Pourquoi le passage de Beckenbauer à l’OM s’est conclu sur un échec

Dans ses rêves de grandeur, Bernard Tapie pensait avoir tapé très fort en 1990. Le président de l’OM avait réussi le tour de force de convaincre Franz Beckenbauer, légende du football allemand décédée dimanche à l’âge de 78 ans, de rejoindre le club comme directeur technique. "Le Kaiser" venait alors de mener l’Allemagne à la victoire en Coupe du monde et pensait délaisser le terrain pour se tourner vers de nouvelles facettes du football (marketing…) avant de se laisser convaincre par la tchatche de Tapie. L’homme d’affaires français avait profité de son récent rachat d’Adidas, dont Beckenbauer était l’une des têtes de gondole, pour réussir ce joli tour de force.

Installations loin du très haut-niveau, interpellations à l’entraînement, Tapie…

Sportivement, Marseille se portait pourtant bien avec deux titres consécutifs en D1 et un sacre en Coupe de France. L’équipe, alors entraînée par Gérard Gili, avait démarré fort la nouvelle saison avec sept victoires (dont une face au PSG) et deux nuls en neuf journées. Tapie, toujours remonté par la main de Vata en demi-finale de la Coupe des clubs champions la saison précédente et en quête d’une star, avait alors défendu son choix en assurant que Beckenbauer ne venait pas prendre la place de Gili. Ce qui ne fut pas vraiment le cas.

"Beckenbauer est directeur technique, oui, mais il est sur le terrain et arrive avec un assistant, Osieck", resituait Gili dans So Foot en 2021. "Pour lui, la situation est claire: il vient prendre en main l’équipe. Moi, j’étais l’ex-entraîneur, c’est tout, donc je suis allé voir Tapie pour lui annoncer mon départ, et le lendemain, j’en ai fait de même avec les joueurs." Gili, parti à Bordeaux, "Le Kaiser" avait alors pris l’équipe en main mais la mayonnaise n’a jamais vraiment pris. A Marseille, Beckenbauer avait appris à jongler avec un quotidien loin du très haut-niveau avec des entraînements alternés entre le stade d’athlétisme de Luminy et la petite enceinte Delort, jouxtant le Vélodrome.

L’ancien libéro avait participé à installer des machines à laver pour éviter que les joueurs ne doivent laver les affaires chaque soir chez eux. Mais les résultats n’avaient pas trop suivi au cœur d’une saison particulière marquée notamment par les interpellations de Bernard Casoni, Bernard Pardo et Pascal Olmeta en pleine séance d’entraînement pour être entendus sur l’affaire de la caisse noire à Toulon. Sur le terrain, Beckenbauer avait fini par être sifflé au Vélodrome. Il avait finalement présenté sa démission en décembre avant que Bernard Tapie ne le convainque de conserver un poste de directeur technique jusqu’à la fin de la saison. Son dernier match sur le banc remonte au 23 décembre à Caen (0-0, D1). Il fera d’autres apparitions par la suite, mais plus en retrait avant de quitter définitivement le club l’été suivant.

Au moment de la mort de Tapie en octobre 2021, Beckenbauer était revenu sur cette parenthèse particulière. "Humainement, cette aventure aura été particulièrement enrichissante", confiait-il à L’Equipe. "Même si sur le coup, cela me perturbait qu'il se mêle trop du domaine sportif et qu'il soit constamment inséré dans la vie professionnelle du groupe, quasiment au quotidien, ce qui n'était pas son job, je l'ai compris avec un certain recul, sachant qu'il aimait son club par-dessus tout et qu'il s'est donné les moyens d'aller au bout de ses ambitions. Il voulait toujours avoir le dernier mot. Juste avant le coup d'envoi des matches, il changeait subitement la tactique sans me laisser le choix."

"Il n'a laissé que de bons souvenirs ici"

Malgré un bilan moyen (huit victoires, deux nuls, cinq défaites en 15 matchs), Beckenbauer a tout de même laissé une trace indélébile chez certains joueurs de l’époque comme Basile Boli, son "chouchou", ou Eric Di Méco. "Je l'ai côtoyé pendant six mois", a rappelé l’ancien défenseur marseillais dans le Super Moscato Show sur RMC lundi. "C'est le personnage à la plus grande classe que j'ai rencontré dans le football, et l'un des trois ou quatre monstres que j'ai pu croiser et qui restent gravés à vie dans ta mémoire, même quand tu restes six mois. C'était la classe, c'était le talent."

"Pour vous donner la classe du personnage, tous les matins que Dieu faisait à l'époque quand il était chez nous, en arrivant au stade, il passait saluer la lingère, le magasinier. Il passait dans les vestiaires saluer tous les kinés, tous les docteurs, tous les joueurs. Il allait se changer... et il revenait. Tous les matins il faisait ça. Je n'ai jamais vu ça. Il n'a laissé que de bons souvenirs ici."

Article original publié sur RMC Sport