"Nous demandons réparation": des ex-élèves de la Maîtrise de Radio France mettent en cause un chef de chœur

"Comment un chef de chœur licencié pour faits répréhensibles sur mineur en 1985 à l’Opéra de Nantes et cumulant des signalements dans d’autres chœurs d’enfants comme à Toulouse, a pu être ensuite nommé à la Maîtrise de Radio France et maintenu durant 9 ans?" Des anciens membres de cette Maîtrise, une formation musicale de très haut niveau à destination des enfants et des adolescents, dénoncent notamment les abus sexuels d'un ancien chef de chœur, Denis Dupays.

Dans une tribune, publiée dans Le Parisien et dont BFMTV.com a eu connaissance, ces ex-chanteurs et chanteuses, réunis dans un collectif, demandent des comptes à la direction de Radio France pour avoir maintenu Denis Dupays, en poste entre 1989 et 1998.

"Nous demandons réparation", plaide le collectif d'une centaine de personnes qui ont toutes été sous les ordres du chef de chœur.

"Nous voulons que cessent les réseaux ou soutiens qui permettent cela. Nous interpellons les pouvoirs publics sur l’importance de prioriser les enquêtes en cours et d’allonger les délais de prescription pour les victimes. Nous appelons à briser le silence autour de la pédocriminalité, la maltraitance et les violences psychologiques dans l’apprentissage artistique et partout en France."

Des accusations d'abus sexuels

Le collectif est né à la suite des premières révélations dans Le Parisien à la fin du mois de mars qui révélait des abus sexuels dont se serait rendu coupable Denis Dupays au sein d'autres chorales. Un professionnel réputé qui bénéficiait alors d'une véritable aura. Le quotidien évoque une plainte en 2014 contre le chef de chœur pour une agression sexuelle et un viol commis en 1993 à Nantes, mais aussi des faits similaires à Neuilly-sur-Seine ou encore des rumeurs lors de son passage dans un chœur à Toulouse. Jusqu'alors Denis Dupays n'a jamais été poursuivi et reste présumé innocent.

"Après ces révélations très choquantes, la parole s'est relativement peu libérée, explique un membre du collectif. Puis nous avons continué à discuter entre nous et nous avons décidé de créer ce collectif. Il avait vraiment une autorité tyrannique, il était à la tête d'une structure pyramidale et il s'en est donné à cœur joie." Brimades, humiliations, méthode autoritaire, harcèlement, toute une série de faits sont dénoncés. À ce jour, aucun ex-Maîtrisien n'a porté plainte pour des abus sexuels.

Toujours selon Le Parisien, une plainte pour harcèlement avait été déposée par le père d'une petite chanteuse de la Maîtrise en 1998 entraînant l'ouverture d'une enquête de police, classée sans suite. Au terme d'un bras de fer avec des enseignants du chœur , Denis Dupays avait fini par être licencié.

"Nous ciblons sa personne mais nous ciblons aussi l'institution qui a permis son action", poursuit cet ancien membre de la Maîtrise de ses 9 à 12 ans.

Radio France veut "contribuer à faire toute la lumière"

Depuis ces révélations, Radio France cherche à recueillir le maximum d'éléments sur ces faits dénoncés. "Nous cherchons à reconstituer les faits, nous sommes activement en train de faire remonter tout ce qui concerne cette période (...) et nous mettrons l’ensemble à la disposition des autorités compétentes", indique au Parisien Sybile Veil, la PDG de Radio France. Arrivée dans l'institution en 2015, elle assure n'avoir jamais été mise au courant de ces accusations avant ces dernières semaines.

"J’ai été bouleversée à double titre: c’est la hantise de tout parent et de tout responsable à qui l’on confie des enfants, dit-elle. J’ai tout de suite été inquiète de savoir s’il y avait des victimes parmi nos anciens élèves." Le collectif d'anciens Maîtrisiens assure vouloir travailler avec la direction de Radio France pour la création d'une charte afin que ces agissements ne se reproduisent plus.

"Si des victimes ou des témoins lisent ces mots, nous voulons vous dire notre profonde compassion et que nous sommes prêts à aider de toutes les manières possibles celles et ceux d’entre vous qui voudraient témoigner de faits remontant à cette époque", a écrit la direction de Radio France dans une lettre adressée aux anciens Maîtrisiens, que BFMTV a pu consulter. Le groupe propose "une ligne d’écoute et d’accompagnement indépendante" à ceux qui "ressentent le besoin de parler à un psychologue".

"Le silence et l’oubli sont une deuxième violence faite aux victimes. Nous sommes reconnaissants aux auteurs de ces enquêtes de briser ce silence et nous sommes déterminés à contribuer à faire toute la lumière sur ces années", indique encore la direction de Radio France. Pour le moment, le parquet de Paris n'a pas été saisi sur ce sujet.

Article original publié sur BFMTV.com