"Tenir 4 à 6 semaines" : comment Emmanuel Macron s'est trompé

Emmanuel Macron, le 25 février 2021.

Un objectif qui était impossible à atteindre dès qu'il a été prononcé, selon plusieurs scientifiques.

"Tenir encore 4 à 6 semaines". Le 1er mars dernier, Emmanuel Macron exhortait les Français à tenir encore avant un assouplissement des restrictions prises pour lutter contre le Covid-19. Six semaines plus tard, la situation sanitaire s'est fortement dégradée.

On recense près de 1,3 million de cas recensés de Covid supplémentaires depuis le 1er mars, 5838 lits de réanimation sont aujourd'hui occupés par des patients Covid contre 3544 le 1er mars, et plus 12 000 victimes supplémentaires du Covid sont à déplorer, selon les chiffres officiels.

"Ça n'avait aucune chance d'avoir lieu"

"Je ne comprends pas sur quoi Emmanuel Macron s'est basé pour laisser entendre que la situation allait s'améliorer au bout de 4 à 6 semaines à tenir avant d'assouplir les mesures. Ça n'avait aucune chance d'avoir lieu avec les mesures qui étaient en vigueur au 1er mars", s'interroge l'épidémiologiste Catherine Hill.

VIDÉO - Covid : Macron demande de "tenir" encore "4 à 6 semaines" avant des assouplissements

"La situation ne pouvait que se détériorer avec de telles mesures"

Au 1er mars, l'ensemble du pays était soumis à un couvre-feu à 18 heures. En revanche, il n'existait aucune restriction de déplacement en journée et l'ensemble des commerces était ouvert, à l'exception des restaurants, bars, boites de nuit et salles de sport. Deux tiers des lycées fonctionnaient en demie jauge, un dispositif depuis étendu à tous les établissements de départements "reconfinés" et le télétravail obligatoire avait été allégé.

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"Avec de telles mesures, la situation ne pouvait que se détériorer. Si le 1er mars Emmanuel Macron avait accompagné l'objectif de 4 à 6 semaines d'efforts d'un confinement strict, on aurait certainement pu assouplir les mesures au bout de cette échéance, voire avant", estime de son côté Michaël Rochoy, docteur en épidémiologie.

"Il fallait agir dès janvier pour un printemps avec moins de restrictions"

Dès la fin janvier, plusieurs épidémiologistes alertaient sur une situation très compliquée dans les hôpitaux à partir de la mi-mars, en raison de l'impact grandissant du variant britannique, si aucune mesure supplémentaire n'était prise.

"Pour avoir un printemps plus acceptable en terme de restrictions, il fallait agir beaucoup plus tôt, dès janvier, en confinant strictement et en testant massivement la population pour trouver toutes les personnes positives et les isoler. Aujourd’hui, on teste n'importe qui, n'importe comment", déplore Catherine Hill

"On a proposé des mesures, mais rien n'a été fait"

Un confinement strict qui aurait même pu être évité, en agissant plus en amont. "Il y avait des leviers à actionner dès janvier, qui auraient pu suffire à éviter la situation actuelle : fusionner les vacances scolaires d'hiver des zones en un seul bloc de quatre semaines, le télétravail massif, un protocole renforcé dans les cantines scolaires et d'entreprise, la fermeture des classes dès le 1er cas au lieu d'attendre 3 cas. On a proposé des mesures, mais rien n'a été fait", regrette Michaël Rochoy, également membre du collectif Du côté de la science.

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"Au lieu de prendre ces mesures pour éviter un confinement, on a même allégé le télétravail", rappelle le docteur en épidémiologie. Le 7 janvier, Elizabeth Borne mettait en place un "léger assouplissement" du télétravail en permettant aux salariés qui le souhaitent de revenir un jour par semaine en présentiel. Une mesure qui inquiétait déjà les médecins lorsqu'elle avait été annoncée. Selon une étude de l'institut Pasteur, mise à jour en mars et citée par Jean Castex, 27% des contaminations détectées ont lieu au travail, contre 29% en décembre dernier.

Des restrictions aux effets limités

Le 31 mars, soit un mois après sa prévision, Emmanuel Macron a pris la parole pour annoncer de nouvelles restrictions, dont la fermeture des écoles durant trois à quatre semaines selon les niveaux, et une généralisation des mesures qui étaient en vigueur uniquement dans les départements les plus touchés, dont des restrictions de déplacement à 10km autour du domicile.

Des mesures qui n'ont pour le moment pas produit d'effet suffisant pour freiner les entrées à l'hôpital et en réanimation, toujours en hausse constante depuis plusieurs semaines. Néanmoins, une stabilisation voire une légère baisse du nombre de cas positifs quotidien semble se dessiner depuis quelques jours.

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