Emmanuel Macron veut un "plan" contre l'infertilité: comment expliquer sa hausse en France?

Emmanuel Macron l'a qualifié de "tabou du siècle" lors de sa conférence de presse ce mardi 16 janvier. Le chef de l'État a annoncé un "grand plan de lutte" contre l'infertilité, "ce fléau", afin de permettre un "réarmement démographique" du pays.

En France, le nombre de naissances a reculé de 6,6% en 2023, passant sous la barre symbolique des 700.000 pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, indiquent les données de l'Insee publiées ce mardi.

"La natalité baisse aussi parce que l'infertilité progresse", a affirmé Emmanuel Macron.

Un couple sur quatre

En février 2022, un rapport, réalisé par une vingtaine de gynécologues, psychologues, biologistes, a été rendu au gouvernement. Il met en lumière que parmi les 15 millions d'adultes âgés de 20 à 49 ans qui ont déjà essayé d'avoir un enfant, 3,3 millions de femmes et d'hommes ont rencontré des problèmes d'infertilité.

Cela signifie, selon la définition de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) qu'ils n'ont pas réussi à obtenir une grossesse au bout d'un an ou plus de rapports réguliers sans contraception.

"Pour ces hommes et ces femmes, le risque d'avoir une difficulté à concevoir qui conduise à consulter un médecin est estimé à 24%, soit un couple sur quatre", peut-on lire dans ce rapport.

Conséquence, la population a de plus en plus recours à des aides pour concevoir. Aujourd'hui, en moyenne un enfant par classe de petite section de maternelle est conçu grâce à une technique d'assistance médicale à la procréation.

Au niveau mondial, l'OMS estime qu'une personne sur six est infertile. Pour les Nations unies, il s'agit "d'un problème sanitaire majeur dans tous les pays du monde".

Des grossesses de plus en plus tardives

La première cause d'infertilité, en France comme dans l'ensemble des pays industrialisés, est l'âge tardif de procréation. En effet, les risques d'infertilité augmentent avec l'âge et les maternités dites "tardives" font mécaniquement monter le risque de ne pas réussir à avoir d'enfant.

"Une étude menée par l'Ined estime que si le risque d'infertilité est effectivement d'environ un couple sur quatre à 30 ans, ce risque monte à un couple sur trois à 35 ans (34 %) et à plus d'un couple sur deux à 40 ans (56 %)", écrit le rapport.

En France, l'âge d'une première grossesse est de plus en plus tard: 28 ans en moyenne en 2015 contre 22 en 1967, selon l'Insee. Un recul lié à un ensemble de facteurs sociétaux dont "la généralisation du travail féminin et des techniques contraceptives".

En outre, "les sociologues identifient également d’autres déterminants, tels qu’un possible déclin du désir d’enfant chez les jeunes générations, la recherche d’une stabilité professionnelle et affective avant de concrétiser un projet parental, une crise économique ou encore l’absence d’une politique publique facilitant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle".

Les spécialistes pointent également une méconnaissance des couples sur ce déclin progressif de la fertilité avec l'âge.

"Laissez nos utérus en paix"

Si ces chiffres sont un constat, les propos d'Emmanuel Macron eux suscitent un tollé dans les rangs féministes et de la gauche qui y voient une tentative de contrôler le corps des femmes.

"Laissez nos utérus en paix", a déclaré la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert sur X (ex-Twitter).

La Fédération nationale des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) a exprimé sa "vive inquiétude": "la mise en place de politiques natalistes, profondément contraires à l'autonomie des femmes, constitue une régression politique et sociale préoccupante".

Quant à la cheffe des écologistes Marine Tondelier, elle a fait part de son "malaise" dressant un parallèle avec le livre La Servante écarlate de Margaret Atwood. Une dystopie décrivant un régime totalitaire où les femmes sont asservies pour pallier la baisse de la natalité.

Arthur Delaporte, porte-parole du groupe PS à l'Assemblée nationale a quant à lui dénoncé des "injonctions natalistes".

Perturbateurs endocriniens, pollution...

De nombreuses études ont également établi un lien entre les facteurs environnementaux et la hausse de l'infertilité. "Toutes les études indiquent que l'exposition au trafic routier ou à d'autres polluants atmosphériques est associée à une réduction de la fertilité spontanée des couples", détaille le rapport publié en 2022, qui cible également l'exposition aux métaux lourds, aux solvants et aux pesticides.

Les projecteurs sont également braqués sur les perturbateurs endocriniens, vaste famille de composés capables d'interagir avec le système hormonal. On les retrouve dans l'alimentation, les emballages, les conservateurs, parabènes, produits ménagers, insecticides, cosmétiques...

Les perturbateurs endocriniens "interfèrent avec les processus qui régulent le développement, le métabolisme et la reproduction et produisent des effets fonctionnels qui se manifestent très longtemps après l’exposition". Ils peuvent donc diminuer la fertilité d'un couple, mais également de l'enfant qu'il parvient finalement à avoir.

Une analysée réalisée en 2017 montre un déclin de plus de 50% de la concentration spermatique chez les hommes des pays industrialisés entre 1973 et 2011, se poursuivant probablement au même rythme depuis cette date, lié à l'exposition aux perturbateurs endocriniens.

L'impact de nos modes de vie

Notre mode de vie peut aussi réduire notre fertilité, en particulier durant la période pré-conceptionnelle, à savoir les six mois précédant la grossesse.

Tabac, cannabis, alcool, troubles de l'alimentation, le poids (l'obésité mais aussi la maigreur) stress, sommeil, activité physique... "Tous, séparément et combinés, pourraient avoir un impact sur les gamètes (spermatozoïdes et ovocytes, NDLR) sur les différentes étapes de la fécondation et sur le développement embryonnaire et fœtal".

Ces comportements quotidiens pourraient même eux aussi avoir un "effet transgénérationnel", avec des conséquences sur la santé et la fonction reproductrice de l’enfant à naître.

Enfin, l'infertilité est également liée à des causes médicales, souvent mal identifiées par les personnes qui en souffrent et par les professionnels de santé, comme les problèmes d'ovulation, l'endométriose ou l'oligospermie.

Quelles pistes?

Ce mardi soir, Emmanuel Macron n'a pas détaillé les modalités de son "grand plan" pour lutter contre l'infertilité. Les spécialistes émettent néanmoins des pistes. Ils recommandent d'abord une meilleure information du public, dès le collège, sur le sujet, tout en appuyant sur l'importance du "libre choix des personnes".

Dans le rapport remis au gouvernement, ils proposent aussi d'instaurer des consultations ciblées pour "repérer de potentiels facteurs d’altération de la fertilité". En outre, les experts insistent sur la nécessité d'informer sur la teneur en phyto-estrogènes des produits alimentaires, hormones naturelles qui constituent des risques éventuels sur la fertilité.

Article original publié sur BFMTV.com