite quand Bruno Bernard est arrivé sur le dossier, la plus équipée en matière environnementale. Aujourd’hui on a vraiment une Arena qui est le must de ce qu’on peut rechercher en Europe. Je ne devrais pas dire ça parce que les prix vont monter. On a un outil qui correspondait parfaitement à la stratégie de l’époque et du fait de l’évolution en matière de sport et uniquement de sport avec John, lui-même a imaginé que ça pourrait faire des liquidités supplémentaires et s’est mis sur le marché pour céder cette Arena. C’est une Arena qui peut contenir jusqu’à 17.000 personnes en événementiel et 12.000 en basket. On l’a d’ailleurs remplie à plusieurs reprises pour le match contre le Bayern Munich ou pour le match contre le Real Madrid.

Donc aujourd’hui cette Arena se retrouve sur le marché. Et personnellement, j’y ai tellement contribué sur le plan économique ou sur le plan de la construction. Sur le plan, aussi, régional parce que c’est une construction qui est comme le Groupama Stadium donc vraiment au meilleur de la technologie et de la construction possible. On s’est dit avec Alexandre, mon fiston, qu’on pouvait essayer de faire en sorte de trouver les moyens de rebondir dans cette activité-là. Donc on en a parlé à un certain nombre de nos partenaires qui sont des partenaires importants autour de nous, qui sont de grands chefs d’entreprise de la région. Et on s’est mis sur les rangs. Alors, il y a d’autres candidats…

Dont Tony Parker. Et c’est peut-être une situation étonnante, non?

Tony est aussi avec nous. C’est-à-dire que Tony se positionne comme étant dans le meilleur des mondes. Lui sa préoccupation c’est évidemment l’ASVEL. Sa préoccupation c’est aussi de trouver, pour le futur, les raisons qui lui permettront de continuer le développement de l’ASVEL. Il était parti parce qu’il a peut-être eu cette idée, avant que nous nous positionnions, avec des partenaires qui sont rentrés comme sponsors dans l’ASVEL. Il a peut-être d’autres idées par ailleurs. Mais, en tout cas, je l’ai eu avant de poser notre candidature et il m’a dit: 'Evidemment qu’on sera avec toi si c’est toi qui gagnes'. Donc il laisse le jeu se faire. Et je pense que notre dossier est un dossier qui a beaucoup d’attrait pour la région parce que ça va permettre à beaucoup de grandes entreprises de la région d’être présentes dans le dossier. Et puis aussi pour l’environnement et l’écosystème politique ou économique parce que c’est une réalisation qui est unique en Europe et qui va donner de la plus-value, de la valeur ajoutée, à la notion européenne. Donc voilà, on est candidats et on discute.

Quel est le calendrier? Dans l’année à venir?

Ecoutez, je ne peux pas donner d’informations. Mais cela va être très proche et j’espère même que dans les semaines qui viennent les choses vont se décider.

Avant d’attaquer le gros dossier du football féminin, un dernier mot sur le sportif à Lyon. Les derniers résultats sont probants, Pierre Sage a montré qu’il avait les capacités. L’objectif de finir devant l’OM au classement, c’est peut-être un objectif sympa pour la fin de saison?

(Il éclate de rire) Il ne faut surtout pas que je dise ça parce que vous savez que l’OM est aussi un club qui m’a fait vibrer au départ. Puisque c’est Bernard Tapie qui a fait le go-between. Le président de la République l’a d’ailleurs rappelé très précisément, je ne sais pas comment il a eu les détails de l’opération, j’ai un peu été mis devant le fait accompli par Bernard Tapie à l’époque. Et l’OM fait partie de ces grands clubs comme le PSG, Lens aujourd’hui, qui doivent apporter à la France les points qui sont nécessaire pour le ranking européen. De la même manière qu’à l’ECA je me positionnais pour tous les clubs français, aujourd’hui avec la Fédération et donc la Ligue, je ne sais pas si on (l’OL) aura la capacité pour remonter suffisamment. En tout cas on est sorti transitoirement de la zone dangereuse. Tout n’est pas réglé et Pierre Sage le disait encore mercredi. Mais l’ambition est revenue. Et c’est vrai que Pierre Sage a à sa disposition une équipe qui n’est pas la même que celle du début de championnat. Donc on est tous ouverts à cette remontada qui permettrait à l’Olympique Lyonnais de revenir là d’où il n’aurait jamais dû s’en aller.

