Dystopique ou anodine ? Tout le monde a un avis sur cette marée de smartphones sur les Champs-Élysées le soir du 31

« Absurde », « dérangeant » et « terrifiant » : Internet s’est ligué contre ceux qui ont filmé le compte à rebours (mais ils ont peut-être raison)
@humans_of_capitalism « Absurde », « dérangeant » et « terrifiant » : Internet s’est ligué contre ceux qui ont filmé le compte à rebours (mais ils ont peut-être raison)

INSOLITE - On est le soir du Nouvel An, et dans 10 secondes, on passe en 2024. L’Arc de Triomphe en haut des Champs-Élysées à Paris s’illumine, les feux d’artifice explosent dans le ciel et tout le monde applaudit… ou pas, car il est difficile d’applaudir quand on a son portable en main. Depuis ce lundi 1er janvier, une vidéo montrant une véritable marée humaine de smartphones filmant le compte à rebours des Champs-Élysées fait le tour des réseaux sociaux, et fait beaucoup parler d’elle.

Comme vous pouvez le voir ci-dessous, on y aperçoit une immense foule, dont la grande majorité a choisi de regarder le traditionnel feu d’artifice par l’intermédiaire de son téléphone.

Une image qualifiée de « dystopique » par certains commentaires, qui la comparent carrément à un épisode de Black Mirror, et de banale par d’autres, qui trouvent les critiques de ces internautes bien hypocrites.

Cette vidéo est loin d’être la première à provoquer ce genre de débat. En 2013, une photo de touristes au Vatican filmant le premier discours du Pape François était notamment devenue virale, déclenchant un torrent de « C’était mieux avant ».

Alors que vous aimiez tout filmer au point de saturer votre forfait iCloud ou Google Photos, ou que vous vivez dans une grotte en lisant cet article sur une tablette de pierre, Le HuffPost vous explique pourquoi ces images sont aussi clivantes.

La peur d’oublier et l’envie de partager

Si de nombreux internautes ont vu cette vidéo comme une énième preuve de notre « addiction » à la technologie, d’autres sont venus à la défense de la foule des Champs-Élysées. En effet, filmer le feu d’artifice c’est avant tout vouloir le partager ensuite. « J’aurais été fier d’avoir de belles images d’un événement important à partager avec d’autres qui sauraient l’apprécier », explique sur le réseau social Threads Aurélien, photographe.

Capturer de belles images peut même rendre plus agréables certaines expériences : c’est ce qu’a trouvé une étude publiée en 2016 dans une revue de l’American Psychological Association. Que ce soit en excursion touristique ou au restaurant, les personnes observées étaient à la fois plus impliquées et plus enthousiastes lorsqu’elles avaient le droit de prendre des photos. Comme quoi, filmer un évènement ne veut pas forcément dire que l’on est déconcentré.

Vivre pour les caméras

Ce désir de partage et cette envie de pouvoir revivre un moment éphémère ont beau être naturels, ils peuvent nous rendre anxieux. Une étude datant de 2017 et reprise par NBC News explique notamment que filmer un évènement en ayant l’intention de le publier sur les réseaux sociaux réduit le plaisir ressenti. On commence à penser à comment le post va être reçu, au nombre de likes, et ça déclenche du stress.

Et puis une fois l’évènement terminé et la vidéo postée, il nous arrive d’avoir du mal à nous en séparer. Une forme de « boulimie photographique », explique au Parisien le psychanalyste Michaël Stora. En effet, le feu d’artifice est toujours bien mieux filmé par les caméras de télévision, et en plus, il est publié sur YouTube dans les heures suivant le Nouvel An.

Pourtant, nous restons attachés à nos vidéos floues et bancales, parce que dans un monde où tout passe par le visuel et le digital, filmer devient un réflexe pour prouver sa présence aux autres.

En tout cas, cette addiction au smartphone ne plaît pas aux artistes. Certains comme le rockeur Jack White, Madonna ou l’humoriste Dave Chappelle demandent parfois à leurs spectateurs de placer leurs portables dans un étui pour les empêcher de filmer tout au long du concert. Une méthode radicale pour vous forcer à profiter de l’instant présent - et éviter l’éternel débat qui a refait surface ce 1er janvier.

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