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Coronavirus : le Brésil court-il à la catastrophe ?

Le président brésilien prend le coronavirus à la légère, cherchant même à défier les mesures prises localement.
Le président brésilien prend le coronavirus à la légère, cherchant même à défier les mesures prises localement.

Alors que le Brésil n’est pas épargné par le nouveau coronavirus, le comportement de son président, Jair Bolsonaro, risque de plonger le pays dans une crise sanitaire, économique et politique très grave.

Le Brésil n’est pas épargné par l’épidémie du nouveau coronavirus. C’est même le pays le plus touché d’Amérique Latine. Selon les derniers chiffres disponibles ce 6 avril, 11 281 cas ont été recensés et 487 personnes sont décédées des suites du Covid-19.

Des chiffres qui seraient bien loin de la réalité, selon un article de Piaui, la version magazine du quotidien Folha de Sao Paulo. Depuis le début de l’année 2020, 11 300 personnes ont été hospitalisées pour un syndrome respiratoire aigu sévère, l’une des complications du coronavirus. Soit presque trois fois plus que durant la même période en 2019. D’après les calculs du quotidien, plus de 6000 personnes pourraient être atteintes du Covid-19 sans être déclarées comme telles.

Des mesures de confinement locales

Pour tenter d’endiguer l’épidémie, des mesures ont été prises à l’échelle locale. Plusieurs gouverneurs et maires ont instauré un confinement, plus ou moins strict. Ceux de Rio et Sao Paulo ont par exemple choisi de fermer les écoles et les entreprises, ils ont également déclaré l’état d’urgence.

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Plus surprenant, les gangs qui sévissent dans les favelas imposent une confinement strict aux habitants, comme le rapporte le Financial Time. Dans l’un des quartiers de Rio de Janeiro, ce message a été envoyé à la population : “quiconque est attrapé dans la rue apprendra à respecter les mesures. Nous voulons le meilleur pour la population. Si le gouvernement n’est pas capable de gérer, le crime organisé l’est”. Certains ont même imposé un couvre-feu !

Bolsonaro, à contre-courant

En parallèle, le président brésilien Jair Bolsonaro prend cette épidémie de coronavirus - qu’il qualifie de “petite grippe” - à la légère. “Il joue sur le déni, il va même à l’encontre de ce que prône son propre ministre de la Santé”, nous détaille Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes à Sciences Po. Pire, il tente même de contrer les mesures locales de confinement. Le 26 mars dernier, le gouvernement en a, par exemple, dispensé les églises, via un décret.

Ce dimanche 29 mars, Jair Bolsonaro est allé à la rencontre des habitants de Brasilla, défiant toute consigne de distanciation sociale. Une sortie qui a été filmée et publiée sur le compte Twitter officiel du président. Mais le réseau social a supprimé deux des vidéos, puisqu’elles allaient à l’encontre des règles de sécurité, comme le rapporte l’AFP.

La veille, samedi 28 mars, un tribunal fédéral brésilien avait interdit la diffusion des messages opposés aux mesures de confinement. Et pour cause, la semaine précédente, le gouvernement avait mené une campagne vidéo appelée “Le Brésil ne peut pas s’arrêter”, dans laquelle il exhortait les habitants à poursuivre leurs activités.

Bolsonaro, plus isolé que jamais

Le comportement du chef de l’État d’extrême droite risque de précipiter le pays dans une crise non seulement sanitaire, mais aussi politique. “Bolsonaro se retrouve isolé, il n’a pas de parti, pas de majorité au Parlement”, dévoile Gaspard Estrada.

“Il s’emploie à maintenir un climat de polarisation dans le pays”, avance de son côté Dominique Vidal, professeur à l’université de Paris, “ça le met dans position très délicate jusque dans son propre camp et même vis-à-vis de son vice-président, un général de réserve qui voit d’un très mauvais oeil l’extension de cette épidémie”.

D’ailleurs, l’opinion publique n’est pas favorable à Jair Bolsonaro dans cette gestion de la crise. “Il a 20 points d’opinion favorable en moins que les gouverneurs des États”, rapporte Gaspard Estrada. Le président du Brésil “joue un jeu très dangereux, car il contribue à se mettre lui-même dans une position de faiblesse, mais il amène aussi le Brésil dans une situation très, très compliqué sur le plan sanitaire, économique et finalement politique”, analyse-t-il.

Un système de santé “déjà affaibli”

Outre les répercussions politiques et économiques à moyen terme, la pandémie risque de frapper très bientôt le pays de plein fouet. Selon les estimations du magazine Piaui, la courbe de contamination du Brésil ressemble fort à celle de l’Italie, avec trois semaines de retard. Le plus dur reste donc visiblement à venir.

Depuis 1988, le Brésil dispose d’un système universel de santé, comme nous le rappelle Gaspard Estrada. “Il y a des équipements et des équipes de recherche de très haut niveau”, mais certains territoires sont aussi “complètement abandonnés” en raison d’une couverture très inégale. Cette désertification médicale risque de poser problème lors de la crise sanitaire.

D’autant que “le système de santé était déjà passablement affaibli depuis 2014, avec des coupes drastiques dans le budget, alors même que la situation sanitaire des Brésiliens s’était considérablement améliorée au cours des 30 dernières années”, développe Dominique Vidal. Le pays se livre donc à “une course contre la montre, pour tenter d’augmenter les équipements afin de faire face à l’afflux de patients à venir”, dévoile Gaspard Estrada.

Danger dans les favelas et les tribus

Dans le pays, l’autre risque réside dans les conditions de vie des favelas et plus généralement des quartiers pauvres, où la densité de population est très élevée. “Plusieurs personnes, de différentes générations, vivent dans une même habitation, généralement petite”, nous décrit le professeur Dominique Vidal. “Il y aura des clusters intra-familiaux”, craint-il.

Il y a aussi le “problème de l’eau et des équipements médicaux”, énumère Gaspard Estrada. Sans oublier que les habitants des favelas sont souvent “des personnes qui travaillent dans le marché informel, qui n’ont pas protection sociale, pas de contrat de travail, et qui sont donc encore plus exposées que la moyenne”, poursuit-il.

“Il est à craindre que l’épidémie de coronavirus révèle de manière tragique les grandes inégalités de la population brésilienne”, conclut Dominique Vidal.

Autre population très à risque du Brésil : les indigènes. Un premier cas a été recensé le 1er avril dernier, dans une communauté vivant au coeur de la forêt amazonienne. Le pays compte en tout plus de 300 tribus, et le coronavirus risque de “les décimer”, selon des experts de l’université Fédérale de Sao Paulo. Les personnes âgées sont les plus à risque, or, comme l’explique la spécialiste Sofia Mendonça, quand les aînés des tribus décèdent, “vous perdez leur sagesse et l’organisation social, ça devient le chaos”. Une population d’autant plus à risque que l’accès aux soins médicaux leur est difficile.

Le déni dans lequel est plongé Jair Bolsonaro laisse craindre le pire pour son pays.

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