Le foot féminin est au centre de vos préoccupations notamment à la FFF dont vous êtes vice-président. Le 1er juillet est une date importante puisque ça va être la mise en oeuvre de cette nouvelle ligue professionnelle féminine. Vous y travaillez depuis de longs mois. Tout est prêt pour les clubs et les trois divisions?

On a beaucoup travaillé. La ligue a sa vérité le 1er juillet sur le plan juridique, mais sur le plan opérationnel on travaille déjà. Ca s'appelle la commission du foot de haut niveau à la Fédération, que je préside. J'y ai trouvé des gens très engagés à la Fédé et autour pour prendre l'ascenseur du foot féminin en Europe et dans le monde entier. On a une particularité: comme l'EDF fait partie de notre mouvance globale du foot féminin, on a le foot amateur, avec le projet de multiplier par deux le nombre de licenciées en passant à 500.000, on sait qu'il y a plus de 5 millions de jeunes filles qui jouent au foot, notamment à l'école, donc on a un potentiel qui est fantastique. On va solidifier par la base tout l'édifice. Deuxièmement l'EDF. Là le projet était d'avoir un sélectionneur qui tire la sélection vers le haut. On a eu la chance d'avoir Hervé Renard. Il va mener demain notre équipe en demi-finales de la Ligue des nations contre l'Allemagne à Lyon, je pense qu'on va dépasser le cap des 30.000 spectateurs ce qui est déjà une première, même si ce n'est pas suffisant. Bien sûr le rêve qui va devenir réalité demain c'est de se qualifier pour une première finale de Ligue des nations. Et puis on aura les Jeux olympiques en France en juillet. Tout est près, on s'est donnés les moyens d'arriver à notre objectif et l'EDF, qui est dans les trois ou quatre premières nations mondiales, a l'objectif de devenir la première nation mondiale en matière de foot féminin.

Et puis il y a le foot professionnel, là on a totalement professionnalisé trois divisions. Les centres de formation, ce qui n'est pas le cas encore chez les garçons, peuvent jouer directement dans cette division 3 car ça va permettre de consolider les clubs français qui ont leur centre de formation, en évitant que les jeunes filles formées aillent ailleurs.

On a déjà trois centres de formation opérationnels, on a trois candidatures et il y en aura d'autres car c'est le sens de l'histoire. La deuxième division est désormais unique, avec 12 équipes, et puis une D1 Arkema à 12 qui, je l'espère, va passer à 14 car on veut que les très grands clubs comme l'OM puissent rejoindre. Je pense qu'il faut qu'il y ait, comme dans le foot anglais avec la création de la PL il y a 20 ans, une compétitivité et une compétition exacerbée avec 5-6 clubs de premier niveau. Quand on voit aujourd'hui que la France a réussi à qualifier pour la Ligue des champions trois équipes, on est le seul pays à l'avoir fait et on sait que le potentiel est là.

On a un nouveau partenaire sur les droits TV qui est Canal, qui a signé un engagement de long-terme avec nous, de six ans, avec des plages de retransmission le vendredi soir et le samedi soir qui viennent en concurrence des grandes compétitions ce qui prouve que l'on a pas peur, on va monter en puissance. Le dernier match PSG-OL, il y a eu des pointes à 800.000 spectateurs donc on sent bien cette appétence qu'a le foot féminin.

La ligue est prête, on a cinq personnes qui vont travailler dès le premier juillet à plein temps. On va spécialiser de manière à ce que la communication et l'orga des compétitions, le calendrier etc. soient résolus. Et puis un grand programme de promotion, de communication et de recherche de partenaires au plus haut niveau.

Est-ce que le foot féminin peut intéresser de grandes entreprises du CAC40, de grands groupes français?

C'est vrai que c'est le nerf de la guerre. J'ai pris mon bâton de pèlerin avec un certain nombre de partenaires et on est allés rencontrer des grandes entreprises du CAC40. C'est ce qu'il fallait faire et on va annoncer très prochainement des retours positifs. Mon ambition est de faire en sorte qu'on se donne les moyens et les moyens c'est par le partenariat, des sources de financement qu'on va l'avoir. J'imagine que la D1 Arkema va être la ligue la plus importante d'Europe dans les trois ou quatre ans qui viennent. Je sens qu'aujourd'hui il y a une appétence incroyable autour de ce projet. J'ai réuni les présidents de clubs la semaine dernière à Paris, je leur ai expliqué qu'à l'ECA où j'ai été président pour la partie féminine, j'ai convaincu Manchester United, Manchester City, Barcelone, Madrid... Aujourd'hui on a une C1 avec tous les grands clubs européens et on aura aussi tous les grands clubs français qui vont participer.

Une personnalité a débarqué dans le foot féminin avec une ambition débordante, c'est Michele Kang à l'OL. Quel regard vous portez sur ce personnage atypique et comment travaillez-vous avec elle, c'est une aubaine d'avoir quelqu'un comme ça dans le foot féminin français ?

C'est John (Textor) qui a amené Michele Kang dans le foot français. Elle avait discuté avec quelque temps avec le Paris FC. C'est évidemment une très grande cheffe d'entreprise américaine, qui a réussi en venant de Corée sur le sol américain et qui a une volonté de développer le foot féminin. Elle est propriétaire de Washington Spirit, un des clubs américains qui compte. L'OL aussi était propriétaire d'une franchise aux USA (OL Reign), qui va être vendue dans les heures qui viennent à un grand fonds américain avec une grosse plus-value, et tant mieux pour John. Michele Kang arrive avec des idées qui sont au-delà des idées progressistes que j'ai pu avoir. Moi je voulais qu'il y ait une parité, elle, elle veut clairement que le foot féminin soit en amont du foot masculin. Elle investit beaucoup, déjà en acquérant l'OL foot féminin, ce qui était je pense le premier club mondial, elle veut que son stade puisse être à la dimension de ses ambitions et différent du stade des garçons, un centre d'entraînement séparé...

Je ne veux pas tempérer son enthousiasme, ses intentions sont réelles et sont très bonnes. On l'a intégré dans nos groupes de travail de la Fédération sur la prospective du foot féminin à cinq ans et c'est un élément important. Ca apporte aussi des idées nouvelles dans le sport et dans le foot féminin. Jusque-là chez les garçons, on avait tendance à dire que les clubs étaient et masculins et féminins. Elle, elle arrive avec une vision plus américaine ou le foot féminin peut être décliner seul, c'est-à-dire sans foot masculin. Ca pose un certain nombre de problèmes sur la loi sur le sport, le ministère a donné l'autorisation d'évoluer avec un club féminin qui soit un peu indépendant, ce n'est pas totalement arrêté sur les modalités juridiques. C'est une voie d'optimisme pour le foot féminin, car ça peut permettre dans les cas où le foot masculin est devenu très difficile, de trouver des investisseurs féminins. Donc c'est une opportunité pour tout le foot français féminin d'avoir des ressources complémentaires qui n'existaient pas de ce type-là avant.

Vous parliez juste avant de l'équipe de France, qui est un petit peu cette vitrine du foot féminin en France. Comment avez-vous vécu l'épisode ivoirien avec Hervé Renard, ce faux-départ ? Ca a un peu interloqué certaines personnes...

Quand on m'a posé la question en tant que responsable du foot féminin à la Fédération, on en a parlé longuement avec Philippe (Diallo) et c'est vrai qu'il y avait une réticence de principe. Et quand on a regardé concrètement les choses, j'ai appelé les joueuses les plus leaders de l'EDF pour connaître leur perception et en fait le système s'est renversé : partant du foot féminin français, un entraîneur va gagner la CAN ou va montrer qu'il est non seulement très compétent pour le foot féminin mais aussi masculin, et bien ça peut être au contraire une promotion. Par contre, il fallait que ce soit clair entre Hervé Renard et nous et ça l'était. Il nous a dit qu'il pouvait rendre service à la Côte d'Ivoire, ça l'intéressait car il y a un lien affectif avec la CAN.

D'ailleurs on voit que le foot féminin en Afrique prend de bonnes dimensions. J'ai des propositions pour aller jouer un prochain Trophée des champions en Afrique dans des stades incroyables. Donc voilà après la période de surprise, on s'est dit qu'au contraire, tout le monde devait imaginer que le fait qu'Hervé Renard puisse apporter une solution au foot africain et au foot mondial en tant que sélectionneur de l'EDF féminine, et bien pourquoi pas.

Il n'y avait aucune ambigüité, je l'ai eu au téléphone. Ca ne s'est pas fait pour des raisons qui n'étaient pas liées à Hervé mais à la relation entre les fédérations sur le plan économique. Ceci étant, ça ne m'a pas posé problème et ça a même renforcé le lien de confiance entre Hervé et nous.

Le dossier des droits TV traîne, on sait que Vincent Labrune est à la têche depuis plusieurs mois. Beaucoup s'inquiètent, d'autres disent que CVC vient d'arriver: peut-on être optimiste pour l'accord que tout le monde attend sur ce dossier?
C'est un dossier qui est non seulement fondamental pour la Ligue mais qui l'est aussi pour la Fédération, qui est la voûte de l'ensemble du football français. Il faut faire confiance à Vincent Labrune et à la Ligue. D'une part parce qu'ils ont pris le problème par le bon bout. On a réussi à constituer cette société commerciale. Et quand CVC apporte, dans la corbeille de mariée, un milliard et demi d'euros au football français, c'est la base, ce sont les fondations qui permettent de consolider le football français. Deuxièmement, on arrive à une éqpoque où il y a une réforme de la Ligue des champions avec la possibilité pour la France, si nous maintenons notre rang - et c'est donc important de le maintenir - d'avoir plus de possibilités de participation, de retrouver le nombre d'équipes des quatre premières nations. C'est aussi un point important, c'est dans l'organisation future. Parallèlement à ça, on sait que l'appel d'offres des droits TV de l'UEFA, avec ce nouveau format, est un succès fantastique, avec une évolution de près de 30% des droits TV. Ça c'est le contexte. Et il y a le contexte français avec, c'est vrai un certain nombre d'historiques: on a eu l'affaire Mediapro, on a eu derrière un certain nombre de contextes pas toujours favorables. Et puis il y a eu l'arrivée d'Amazon. Aujourd'hui, on est dans un contexte difficile de négociation mais qui ne remet pas en cause les fondamentaux. Vincent Labrune et ses équipes travaillent non seulement sur le développement des droits TV nationaux mais aussi sur les droits TV internationaux, sur le marketing et les partenaires commerciaux comme nous le faisons aussi sur le foot féminin à progresser de manière importante. Il y a un certain nombre de sujets qui se discutent. Je ne suis pas dans le secret des dieux parce que je ne suis plus membre du conseil d'administration - c'était incompatible avec les fonctions de vice-président de la FFF donc ce n'est pas du tout par désintérêt - mais je suis très proche de Vincent Labrune. On est dans un contexte où les choses sont en train de se jouer. Pour qu'elles se jouent bien, il faut que ce soit discret, il faut qu'on soit dans un optimum qui convienne à tout le monde. Et je pense personnellement que les choses vont bien se passer dans les semaines qui viennent, que les droits vont être à la hauteur des ambitions de Vincent (Labrune. Il y a de toutes façons une certitude, c'est que les droits internationaux vont augmenter de manière sensible. Je sais aussi qu'un certain nombre de droits commerciaux de type sponsoring vont augmenter aussi. L'un dans l'autre, je pense qu'on sera effectivement sur des perspectives qui ont été celles qu'a imaginées Vincent. Et quand je vois des gens remettre en cause, parce qu'ils n'ont pas eu ce qu'ils estimaient avoir... Le Havre... c'est indélicat. Je ne vais pas dire malhonnête parce que vous pourriez me le reprocher. Mais c'est en tout cas indélicat parce que tout le football français a bénéficié de cette manne incroyable d'un milliard et demi. Il y a des mutations, des joueurs qui s'en vont, d'autres qui vont arriver. J'ai une grande confiance dans le football français, masculin et féminin. L'un dans l'autre, je crois qu'il faut tous être derrière Vincent Labrune et la LFP. En parlant de joueurs qui s'en vont, il y en a un: Kylian Mbappé va partir en fin de saison. Que représente, pour vous, le départ de Kylian Mbappé? Le départ de Kylian, c'est plus affectif, je dirais, que dans la concrétisation d'accords commerciaux sur les droits TV. Kylian, c'est effectivement une époque, mais il est resté sept ans au PSG, c'est magnifique. Moi-même, dans la meilleure période de l'OL où on a été champions tous les ans - et on l'a été sept fois successivement - jamais aucun joueur n'est resté sept années. Et c'était souvent des joueurs internationaux. C'est affectivement... Mais Kylian reste en équipe de France. Et on sait son attachement aux événements nationaux. J'espère qu'on aura une bonne nouvelle pour les Jeux olympiques bientôt aussi. Mais pour la Ligue 1, l'impact est-il sensible? C'est trop tôt de le dire. Parce qu'aujourd'hui la Ligue 1, c'est bien sûr Kylian mais ce sont aussi les performances du PSG en tant que tel. Dans la vie, il faut toujours, d'une difficulté, trouver une opportunité. Est-ce que ce n'est pas l'opportunité pour le PSG - en tout cas j'en suis convaincu connaissant bien Nasser (Al-Khelaïfi) et ayant confiance en son aptitude à saisir une nouvelle opportunité - de faire arriver deux ou trois très grands joueurs qui vont peut-être redonner au PSG une crédibilité, peut-être aussi une cohérence... je ne sais pas. Je fais en tout cas le vœu qu'on transforme cette difficulté, parce que cela en est une évidemment colossale, en une opportunité. Et vous savez, la vie est souvent faite de clins d'œil: supposons que cette année soit la bonne pour le PSG avec Kylian, on trouvera extraordinaire de permettre à Kylian de saisir cette opportunité et au PSG de se relancer totalement. Je forme le vœu que ce soit la bonne année pour le PSG et pour Kylian, ensemble. Dernier point: l'arbitrage, qui vit des moments compliqués. Certains parlent même de crise. Etait-ce une mauvaise idée, de la part de la FFF, de nommer deux têtes au sein de la Direction technique de l'arbitrage, avec Antony Gautier en DTA et Stéphane Lannoy en charge du secteur professionnel? Personnellement je ne pense pas qu'il y ait eu une erreur. Bon je faisais partie du groupe de travail donc ça ne va pas vous étonner. Alors est-ce que la situation d'aujourd'hui vous étonne? Je voudrais un peu pondérer ce qui a été dit. Le changement a été fait il y a plus d'un an et jusqu'à décembre 2023, zéro polémique arbitrale. Et pourtant c'est ce qu'il y a de plus facile pour les clubs, les fans... Que s'est-il passé depuis la fin de l'exercice 2023 et 2024? Je dirais, pour simplifier, un certain nombre de soucis internes. Donc ce n'est pas structurel, ce sont des éléments ponctuels, des rivalités peut-être de personnes. Comme en général, quand il y a un certain nombre de sujets et difficultés dans l'arbitrage, il suffit d'avoir des comportements on va dire pas très traditionnels pour que cela prenne de l'ampleur. Et les choses, au lieu de se régulariser, se dérèglent. Je suis personnellement très satisfait de la mise en place de la structure d'arbitrage pour le secteur professionnel. Antony Gautier a fait un très bon travail. Je le juge en tant que président de club passé et en tant que Fédération. Le travail qui est fait, conceptuellement et au jour le jour, est très bien fait. Je vois que dans le foot féminin, Stéphanie Frappart a fait un travail colossal. On va intégrer prochainement le VAR pour les playoffs dans le foot féminin. Parce que ce n'est pas normal qu'il y ait un déséquilibre, même si ça coûte beaucoup d'argent. Après il y a le football amateur où il y a peut-être un certain nombre de choses à réviser. Tout ce plan fait partie de la perspective expliquée par Antony Gautier. Il y a un réglage à faire, dans le foot professionnel, au niveau des relations. Je fais confiance à Antony Gautier pour proposer, à la Fédération, un plan qui va améliorer tout ça. Mais je ne pense pas qu'il faille dire que les changements structurels qui ont été fait l'année dernière n'ont pas abouti. Ils ont abouti et manque de pot, on a eu un certain nombre de difficultés qui sont apparues en janvier-février et se sont accélérées. Mais certaines réactions ont fait en sorte d'attirer encore plus l'attention. Mais globalement, on a résolu beaucoup de problèmes d'arbitrage. J'ai vu qu'on en parlait aujourd'hui: la France a fait la demande à la Fifa de pouvoir être à l'initiative de l'expérimentation dans la communication entre l'arbitre et les auditeurs, le public. L'expérimentation avait été faite cet été lors des championnats du monde de moins de 21 ans. Et a priori ce sera le cas pour les féminines lors des playoffs... Alors n'allons pas trop vite. L'autorisation a été donnée, le Comex a été saisi parce qu'il y a un certain nombre de choses techniques à régler qui ne sont pas évidentes. J'ai suggéré, avec Antony Gautier, qu'on puisse faire une expérimentation sur les playoffs, qui sont aussi une innovation fantastique en termes de compétitivité pour le football féminin parce que c'est ce qui fait l'attractivité et l'audimat... Et si on pouvait, et ce n'est pas décidé mais c'est une suggestion qu'on a faite, expérimenter tout ceci sur les playoffs au mois de mai, ce serait magnifique. Un départ de Stéphane Lannoy est-il inéluctable? Philippe Diallo (président de la FFF) et Jean-François Vilotte (directeur général opérationnel) ont le sujet. On a participé à une longue réunion qui réunissait tout le monde, la Ligue - qui sur le plan économique est le poumon de cette organisation - et je fais totalement confiance à Philippe, qui sait prendre ses responsabilités pour trouver la solution très rapidement.

Article original publié sur RMC Sport